Oralité et interactivité dans l écrit Minitel. - article ; n°1 ; vol.89, pg 99-109
12 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Oralité et interactivité dans l'écrit Minitel. - article ; n°1 ; vol.89, pg 99-109

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
12 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langue française - Année 1991 - Volume 89 - Numéro 1 - Pages 99-109
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Daniel Luzzati
Oralité et interactivité dans l'écrit Minitel.
In: Langue française. N°89, 1991. pp. 99-109.
Citer ce document / Cite this document :
Luzzati Daniel. Oralité et interactivité dans l'écrit Minitel. In: Langue française. N°89, 1991. pp. 99-109.
doi : 10.3406/lfr.1991.5766
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1991_num_89_1_5766Daniel LUZZATI
LIMSI-CNRS/Université du Maine
ORALTTÉ ET INTERACTIVITÉ
dans un écrit Minitel
Si certains écrits se rattachent en partie à l'oral, c'est que leurs conditions de
production sont parfois plus proches de celles de l'oral que de celles de l'écrit. Nul ne
songerait bien sûr à faire porter la comparaison sur le respect des deux codes, et il
s'agit de se demander comment et pourquoi certains écrits évoquent les transcriptions
d'oral spontané.
Dans cette mesure, les textes qui sont produits par l'intermédiaire du Minitel,
nous paraissent particulièrement intéressants. Nous n'envisagerons pas, à l'instar de
J. Anis, J.L. Lebrave et F. Debyser (que l'on pourra consulter si l'on s'intéresse à
l'utilisation et au fonctionnement du Minitel ou, plus largement, du videotexte) le
problème dans sa globalité mais nous nous fonderons sur un corpus d'énoncés effectifs,
produits par l'intermédiaire du Minitel. Nous reprendrons un certain nombre
d'extraits ci-dessous, en nous demandant pourquoi et comment un tel corpus,
manifestement écrit, produit un « effet d'oral », un peu comme s'il s'agissait d'une
transcription.
Nous nous efforcerons de répondre à cette question en étudiant la nature des
données et leurs conditions d'énonciation. Nous nous appliquerons ensuite à étudier
la nature des phénomènes de non-normativité. Pour terminer, nous passerons d'une
approche ascendante, c'est-à-dire fondée sur l'étude des données, à une approche plus
descendante, en tentant de dégager l'incidence de fonctions interactives sur le
fonctionnement des énoncés, et notamment sur l'utilisation de la syntaxe de
l'interrogation.
1. Les données
1.1. Nature du corpus
II s'agit d'un corpus de pages-écran Minitel (Suchard, 87) constitué de 321 ques
tions posées au secrétaire d'État auprès du Ministre des affaires sociales et de l'emploi
de l'époque, J. Arthuis. Il a été recueilli grâce au serveur de Démocratie directe l, sur
lequel une personnalité politique répond pendant trois jours aux questions posées par
les utilisateurs. L'intérêt d'un tel corpus est de s'adresser à un large public, même si
seuls sont concernés les utilisateurs du Minitel. Par ailleurs, on peut ainsi observer
comment notre langue est manipulée pour se plier à un usage nouveau, régi par des
1. AGIR par le 3615.
99 contraintes inédites de production (clavier non accentué), d'utilisation (interaction
différée) et de communication (dissociation spatio-temporelle) 2.
Comme tout utilisateur du Minitel a pu le remarquer 3, le clavier utilisé comporte
des limites. Les accents notamment sont exclus, ce qui peut être gênant, comme dans
l'exemple (la), où cela se conjugue avec une totale imprécision orthographique. Il faut
toutefois reconnaître que, sur l'ensemble du corpus, c'est le seul cas où l'on puisse
réellement être gêné, même si, en contexte, l'interprétation ne laisse aucun doute (lb).
(la) de très bons jeunes qui ont oses rates (053)
(lb) sans profession est-il prévu des remises
de peines pour les interdits de gérer ?
ils y aurait de très bons jeunes qui on
t oses rates et qui maintenant pleins d
experience voudrait effacer l'échec
4 origine chalais fin (053)
II est en revanche possible d'utiliser les majuscules et de ponctuer, même si
nombre d'utilisateurs n'ont manifestement pas une maîtrise suffisante du clavier pour
faire ce qu'ils voudraient. Les guillemets manquent toutefois, et certains utilisateurs
emploient alors l'apostrophe (2a). On rencontre en outre quelques cas d'utilisation
expressive de la disposition et de la ponctuation (2b).
