«Les secrés des dames », tradition, traductions - article ; n°14 ; vol.7, pg 47-57
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Description

Médiévales - Année 1988 - Volume 7 - Numéro 14 - Pages 47-57
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

Prof. Dinora Corsi
Lada Hordynsky-Caillat
† Odile Redon
«Les secrés des dames », tradition, traductions
In: Médiévales, N°14, 1988. pp. 47-57.
Citer ce document / Cite this document :
Corsi Dinora, Hordynsky-Caillat Lada, Redon Odile. «Les secrés des dames », tradition, traductions. In: Médiévales, N°14,
1988. pp. 47-57.
doi : 10.3406/medi.1988.1100
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1988_num_7_14_1100Dinora CORSI
«LES SECRÉS DES DAMES» : TRADITION, TRADUCTIONS
L'évolution politique de l'Occident pendant le haut Moyen Âge est
bien connu, comme aussi son repli culturel quand les liens et les
échanges avec le monde gréco-byzantin se furent raréfiés. Au XIIe siècle
le savoir occidental puisait encore dans la Historia naturalis de Pline et
s'était arrêté aux Ethymologiœ d'Isidore de Seville. L'Occident avait
perdu, dans l'épuisement de son propre souffle culturel, le patrimoine
construit par la science grecque. La culture médicale connut le même
inéluctable ralentissement et resta bloquée pendant des siècles à l'ombre
des écoles monastiques où les connaissances en gynécologie et en obsté
trique cessèrent d'évoluer. Ce n'est sans doute pas un hasard si, pendant
tout le haut Moyen Âge et jusqu'à la fin du XIe siècle, l'Occident n'a
connu qu'un seul traité de gynéco-pathologie1.
Cette situation est remise en cause et inversée lorsque la médecine
sort du monastère et que le monde moyen-oriental se rapproche à nou
veau de l'Europe. Ces deux phénomènes sont, pour ce qui est de la
médecine, étroitement liés ; quand en effet les écoles ecclésiastiques ten
dent à perdre leur hégémonie et que la médecine revient, quoique très
lentement, vers le monde des laïcs, une ouverture est créée sur le versant
non chrétien de cette science.
À la différence du monde chrétien, le monde grec avait vécu sans
complexes la recherche médicale sur le corps féminin ; il est vrai qu'il en
avait pénalisé la structure physiologique, réduite en mas occasionatus,
et il avait sanctionné son rôle passif dans les phénomènes complexes de
la conception, en réservant à l'homme la vw formative. Mais il n'avait
pas pour autant négligé de l'étudier, pour tenter d'en pénétrer les myst
ères, et aussi pour le soigner et l'aider dans les moments parfois diffi
ciles de la grossesse et de l'accouchement.
Soranus d'Éphèse, en particulier, s'intéressa à la gynécologie et à
l'obstétrique au point d'en être considéré comme l'initiateur. Il vécut et
travailla à Rome, mais était de culture grecque et écrivit en grec sa
1. Il s'agit de la Gynaecla de Muscio écrite au vi« siècle. 48
Gynaikéia, qu'il semble même avoir complété par des figures, destinées
à rendre le texte plus compréhensible.
Après lui, bon nombre de médecins illustres, Oribasse de Pergame,
Aetius d'Amida, Alexandre de Tralles, Paul d'Êgine, qui ont vécu entre
les IVe et VIe siècles, se sont intéressés à et ont écrit sur la médecine
féminine. Leurs œuvres, celles qui nous sont parvenues, montrent que les
théories d'Hippocrate et les enseignements de Soranus ne furent pas
abandonnés.
C'est aussi dans ce milieu culturel gréco-byzantin qu'une femme,
Metrodora, écrit au VIe siècle un traité sur les maladies féminines2.
L'œuvre a des bases scientifiques plutôt limitées et elle fait peu de place
à l'accouchement, comme du reste à toute intervention directe et « man
uelle » sur le corps de la femme. Le traité s'apparente plutôt à un livre
de recettes, contenant des remèdes contre les pathologies gynécologiques
et les maladies en général ; on y trouve aussi des éléments de cosmétol
ogie, des recettes abortives ou des modes d'intervention contre la frigi
dité et l'impuissance. En définitive, on peut considérer ce traité comme
un abrégé de prescriptions et de remèdes et il est peut-être le précurseur
