La pensée du langage chez Heidegger - article ; n°82 ; vol.64, pg 224-262
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1966 - Volume 64 - Numéro 82 - Pages 224-262
39 pages

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Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Luce Fontaine-De Visscher
La pensée du langage chez Heidegger
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 64, N°82, 1966. pp. 224-262.
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Fontaine-De Visscher Luce. La pensée du langage chez Heidegger. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série,
Tome 64, N°82, 1966. pp. 224-262.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1966_num_64_82_5348La pensée du langage
chez Heidegger
A une époque où, plus que jamais, le langage semble se ré
fléchir sur lui-même, on trouve dans l'œuvre de Martin Heidegger
une importance croissante accordée à cette méditation. Importance
tout naturellement greffée sur une pensée de l'Etre qui s'est tou
jours affirmée davantage comme étant celle de la connexion de
l'Etre et de l'apparaître.
Nous voudrions, dans cet essai, tenter de suivre le développe
ment de ce sens toujours plus plein et plus essentiel reconnu au
langage.
Chez Heidegger, l'Etre « dit » : le Logos est cette Dispens
ation qui ne l'épuisé jamais, car toujours en lui-même il se replie.
Si l'homme est « celui qui dit » (der Sagende), c'est parce que,
de par son être, il est entraîné dans le circuit indéfini et mystérieux
d'une Dispensation, qu'aucune parole humaine ne dira jamais,
alors qu'elle la dit tout le temps.
Tô 5v Xè-^excci %oXkay&z : cette parole d'Aristote, dont Heidegg
er avait découvert très jeune le commentaire chez Franz Bren-
tano (1), fut comme le germe qui semble avoir fécondé toute son
œuvre, qui sera un questionnement inlassable à partir de ce 8v,
que la métaphysique a transposé en problème de l'Un et du Mult
iple. Heidegger a toujours interrogé le langage, ou mieux, a tou
jours été interrogé par lui. La parole d'Aristote était porteuse de ce
cercle herméneutique dans lequel il s'est trouvé pris dès le début
de son enquête. Déjà après avoir « répété » dans Kant et le pro
blème de la métaphysique les lieux secrets de l'imagination trans-
(') Unterwegs zar Sprache, p. 92: c ... lors de ma dernière année de gym
nasium, à la date de l'été 1907, je fus saisi de la question de l'Etre sous la forme
de la dissertation de Franz Brentano, professeur de Husserl. Elle est intitulée:
« De la signification multiple de l'étant selon Aristote... » (nous traduisons). La pennée du langage chez Heidegger 71b
cendentale, dans Sein und Zeit, il en fait apparaître la courbure
sous le projet compréhensif du Dasein. Le dépassement décidé de
la métaphysique révélera le cercle dans toute son ampleur. Et dès
lors sa pensée, épousant d'une part le langage pur chez le poète,
et cherchant, d'autre part, en une expérience hégélienne comme
inversée, à correspondre au Logos même, nous entraînera dans le
sillage de cet avènement généreux et pourtant à jamais inviolé. Ce
sera désormais la pensée qui écoute, et qui seulement questionne
parce qu'elle est interpellée.
S'il y a une pensée du langage, ce ne peut être, pour Hei
degger, qu'une de l'Etre, qui s'adresse à l'homme, et fait
de lui le « diseur » de l'Etre.
Kant et le problème de la métaphysique, que l'on peut con
sidérer comme une œuvre contemporaine de Sem und Zeit (2>,
offre avant tout l'intérêt d'être la première « répétition » de Hei
degger. Si celle-ci est peut-être moins radicale que celles qui
suivront — celles des présocratiques, de Hegel, de Nietzsche —
en ce sens qu'elle ne dépasse pas encore clairement les termes dans
lequel le problème kantien de la critique est posé, elle opère néan
moins déjà cette désimplication, si caractéristique de toute l'oeuvre
heideggérienne, de ce à partir de quoi Kant a posé sa question et
a tenté de la résoudre. C'est la première ébauche d'un Schritt
zurtick et nous verrons que c'est cette démarche qui justement
donnera peu à peu au langage sa plénitude de sens.
