Les Touaregs du Hoggar entre décolonisation et indépendance (1954-1974) - article ; n°1 ; vol.57, pg 77-90
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Les Touaregs du Hoggar entre décolonisation et indépendance (1954-1974) - article ; n°1 ; vol.57, pg 77-90

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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1990 - Volume 57 - Numéro 1 - Pages 77-90
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Vallet
Les Touaregs du Hoggar entre décolonisation et indépendance
(1954-1974)
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°57, 1990. pp. 77-90.
Citer ce document / Cite this document :
Vallet Michel. Les Touaregs du Hoggar entre décolonisation et indépendance (1954-1974). In: Revue du monde musulman et
de la Méditerranée, N°57, 1990. pp. 77-90.
doi : 10.3406/remmm.1990.2357
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1990_num_57_1_2357VALLET* Michel
LES TOUAREGS DU HOGGAR
ENTRE DÉCOLONISATION ET INDÉPENDANCES
(1954-1974)
Dans les «années trente», une succession de reportages parus dans «L'illustra
tion» ou les «Actualités» cinématographiques, montrèrent, dressés sur leurs grands
méharis, les seigneurs du désert au regard énigmatique et hautain, — les mêmes
que figea sur ses toiles Paul-Elie Dubois pour l'exposition coloniale —, alignés
au passage du Gouverneur Général de l'Algérie ou des premières missions auto
mobiles transsahariennes, assortis de descriptions de leurs mœurs médiévales, qui
laissèrent à penser que rien n'avait changé, depuis leur soumission en 1904, pour
les Touaregs du Hoggar, abrités par leurs montagnes et la paix française. Cette
impression, confortée par d'autres images montrées ultérieurement, était la même
vingt ans plus tard. Elle était fausse, car la vie traditionnelle de ces nomades n'avait
cessé de se dégrader, paradoxalement, depuis le début et à cause de la présence
française. La paix avait ôté au guerrier sa raison d'être, qui l'exemptait des tâches
matérielles afin d'être toujours disponible pour la défense de la collectivité, et rendu
l'organisation sociale anachronique.
Le conquérant avait substitué sa souveraineté à celle de VAmenokal et de ses
barons et leur avait interdit la perception des droits de passage des caravanes, enjeux
* Dans les années qui ont précédé l'indépendance de l'Algérie, M. Vallet a assumé les fonctions
de chef de peloton méhariste, de commandant de la Compagnie méhariste du Tidikelt-Hoggar
et de commandant du quartier de Tamanrasset. Après 1963, il effectua plusieurs missions à Taman-
rasset au titre de la RCP 43 du CNRS et de l'Ecole Pratique des Hautes Études, en vue d'un
doctorat d'études africaines soutenu en 1966 â la Sorbonne, «Les Touaregs dans le monde moderne».
REM.M.M. 57, 1990/3 78 / M. Vallet
d'une savante stratégie d'alliances qui disparaissait en même temps que le pres
tige de ceux qui en étaient les bénéficiaires, les nobles, dont l'influence baissait
au profit de celle des religieux. Cela provoqua une islamisation accrue qui inquié
tera plus tard les autorités françaises, pourtant responsables elles-mêmes de l'expan
sion de la religion du Prophète et de l'arabisation dans un pays qu'elles avaient
ouvert aux militaires chaamba des compagnies sahariennes et aux commerçants
de même origine arrivés dans leur sillage. Mais, toutes ces atteintes aux condi
tions de vie du passé avaient constitué un « grignotage » qui, s'il avait été perman
ent, était resté discret. Il en sera tout autrement du «grand chambardement» qui
toucha le Hoggar comme l'Afrique entière.
Il eut pour origine les répercussions locales, après la guerre de 1939-1945, de
la prise de conscience par les «indigènes» des pays colonisés ayant combattu aux
côtés de leurs tuteurs — dont ils avaient parfois découvert les faiblesses —, de l'impor
tance de leur concours. Ils en espérèrent de la reconnaissance, sous la forme d'une
meilleure considération, une amélioration de leur situation matérielle par les pro
grès de la technologie, une participation à la gestion des affaires publiques, voire
leur émancipation. Leurs revendications s'exprimèrent par le combat politique ou
la lutte armée et les autorités y répondirent par des actions de développement éco
nomique, des réalisations sociales ou des opérations militaires, propres à les satis
faire ou à les combattre. En Afrique, cela se traduisit par les diverses réformes
qui jalonnèrent la route vers l'indépendance des pays sahéliens1, la départementa
lisation des Territoires Militaires du Sud-Algérien, la création du Bureau Industriel
Africain ou la guerre d'Algérie.
