Note sur l haplologie des mots construits - article ; n°1 ; vol.96, pg 101-112
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Note sur l'haplologie des mots construits - article ; n°1 ; vol.96, pg 101-112

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Description

Langue française - Année 1992 - Volume 96 - Numéro 1 - Pages 101-112
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Danielle Corbin
Marc Plénat
Note sur l'haplologie des mots construits
In: Langue française. N°96, 1992. pp. 101-112.
Citer ce document / Cite this document :
Corbin Danielle, Plénat Marc. Note sur l'haplologie des mots construits. In: Langue française. N°96, 1992. pp. 101-112.
doi : 10.3406/lfr.1992.5784
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1992_num_96_1_5784Danielle CORBIN
Université de Lille III
& SILEX (URA 382 du CNRS)
Marc PLÉNAT
Université de Paris X
& ERSS (URA 1033 du CNRS)
NOTE SUR L'HAPLOLOGIE DES MOTS CONSTRUITS *
0. Introduction
On appellera ici « haplologie des mots construits » la superposition de deux syllabes (ou de deux
fragments de syllabes) identiques à la jointure d'une base et d'un suffixe (ou d'un élément de
composition). Pour prendre quelques exemples, c'est ce terme qu'on emploiera pour parler de mots
comme minéralogie ou féminiser, dans lesquels on ne trouve qu'une des deux syllabes identiques attendues
(on s'attendrait à ce que la science des minéraux soit appelée minéralo-logie et que « rendre féminin » se
dise féminin-iser).
La présente note essaiera de répondre à deux questions soulevées par l'haplologie des mots
construits. On se demandera d'abord si ce phénomène est disponible en français, et, comme on répondra
positivement à cette première question, on se demandera ensuite comment la grammaire du français peut
rendre compte des faits.
I. La disponibilité de l'haplologie des mots construits
La question de savoir si des mots est disponible en français n'est pas une
simple rhétorique. Grammont (1933), qui fournit d'assez nombreux exemples de ce qu'il appelle
« superposition syllabique » en grec et dans les langues romanes, ne cite pour le français, à part quelques
cas de toponymes complexes, que les deux mots qui nous ont servi d'illustration ci-dessus dans
l'introduction. Et encore, selon lui, ces deux exemples relèvent-ils de deux processus différents. Nyrop
(1936 : 53) ne cite que trois exemples de ce phénomène (analyste, de analyse + iste, décrépitude, de décrépit
+ itude, et delyanniste, de Delyannis + iste), qu'il qualifie d'« assez rare ». Guilbert (1975), bien
qu'intégrant dans sa description les phénomènes d'allomorpbie, ne mentionne aucun exemple de ce type.
Arrivé & alii (1986 : 311) affirment bien que l'haplologie intervient assez fréquemment dans les lexiques
techniques, mais, outre minéralogie, ils ne citent que tragi-comique (de tragico + comique) et morphono-
logie, qui concurrence morphophonologie. Monôme (de mono + name), amphibologie (de amphibole + logie,
cf. aussi lat. amphibologia) et idolâtre (de idolo-lâtre, cf. aussi lat. idolâtra) sont de la même eau, mais nous
ne connaissons pas d'autres exemples de ce genre. Enfin Stemberger (1981) suggère que, productive dans
le domaine flexionnel, l'haplologie ne saurait l'être dans le domaine dérivationnel.
En fait, cependant, la disponibilité de l'haplologie des mots construits ne fait guère de doute. Comme
on va le voir, ce phénomène, sans doute plus répandu qu'on ne le croit dans le lexique attesté par les
dictionnaires, se manifeste aussi dans un certain nombre de néologismes spontanés et peut apparaître
dans des néologismes sollicités. La véritable question est de déterminer les conditions de cette
disponibilité.
* Noue remercions Françoise Kerleroux et Philip Miller de leurs observations, qui noue ont été tree précieuses.
101 1.1. Exemples d'haplologies
1.1.1. LES HAPLOLOGIES CACHÉES
Un certain nombre de formes attestées dans les dictionnaires peuvent être interprétées comme
résultant d'une haplologie des mots construits, même si la tradition ne les a pas repérées comme telles.
Voici quelques cas :
— Etendant une remarque de Morin (1971 : 117-118), Dell (1972 : 79 sqq.) est amené à postuler
l'existence d'un processus qui efface le /i/ des suffixes commençant par /i/ (comme -ien, -ique, -isme, -iste)