Dévoiler l'être de ce-qui-a-été <3) et qui demeure impensé sous
le pensé, voilà ce que Heidegger s'applique à dégager dans son
étude sur Kant, où il essaie de remonter au-delà d'une pensée qui
chemine déjà en quête du fondement de la métaphysique.
Kant s'est demandé comment l'homme peut être métaphysic
ien. La raison finie peut-elle se transcender ? Comment l'étant
peut-il devenir objet ? Il faut trouver ce qui légitime nos juge
ments synthétiques a priori, cela en retrouvant à la racine de notre
entendement et de notre intuition une relation qui rend possible la
synthèse ontologique. Nous touchons ici au noyau (der Kern) de la
(t> L'essentiel de cette interprétation kantienne avait déjà fait l'objet d'un
cours durant l'hiver 1925-26. Cfr. Préface de la I" édition à Kant und da$ Pro
blem der Metaphysik-
<*> Das Gewesene opposé a Daa Vergangene, cfr. Lettre mr l'Humanisme,
trad. R. Munier, p. 86. Sein m** Zeit, pp. 328, 339. 226 Luce Fontaine-De Viascher
critique : le schématisme transcendental comme intuition pure du
temps ouvre l'horizon grâce auquel la transcendance se présente
comme une offre perceptible qui nous permet de rencontrer
l'étant (4). Remontant en quelque sorte à contre-courant la critique
de Kant, Heidegger montre comment l'imagination transcenden-
tale est vraiment la racine de la synthèse ontologique. Car il s'agit
bien d'un pouvoir (Einbildungskraft) de se donner un horizon :
l'imagination opère la synopsis des sensations diverses, la repro
duction du passé dans le présent, et la recognition dans le concept,
synthèse du et du présent en vue du futur, qui est le projet
formé par le concept <5).
C'est ici que Heidegger s'efforce de mettre à nu ce qui a donné
naissance au problème de la critique. Qu'a entrevu Kant en le
posant en de tels termes ? Il croit poursuivre l'effort de Descartes ;
mais en réalité, dit Heidegger, sans le savoir Kant fait ici écho à
une expérience beaucoup plus ancienne : il se meut dans le sens
grec, confusément perçu, de l'étant en tant qu'étant, %à 8v % ÎV,
compréhension préalable de l'Etre et de l'étant. Et le mérite de
Kant serait justement de renverser la perspective cartésienne, de
chercher à baser la métaphysique spéciale sur la métaphysique
générale. Comment, en effet, saisir l'homme dans son essence sans
savoir d'abord en quoi son être repose ?
Dans l'intuition du temps, le sujet se donne à lui-même ce qu'il
intuitionne : jointure secrète qui accomplit notre ipséité, elle la rend
à même de rencontrer l'objet. Le déploiement de l'horizon est
ainsi la condition impliquée dans la relation sujet-objet : le pro
blème de la connaissance est avant tout la question de l'Etre, il
requiert une ontologie fondamentale <6).
On sait que Kant, dans la deuxième édition de sa critique, a
minimisé le rôle de l'imagination transcendentale <7>. Et cela, parce
que Kant, comme le souligne J. Beaufret <8>, portait davantage son
attention sur la médiation de la synthèse où s'élabore le jugement,
<*> Kant und da» Problem der Metaphynk, pp. 102, 112, 127, 128.
(>> A rapprocher de la « projection ek-statique horizontale » dans l'analy
tique du Dasein de Sein und Zeit.
<•> Kant..., p. 193.
<r> Comparer par exemple, dans la traduction TREMESAYCUES et PacaUD, les
pp. 138-139 de la 1re et de la 2™ édition.
<*> Introduction au poème de Parménide, p. 69. pensée du langage chez Heidegger 227 La
que sur l'immédiateté de la thèse comme présence. Le rôle le plus
large est ainsi réservé à la raison faculté de juger.
Kant a en quelque sorte reculé devant sa propre méthode.
Mais ce recul, dit Heidegger, ne doit pas être interprété comme
purement négatif : ce recul est révélateur de ce que Kant a dû
entrevoir d'abord et devant quoi précisément il a reculé, c'est-
à-dire, l'Etre comme abîme (9>. Se demandant si l'anthropologie
suffit à fonder la

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