Les traductions latines du Charon de Lucien au quinzième siècle - article ; n°1 ; vol.84, pg 129-200
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1972 - Volume 84 - Numéro 1 - Pages 129-200
72 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Hemeryck Pascale
Les traductions latines du Charon de Lucien au quinzième siècle
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 84, N°1. 1972. pp. 129-200.
Citer ce document / Cite this document :
Pascale Hemeryck. Les traductions latines du Charon de Lucien au quinzième siècle. In: Mélanges de l'Ecole française de
Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 84, N°1. 1972. pp. 129-200.
doi : 10.3406/mefr.1972.2264
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1972_num_84_1_2264TRADUCTIONS LATINES LES
DU CHARON DE LUCIEN AU QUINZIÈME SIÈCLE
PAR
Pascale Hemeryck
Membre de l'Ecole
Lorsque Lucien de Samosate, athénien de goût et d'adoption, comp
osait ses brillantes pochades pleines de sel attique et d'humour scepti
que, il avait derrière lui plusieurs siècles de littérature riche et continue;
il jouait en pleine conscience de toutes les ressources de cet héritage;
sa pensée se formait au contact des différentes écoles philosophiques
que le sol hellène avait vu s'épanouir et s'abâtardir; et nous n'avons
pas trop, à notre tour, de plusieurs siècles d'études classiques pour dé
mêler les intentions complexes, les ressorts et les allusions de cet art
constamment nourri des raffinements d'une longue civilisation 1.
L'effort des premiers hellénisants italiens, « redécouvrant » des
écrits antérieurs de treize siècles, était bien différent du nôtre. L'admirat
ion véhémente pour la littérature grecque, jointe au désir d'en connaître
le plus possible, se heurtait à la barrière de la langue, au manque de livres
et de manuels, et à la différence des civilisations. Les traductions du grec
faites à cette époque nous permettent de toucher du doigt les difficultés
de ceux qui enviaient aux Byzantins leur héritage: elles mesurent, alors
que la diffusion du grec prend un notable essor par rapport aux siècles
précédents, la science des traducteurs, et également ce qui, des œuvres
tant prônées, était accessible à ceux qui n'osaient en entreprendre seuls
* Tous mes remerciements vont à ceux qui m'ont aidée au cours de mon
travail, et tout particulièrement au professeur Gr. Billanovich, qui a bien voulu
guider et contrôler mes recherches.
1 L'ouvrage de Marcel Caster, Lucien et la pensée religieuse de son temps,
Paris, 1937, et la thèse de J. Bompaire, Lucien écrivain. Imitation et création, 1958 (Bibl. Ec. jr. Athènes et Borne, 190), étudient l'écrivain dans son
milieu historique et littéraire.
MEFRM 1972, 1. 9 130 PASCALE HEMERYCK
la lecture — semblables à Pétrarque qui, au siècle précédent, entourait
son manuscrit d'Homère, incompréhensible pour lui, d'une vénération
jalouse autant qu'inefficace.
Lucien faisait partie des auteurs faciles, recommandés aux début
ants. S'il avait été totalement ignoré du moyen âge occidental, il faisait
partie du corpus des écrivains classiques étudiés dans les écoles byzant
ines; à ce titre, dès qu'il s'instaure entre le monde byzantin et l'Italie
des rapports de maître à élève, il fut des premiers auteurs utilisés, et on
ne devait pas avoir trop de mal à se procurer des manuscrits 1. Aussi,
les maîtres de grec, Manuel Chrysoloras le premier, Guarin de Vérone
par la suite, le faisaient-ils traduire à leurs élèves, ainsi que Plutarque,
Isocrate et Esope 2.