de ces recueils de prescriptions pratiques répandus dans le monde
byzantin, les efodi, qui étaient destinés aux médecins voyageurs et qui
jouirent plus tard d'une grande faveur dans le monde arabe3.
L'Occident éprouva des difficultés à suivre les Gynaecia orientales
et, quand il y réussit, ce fut avec des hommes qui appartenaient certes
à l'Empire romain, mais non pas à la culture occidentale. Vindicien
l'Africain (Vindicianus Afer), Théodore Priscien, Caelius Aurelianus
écrivirent des œuvres obstétrico-gynécologiques en latin, mais ils s'in
spiraient toujours des maîtres grecs, quand ils ne se contentaient pas
simplement de les traduire4.
2. Nous ne savons rien d'elle, ni de sa profession, hormis le peu qu'il est possible de
tirer de son texte. Elle était certainement païenne, probablement grecque - des noms de
lieux et de villes grecs reviennent très souvent dans son texte - peut-être était-elle sage-
femme. Sa formation culturelle est mal connue, mais elle connaissait les œuvres obstétri
ques de l'école d'Hippocrate avec lesquelles elle a des points communs, par exemple dans
l'utilisation des remèdes pour guérir les maladies, dans l'usage des substances thérapeuti
ques minérales et végétales d'origine grecque et égyptienne, et dans les nombreuses pres
criptions de pessaires. Les maîtres de la médecine gréco-romaine dont elle semble tirer ses
connaissances sont Théodore Priscien surtout, puis Galien, Andromaque, Démocrite,
Alexandre de Tralles. Il reste, à ce jour, un seul manuscrit du texte de Metrodora, qui se
trouve à la Bibliothèque Laurendenne de Florence. Il a été édité et traduit par Giorgio
Del guerra sous le titre // llbro cS Metrodora suite mala t tie délie donne e II rlcettarlo dl
cosmetica e terapla, Milan, 1953. Nous renvoyons à l'introduction de Del Guerra pour
d'autres renseignements sur Metrodora et sur la médecine byzantine.
3. lbld.t p. 33-34.
4. Il semble que la Gynaecia de Cœlius Aurelianus ne soit en réalité qu'une traduction
en latin de Soranus d'Éphèse, voir Celius aurelianus, Gynaecia. Fragments of a Latin
Version of Sorano's Gynaecia from a Thirteenth-Century Manuscript, édité par Myriam F.
Drabkin et Israël E. Drabkin, dans «Supplements to the Bulletin of the History of
n° 13, Baltimore 1951. Médecine», 49
Au stade actuel des recherches, le seul traité obstétrico-gynécologi-
que qui ait circulé durant tout le haut Moyen Âge est encore un texte
abrégé et traduit d'après l'œuvre de Soranus d'Ephèse : il s'agit de la
Gynaecia de Muscio, un auteur d'origine probablement africaine, peut-
être de la Numidie5. L'œuvre est destinée aux femmes et a un caractère
volontairement pédagogique. Muscio affirme en fait avoir voulu :
Que le discours soit beaucoup plus simple, et pour pouvoir parler
d'une façon plus naturelle, j'ai eu recours à des mots adaptés aux
femmes, c'est aussi pour que les sages-femmes, même analphab
ètes, puissent facilement comprendre le livre, quand il leur est lu
à voix haute [...]. Si les maladies des femmes nécessitent bien
souvent la présence de la sage-femme, nous n'en avons pourtant
trouvé aucune qui soit assez savante pour comprendre la langue
grecque, mais si elles avaient pu disposer de toutes les œuvres de
Gynaecia en traduction latine elles auraient pu en tirer tous les
enseignements6.
Ces quelques lignes confirment que l'Occident du haut Moyen Âge
n'avait produit aucune œuvre obstétrico-gynécologique et n'en possédait
même pas en traduction ; elles donnent aussi l'idée du bas niveau culturel
des sages-femmes et de l'insuffisance de leur préparation, car les moyens
qui auraient été nécessaires pour améliorer la qualité de leurs connais
sances techniques, leurs prestations et leurs services d'assistance, étaient
venus à manquer.
Muscio écrivait au VIe siècle, et il fallut attendre cinq cents ans pour
qu'une femme, de l'école salernitaine, s'intéresse à, et écrive sur, la
gynécologie et l'obstétrique. Peut-être la tradition médicale grecque
avait-

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