(2a) peut-on vous considérer comme 'engage'
par cette réponse (081)
(2b) tue de mon état : bien que mon tra
vail me permette d'améliorer mes connai
ssances, j'aimerai savoir si vous pen
sez que 1 700 F suffisent a... VIVRE ? ? ? (093)
Comme dans (lb), les correspondants disposent de 6 lignes de 40 caractères pour
taper leur texte, au-dessus desquelles se trouvent 2 d'état comportant le
numéro de la question, l'identification que les locuteurs veulent bien donner
d'eux-mêmes, la date, l'heure et le destinataire du message, en l'occurrence J. Arthuis.
Le passage à la ligne se fait automatiquement, éventuellement en milieu de mot, et le
message est arbitrairement interrompu au 40e caractère de la 6e ligne. Il est ainsi
relativement fréquent de voir les correspondants rappeler une intervention antérieure
(fai posé la question... j'attends une réponse), compléter une demeurée
incomplète, ou même encore réitérer une même intervention, le cas échéant en faisant
varier la formulation (3a) (3b) (3c).
(3a) rentrant dans le cadre des cotorep, les
emplois reserves sont-Us toujours appl
iques quel-est le quota d'embauché rese
rve aux handicapes ? 2 ans de tue dans
le milieu sportif, je me retrouve actu
ellement sans activité (057)
2. L'article maintenant ancien de J. Peytard dans Le français dans ie monde, № 57, juin
1968, pp. 161-176 prévoyait déjà cette situation.
3. Pour de plus amples détails, voir (Anis & Lebrave, 86).
4. Les chiffres entre parenthèses à la fin des exemples indiquent le numéro de la question
dans le corpus. Celle-ci est systématiquement transcrite telle qu'elle.
100 monsieur le secretaire ďeta, entrant (3b)
dans le cadre des cotorep, les emplois
reserves ont-ils toujours lieu ďetre ?
cap soudeur, 6 mois en entreprise, 2 ans
tue milieu sportifje me retrouve actu
ellement sans activité (061)
(3c) la seyne sur mer -var- malentendant, je
dépends de la cotorep que pensez-vous
des embauches ď emplois eserves ?cap
soudeur en 82, 6 mois en entreprise,
tue en milieu sportif depuis 2 ans, je
me trouve actuellement inactif (075)
II est clair que les divers messages sont très différents : certains sont recopiés
après avoir été soigneusement conçus, alors que d'autres sont beaucoup plus
spontanément produits. Ainsi, dans les exemples précédents, par un côté le corre
spondant répète systématiquement des formules toutes faites (entrant dans le cadre de
la cotorep, tue dans le milieu sportif), et par un autre côté il modifie certaines
formulations (les emplois reserves sont-ils toujours appliques, les emplois reserves ont-ils
toujours lieu ďetre ?, que pensez-vous des embauches d'emplois eserves), tout en
maintenant une même structure thématique (statut/question/situation).
Certains correspondants pratiquent le style télégraphique et plaquent un style de
communication sur un autre, allant jusqu'à conclure leur message par un fin
nullement indispensable. Des considérations sociolinguistiques sont également néces
saires : des différences notables résultent de la situation socio-professionnelle des
correspondants. Certains manifestent une bonne maîtrise de leur expression, alors que
d'autres ne s'emploient nullement à respecter une norme qui ne correspond pas à la
situation de communication dans laquelle ils se trouvent.
1.2. Conditions d'énonciation
Tout en étant écrits, et d'une certaine façon même dactylographiés, les textes
ainsi produits ne sont pas tous recopiés à partir d'un brouillon où tout a pu être
mûrement pesé. Selon la nature de la tâche, bon nombre de ces énoncés sont conçus
dans le fil de leur énonciation, ce qui, à notre sens, est la principale caractéristique de
l'oral spontané.
Les conditions matérielles d'utilisation du Minitel y sont certainement pour
quelque chose : toute correction est nécessairement coûteuse, puisqu'il faut alors
revenir caractère par caractère jusqu'au début du segment à corriger. La tentation est
ainsi grande de laisser comme à l'oral un énoncé sous sa forme brute, quitte à
l'amender par des ajoute. Tout comme l'oral, l'

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents