L homme et son âme, selon saint Thomas d Aquin - article ; n°21 ; vol.74, pg 5-29
26 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'homme et son âme, selon saint Thomas d'Aquin - article ; n°21 ; vol.74, pg 5-29

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
26 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1976 - Volume 74 - Numéro 21 - Pages 5-29
L'hylémorphisme implique que l'âme n'est pas seulement le sujet de la connaissance, mais le principe des fonctions vitales, la forme du corps vivant; toutefois l'objectivité de la connaissance suppose que l'intellect est irréductible à une fonction corporelle et que l'âme humaine est un principe spirituel, capable de subsister sans le corps. Elle n'est pas moins née pour être unie à un corps, car elle n'a pas reçu l'illumination parfaite, et l'intellection ne peut s'exercer en elle sans le concours des sens. L'intellect est en nous une faculté de l'âme qui postule son « engagement corporel » et dénote son « ouverture » à la transcendance.
Hylemorphism implies that the soul is not only a knowing subject, but the principle of biological functions, the form of the organic body; yet the objectivity of knowledge supposes that intellection cannot be reduced to a bodily performance and that human soul is a spiritual principle which can subsist without body. Nevertheless it is born to be united with a body, since it does not enjoy perfect illumination and cannot perform intellection without the help of the senses. The intellect is a faculty of our soul requiring bodily union and showing transcendental « openness ».
25 pages