Outre cet intérêt didactique, les Italiens ont visiblement été attirés
par la verve de l'ironiste et la facilité du conteur. Les byzantins avaient
imité Lucien, sans en saisir véritablement l'esprit. Les humanistes ita
liens, eux, l'eurent vite assez assimilé pour se livrer à des pastiches dont
certains, comme les éblouissantes Intercoenales de Leon Battista Alberti,
renouvellent véritablement, sans se borner aux procédés, la fantaisie
de leur inspirateur. L'histoire de la fortune de Lucien au XVe siècle
nécessiterait un volume. On a retracé son influence sur le théâ-
1 C'est la conclusion que tire E. Blum de son étude de la bibliothèque
d'Antonio Corbinelli en 1425 (La biblioteca della Badia Fiorentina e i codici Gorbinelli (Studi e testi 155), Vatican, 1951), avec cette réserve que
les manuscrits des œuvres complètes de Lucien devaient être plus difficiles
à trouver que les bons mamiscrits partiels, même anciens. Ainsi Aurispa, qui
ne cite pas Lucien parmi les auteurs difficiles à se procurer, signale cependant
à Ambrogio Traversari qu'il a rapporté de Byzance en 1423 risus et seria omnia
Luciani (lettre du 27 août 1424 à Bologne. Carteggio di Giovanni Aurispa,
éd. R. Sabbadini, Rome, 1931, ép. VII, p. 13). Bolgar (The classical heritage
and its beneficiaries, Cambridge, 1963, p. 480-481) a dressé la liste sommaire
des manuscrits apportés en Occident dont la mention nous est parvenue, avec
leur identification éventuelle; mais indirectement les traductions existantes,
dont certaines sont bien antérieures au premier manuscrit mentionné par les
textes, apporté de Constantinople par Rinuccio da Castiglione en 1415, prouvent
qu'il en circulait d'autres. La liste des mss. de Lucien actuellement connus
a été dressée par Martin Wittek: Liste des manuscrits de Lucien, dans Scripto
rium, VI, 2, 1952, p. 309-323. C'est une mise au point de la liste de Nils Nilén
dans le Prolegomenon (Leipzig, 1907, p. l*-72*) à son édition inachevée.
2 R. Sabbadini, II metodo degli umanisti, Florence, 1928, p. 23. Roberto
Weiss fait remarquer que les élèves de Chrysoloras, parmi les auteurs grecs
classiques, s'attachent spécialement à traduire Lucien et Plutarque (The spread
of Italian humanism, Londres, 1964, p. 50). Les premières traductions confi
rment l'hypothèse que Chrysoloras avait apporté à Florence au moins quelques
œuvres de Lucien. TRADUCTIONS LATINES DU « CHARON » DE LUCIEN AU XVe SIÈCLE 131 LES
tre 1, sur l'iconographie 2, sur l'évolution de plusieurs genres littéraires.
Qu'on nous permette, en marge de cette vaste fresque toujours in
complète, quelques remarques qui serviront d'introduction à la pré
sentation du Charon lui-même.
A parcourir rapidement les jugements exprimés sur Lucien, par
exemple dans les préfaces des traductions, on est frappé du vague des
louanges qui lui sont adressées, de leur impersonnalité. Certains se con
tentent du superlatif le plus banal pour un auteur renommé: Opus Luciani
de amicitia, viri inter Grecos doctissimi et eloquentissimi (Aurispa, préface
du Toxaris, dédié à Lionel d'Esté et Louis de Gonzague. Ms. Florence,
Laurent. 89 sup. 16, fol. 61). Hoc breve Luciani viri eloquentissimi de
calumnia opusculum . . . quod spero opere pretium duxeris cognoscendum . . .
tantus vir et maximi apud Graecos nominis . . . (Francesco Aretino, préface
de la Galumnia à Jean de Worcester. Ms. Florence, Laurent, pi. LUI,
cod. 21, fol. 25v°). Taceo auctorem cujus dignitatem et in dicendo pondus . . .
(Gruarin de Vérone, préface de la Galumnia à Johannes Quirinus. Ms.
Yat. lat. 6875, fol. 232). Luciani pMlosophi apud Graecos suo tempore
clarissimi quemdam dialogum. . . (Einuccio Aretino, préface du Char on).
Quoi, savant, éloquent, renommé, que diront-ils d'autre pour Démosthène
et Thucydide1? A chaque auteur antique le même tribut d'admiration
serait-il dû de façon automatique? Il est vrai que le Toxaris, la Galumnia
sont des traités moraux, fondés sur des sentiments vrais: la force de
l'amitié entre hommes, l'horreur du mensonge et de la déloyauté. Aurispa
se flattait d'avoir rapporté de Byzance risus et seria omnia Luciani 3:
autrement dit, on a fait la distinction entre les traités de style moral,
assimilables à l'abondante production didactique chère aux anciens
comme aux médiévaux, et les œuvres destinées à faire rire.
Mais justement, le rire que provoque Lucien devait surprendre.
La rire franc de la comédie, qu'elle redresse les mœurs ou simplement
divertisse, le rire vengeur de la satire même, n'ont pas la fantaisie quasi
surréaliste du rire de l'ironiste qui s'installe paisiblement dans l'invra
isemblable pour prouver par l'absurde la nullité de l'irrationnel. Et la
fantaisie est rare dans l'histoire des lettres latines. D'ailleurs, s'il est une
chose que les humanistes prennent au sérieux, avec

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