lorsque ces suffixes sont adjoints à des bases se terminant elles-mêmes par /i/, comme dans les exemples
suivants :
(1) Chomsky—* chomskien Marini — ► mariniste
Garibaldi -* garibaldien Marie -y mariste
Mali -*■ malien copie -* copiste
mélodie -* mélodique nazi —* nazisme
II est possible que ce phénomène résulte d'une règle phonologique particulière. Il entre cependant dans
la définition de l'haplologie des mots construits donnée ci-dessus : alors qu'on s'attendrait à trouver deux
/i/, un seul apparaît. Et l'on verra plus bas que, comme on peut le prévoir s'il s'agit bien d'une haplologie,
cette réduction des deux /i/ à un seul n'a pas lieu lorsque la base est trop courte. Il est probable que des
exemples comme infini -* infinité et fini -* finitude entrent dans la même catégorie.
— L'adjonction du suffixe -ifi(er) au nom pontife pour construire un verbe signifiant « se comporter
en pontife » donne la forme pontifier, et non pontififier.
— L'adjonction des suffixes -ité et -itude à des adjectifs se terminant par -it ou -et ne donne pas lieu
à des dérivés en -itité et -ititudel-étitude comme on s'y attendrait, mais à des formes en -ité et en -itude ou
•étude :
(2) a. gratuit -> gratuité b. décrépit -> décrépitude
complet -» complétude
désuet -*■ désuétude
quiet -*■ quiétude
inquiet -> inquiétude
Ces données peuvent paraître peu convaincantes. On objectera peut-être que le suffixe -ité a une variante
-té, dont on peut se servir pour dériver gratuité. Mais cette variante n'apparaît guère qu'après une
consonne sonante (cf. clarté, fierté) ou une voyelle résultant de la fusion d'une voyelle et d'une telle (cf. bonté, chrétienté, royauté, beauté). En ce qui concerne les mots en -étude (parmi lesquels trois
au moins sont des emprunts au latin, cf. desuetude, quietudo, inquietudo), on voit qu'il n'y a pas
exactement haplologie au sens que nous avons donné à ce terme, puisque la base ne se termine pas tout
à fait comme commence le suffixe. Mais il n'est pas impossible que la notion d'haplologie doive être
étendue et que les segments qui se confondent puissent être seulement non distincts au niveau sous-jacent
(c'est-à-dire ne pas comporter à ce niveau de spécifications contradictoires). La théorie récente de la
sous-spécification (cf. notamment Archangeli, 1984) permettra peut-être de considérer que /e/ et /i/
remplissent cette condition en français.
— L'analyse du suffixe -ier, présentée dans D. & P. Corbin (1991), montre que ce suffixe peut
s'appliquer à des bases déjà suffixées ou terminées par -ier, sans que la séquence -iérier apparaisse jamais.
L'adjectif palier dans porte palière est nécessairement construit par l'application du suffixe -ier au nom
non construit palier, car la seule autre hypothèse de construction, une conversion en adjectif du nom
palier, induirait le sens inadéquat « qui a n propriétés d'un palier » (cf. orange N -* orange^) : la forme
attendue de l'adjectif palier est donc palier ier. De même, les adjectifs de forme laitier qui apparaissent
dans camion laitier et beurre laitier recouvrent deux adjectifs différents, l'un — A1 — construit sur
lait (camion laitier), l'autre — laitier ^ — construit sur laitier^ avec haplologie (beurre laitier). En effet,
après un nom recteur comme beurre, l'adjectif laitier A1 recevrait l'interprétation contextuelle « fabriqué
à base de lait », inadéquate car il serait contradictoire qu'un adjectif de relation, dont le rôle est de
102 construire une sous-classe de la classe que désigne le nom recteur (Cr), serve en même temps à spécifier
une propriété que possèdent tous les membres de Cr : dans ce contexte, laitier a un sens contrastif et
s'oppose à fermier. Une façon de rendre compte de ce sens est de supposer que laitier A2 est suffixe par -ier
sur le nom laitier, qui provient lui-même d'une conversion de l'adjectif laitier A1 construit sur lait (cf.
Corbin, 1991). La forme dérivationnellement prédictible de cet adjectif serait donc laitier ier.
— Enfin, l'un d'entre nous (M. P.) considère comme assez tentant de mettre au nombre des exemples
d'haplologie l'adjectif mazarine qui figure dans Biblioth&#

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