Dans le Hoggar, les effets de la révolution industrielle se feront sentir en pre
mier, avec l'installation, en 1954, de prospecteurs du BRGM {Bureau de Recher
ches Géologiques et Minières) et du CEA (Commissariat à l'Energie Atomique),
qui avaient besoin de tâcherons. Les Touaregs étant à l'époque réticents à ce genre
de travail et leurs esclaves indisponibles, ce sont les Harratines qui à l'expiration
de leurs contrats de métayage (du moins ceux qui n'étaient pas liés par leurs det
tes), posèrent leur candidature à l'embauche, attirés par les salaires offerts, au détr
iment de leurs centres de cultures. Un besoin concomitant des échanges entre la
région et le Nord du pays entraîna la création d'un aérodrome à Tamanrasset et
l'aménagement des pistes par le Génie Militaire Saharien, qui se réalisèrent avec
des ouvriers de même provenance. La situation devint préoccupante pour les pro
priétaires des jardins, les Touaregs, en 1959, lorsque vint s'installer à In Ekker,
à moins de 200 km du chef-lieu, le CEMO (Centre d'Expérimentation Militaire
des Oasis), gros demandeur de bras, pour effectuer les travaux de terrassement
de son camp de base et les excavations nécessaires à l'enfouissement des charges
atomiques souterraines. Ils intervinrent alors auprès du capitaine chef d'Annexé
pour qu'il interdise, ou tout au moins limite, le nombre de départs des Harrati
nes. Alors l'officier, pour éviter la ruine de l'agriculture et le mécontentement des
nomades restés jusque là en dehors de la rébellion algérienne et qui avaient un
moral assez bas2, prit les mesures restrictives qui s'imposaient3. En fin de compte,
ceux qui purent aller travailler au centre militaire ou sur les champs pétrolifères
d'Hassi Messaoud ou d'Edjeleh, qui recrutaient également, s'enrichirent. Les chant
iers absorbèrent le tiers des mille cinq cents Harratines du Hoggar (Blanguernon,
1965 : 168). Ceux-ci achetèrent du petit matériel domestique, comme des ustensi
les de cuisine, des lampes torches, des montres, des postes radio, des vélomoteurs, Les Touaregs du Hoggar entre décolonisation et indépendances (1954-1974) I 79
des vêtements aussi qui n'étaient plus identiques à ceux de leurs anciens patrons
qu'ils cherchaient à imiter naguère, mais les mêmes que ceux des Européens qu'ils
côtoyaient désormais. L'amélioration de leur standing leur donna plus d'assurance
face aux Touaregs, les poussa à vouloir la scolarisation de leurs enfants (qui auraient
alors plus de chances de se faire embaucher, à leur tour, par les Blancs et pourr
aient contrôler l'exactitude des intérêts des prêts usuraires que leur réclamaient
les commerçants) et des logements décents. Ces aspirations poussèrent l'adminis
tration à ouvrir des classes, des centres sociaux (en 1960, quelques 600 garçons
et 75 filles avaient fréquenté l'école) et, première entorse à la promesse de respect
de toutes les traditions, dont l'une faisait de VAmenokal le possesseur de l'ensem
ble des terres du Hoggar, elle distribua des lotissements en profitant de la pré
sence en son sein à Tamanrasset d'un officier du contingent, juriste de métier,
pour légaliser l'opération4. La promotion des Harratines amena les Touaregs à
vouloir les imiter, mais ce furent d'abord les vassaux qui franchirent le pas (il en
vint même du Tamesnagh). Les jeunes nobles les enviaient eux aussi mais ils ne
pouvaient aller plus loin à cause de l'intransigeance de leurs pères dans ce domaine,
avant que ces derniers ne trouvent la solution qui permette de concilier amour-
propre et intérêt financier : ils enverront leurs esclaves faire les manœuvres, mais
ils en récupéreront les salaires, qui s'ajouteront aux leurs, en se faisant eux-mêmes
recruter comme chefs d'équipe à leurs côtés. Cependant, bien des nomades se mont
rèrent instables dans leur emploi; le quittant d

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