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 146
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Joseph Moreau
L'homme et son âme, selon saint Thomas d'Aquin
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 74, N°21, 1976. pp. 5-29.
Résumé
L'hylémorphisme implique que l'âme n'est pas seulement le sujet de la connaissance, mais le principe des fonctions vitales, la
forme du corps vivant; toutefois l'objectivité de la connaissance suppose que l'intellect est irréductible à une fonction corporelle et
que l'âme humaine est un principe spirituel, capable de subsister sans le corps. Elle n'est pas moins née pour être unie à un
corps, car elle n'a pas reçu l'illumination parfaite, et l'intellection ne peut s'exercer en elle sans le concours des sens. L'intellect
est en nous une faculté de l'âme qui postule son « engagement corporel » et dénote son « ouverture » à la transcendance.
Abstract
Hylemorphism implies that the soul is not only a knowing subject, but the principle of biological functions, the form of the organic
body; yet the objectivity of knowledge supposes that intellection cannot be reduced to a bodily performance and that human soul
is a spiritual principle which can subsist without body. Nevertheless it is born to be united with a body, since it does not enjoy
perfect illumination and cannot perform intellection without the help of the senses. The intellect is a faculty of our soul requiring
bodily union and showing transcendental « openness ».
Citer ce document / Cite this document :
Moreau Joseph. L'homme et son âme, selon saint Thomas d'Aquin. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série,
Tome 74, N°21, 1976. pp. 5-29.
doi : 10.3406/phlou.1976.5873
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1976_num_74_21_5873L'homme et son âme,
selon S. Thomas d9 Aquin
L'une des plus anciennes acquisitions de la réflexion sur la con
naissance, c'est de s'être avisé que ce n'est pas l'œil qui voit, ni l'oreille
qui entend, mais l'esprit par le moyen des yeux et des oreilles : « C'est,
disait Épicharme, l'entendement qui voit et qui oyt»; sans lui, tout
est aveugle et sourd (1). Autrement dit, les yeux et les oreilles ne
sont pas le sujet de la vision ou de l'audition; ils en sont seulement
les organes. La vision est un acte mental, une inspectio mentis (2) ;
la connaissance sensible elle-même requiert un sujet retranché du
monde, un ego transcendental auquel la représentation du monde
est suspendue. La réflexion d'Épicharme contenait en germe l'idéalisme
transcendental, qui irrite le sens commun et le dogmatisme scientifique,
en même temps qu'il inquiète la théologie.
Aussi les adversaires de l'idéalisme ont-ils opposé à la réflexion
d'Épicharme une remarque d'Aristote, mise en relief par S. Thomas
d' Aquin lorsqu'il examine la théorie platonicienne de la connaissance.
Le mérite de Platon, c'est, suivant S. Thomas, d'avoir distingué entre
la connaissance intellectuelle et la connaissance sensible, d'avoir
reconnu que l'activité est irréductible aux impressions
des sens; mais il a cru cependant que l'action de sentir était une
opération propre de l'âme (3), dont les organes sensoriels n'étaient
que l'instrument. Or, observe S. Thomas, la sensation suppose une
modification de l'organe sensoriel (immutatio corporis) ; elle dépend
d'une condition qui ne procède pas de l'activité du sujet, mais qui
est subie par lui et sert de base à l'action de sentir. En considérant
(1) Cf. Montaigne, Essais, I 16, p. 163 de l'édition de La Pléiade, et le texte
grec dans Diels-Kranz, Vorsokratiker, 23 [13] B 12 : « vovs opi?' koX vovs aKovei • râXXa
Kcocf>à Kal rv<f>Xd ».
(a) Descartes, Meditatio II (A.T., VII 31,25).
(3) S. Thomas d'Aqtjin, Summa theologica, I 75,3 in corp. : « Plato autem distinxit
inter intellectum et sensum ... »; Ibid., art. 4 : « Plato vero ponens sentire esse proprium
animae ». Joseph Moreau 6
les conditions d'exercice de la faculté sensitive, on s'aperçoit que la
relation de l'âme au corps n'est pas celle d'un artisan à ses outils,
ou du pilote à son navire. L'homme ne doit pas être regardé comme
une âme ayant un corps à son service (anima utens corpore) (4) ; l'homme
n'est pas seulement une âme, comme le répète une tradition qui se
relie à un dialogue platonicien, YAlcibiade /(5); l'homme est un
composé d'âme et de corps (6), et ces deux composants de sa nature
forment une seule substance, un être unique, qui est le sujet de la
connaissance sensible, comme de toutes les autres opérations humaines.
Ce n'est pas l'œil qui voit, mais ce n'est pas non plus l'esprit qui voit
au moyen des yeux ; c'est l'homme qui voit avec ses yeux, dans l'exer
cice d'une fonction qui requiert un organe corporel, mais qui a son
principe dans une faculté de l'âme. Le sujet de la connaissance sensitive,
comme de toutes les fonctions psychiques ou vitales, ce n'est pas
l'âme seule; c'est le composé, c'est l'homme (7).
S. Thomas pouvait sur ce point se réclamer d'Aristote. Celui-ci,
ayant signalé le rôle du corps dans la plupart des manifestations
psychiques, non seulement dans les émotions, comme la colère, ou
les impulsions, comme l'appétit, mais encore dans les opérations
mentales, comme la perception sensible et la mémoire (8), s'était
demandé si toutes ces prétendues affections et actions de l'âme ne
devraient pas être rapportées plutôt au sujet humain concret, au
composé d'âme et de corps : « dire que l'âme se met en colère, c'est
comme si l'on disait que l'âme s'occupe à tisser ou à bâtir ; sans doute
vaudrait-il mieux dire, non que l'âme s'apitoie ou raisonne, mais
que l'homme fait tout cela grâce à son âme»(9). Aristote, cependant,
(4) Ibid., I 75,4 et De spiritualibus creaturis, art. 2 in corp. : « ut intelligatur
esse in corpore quodam modo sicut nauta in navi ». Cf. Aristote, De anima, II 1, 413 a 9.
(5) 8. th., I 76,1 : « sicut Plato posuit dicens in I Alcib. [129 e — 130 c] hominem
esse animam intellectivam ». Sur ce texte platonicien et sa postérité, cf. J. Pépin,
Idées grecques sur l'homme et sur Dieu, p. 71 sq. ; il était venu à la connaissance de
S. Thomas à travers le De natura hominis de Nemesitts, attribué dans la tradition médié
vale à Grégoire de Nysse (cf. De spir. créât., art. 2).
(6) S. th., I 75,4 : « Manifestum est quod homo non est anima tantum, sed aliquid
compositum ex anima et corpore».
(7) Ibid., art. 2 ad 2m : « Potest igitur dici quod anima intelligit, sicut oculus
videt; sed magis proprie dicitur quod homo intelligat per animam».
(8) Aristote, De anima, I 1,403 a 5-8; cf. De sensu et sensibilibus, 1,436 a 7-10,
6 6-8.
(9) Aristote, De anima, I 4,408 b 11-15 : « ... ôAAà rov âvBpœirov rfj
texte est cité par S. Thomas, 8. th., I 75,2 arg. 2. L'homme et son âme, selon S. Thomas d'Aquin 7
n'adopte pas ordinairement ce langage, jugé ici préférable, et qui se
justifie au regard du psycho-physiologiste, qui considère l'âme dans
la diversité de ses fonctions. Les fonctions de l'âme, en effet, ne
consistent pas seulement dans la sensation et le jugement, ou encore
dans l'appétit, la volonté et le désir en général ; c'est d'elle aussi que
dépend chez les animaux la locomotion, et plus généralement chez
tous les vivants, y compris les plantes, la croissance, la maturité et
le déclin (10). Cette considération, issue d'un point de vue scientifique
et naturaliste, étend le domaine de l'âme au-delà des activités con
scientes et des modifications affectives, et oblige à définir l'âme
autrement que comme le sujet de la pensée, à dissocier la notion d'âme
de celle de sujet connaissant, et à la regarder comme le principe par
lequel un sujet, non seulement pensant, mais vivant, l'homme, corps
et âme, exerce les fonctions de la perception sensible, de la pensée
raisonnable et de la vie : « l'âme est d'un corps vivant la cause et le
principe, ... ce par quoi principalement nous vivons, sentons et
pensons » (n). L'âme n'est pas nous ; elle est toutefois le principal en
nous. Par cette concession, le point de vue naturaliste, d'où l'homme
est regardé comme un composé, se pr&#

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents