Le symbole - article ; n°54 ; vol.57, pg 197-224
29 pages
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1959 - Volume 57 - Numéro 54 - Pages 197-224
28 pages

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Publié le 01 janvier 1959
Nombre de lectures 58
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Antoine Vergote
Le symbole
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 57, N°54, 1959. pp. 197-224.
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Vergote Antoine. Le symbole. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 57, N°54, 1959. pp. 197-224.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1959_num_57_54_4995Le symbole
« Voilà un sujet qui a été jusqu'ici bien
peu étudié dans ses détails et qui mériterait
pourtant un examen bien plus approfondi »
(KANT, Critique du jugement, § 59).
L'efficacité du symbole
Un rappel étymologique nous conduit à l'essence même du
symbole, au sens fort du terme. Le symbole est originairement
signe de reconnaissance et indice référentiel. Le contractant donne
à son cocontractant la moitié d'une tablette écrite brisée. Ladapta-
bilité des deux morceaux (auji-pàXXo)) signifie le pacte qui les unit
à tout jamais. L'indice référentiel au fragment absent figure la loi
qui fait entrer les deux propriétaires du « symbole » dans l'ordre
nouveau de l'amitié et de la fidélité. L'hôte donne à son invité un
tesson de faïence ; le tesson de vase marque son possesseur athénien
d'une fonction et d'une signification nouvelles : il est membre de la
cité avec voix deliberative. Le symbole en fait un homme politiqu
ement adulte, qui atteint sa stature d'homme parfait par son inté
gration dans la cité. Le propriétaire du « symbole » atteste, par
l'indice référentiel d'un absent, son entrée dans l'ordre structural,
ordre imperceptible, qui confère aux réalités perceptibles un sens
nouveau et marque l'action de l'homme d'une légalité originale.
f*' Cette étude a fait l'objet d'une conférence prononcée, en langue néerlan
daise, au colloque sur le symbolisme organisé par le Wijsgerig Gezehchap te
Leuven (Louvain, 18 janvier 1959). Nous nous sommes limité à faire converger les
lumières que la psychologie nouvelle projette sur la création symbolique. Un
second conférencier s'est chargé des problèmes d'ordre métaphysique posés par
une approche psychologique et, partant, phénoménologique, du symbole. Dans
le cadre limité d'une conférence, notre propos ne pouvait être d'entreprendre
un examen fouillé des différentes recherches psychologiques, psychanalytiques
ou anthropologiques, sur la symbolisation. Nous avons tâché d'en dégager les
lignes de force et de rejoindre le point dynamique où celles-ci se nouent. 198 Antoine V ergote
On s'accorde à reconnaître ainsi dans le symbole un signe
évoquant à l'esprit quelque chose d'absent, d'imperceptible. Toutef
ois, cette définition ne lève pas les confusions. D'aucuns voudraient
restreindre l'emploi du terme au signe qu'un rapport non convent
ionnel de correspondance analogique unit à l'objet évoqué. Le
symbole serait le signe possédant « un pouvoir interne de repré
sentation » (1) : tel le serpent se mordant la queue, symbole du cycle
éternel. Les mathématiciens, de leur côté, appellent « symboliques »
les signes conventionnels qui signifient les éléments d'un algorithme,
par simple décision arbitraire. Mais alors, par quelles diableries de
sémantique le poisson peut-il être symbole du Christ ? Originaire
ment, dit-on, il représente les initiales I. X. 6. Y. S. ; par là il était
le signe de reconnaissance des chrétiens, donc symbole au sens
primitif. Cependant, par quelles étranges associations le poisson
reste-t-il le symbole éloquent du Christ, alors que rares sont les
chrétiens instruits de l'origine du symbole ? Le fait universel du lien
poisson-vie, en psychologie et en ethnologie, témoigne sans doute
qu'il faut assigner à cette symbolisation d'autres fondements, plus
souterrains que le simple jeu des lettres.
Ceci nous indique que l'essence du symbole est à chercher
ailleurs que dans les distinctions logiques entre l'artificiel et l'analo
gique. Le symbole est souvent pour une large part conventionnel
(le drapeau). Et, d'autre part, la relation d'analogie du signe avec
la réalité évoquée peut exister sur un fond de motivations précons
cientes ; celles-ci restent permanentes sous le jeu des conventions
sociales et des variations culturelles.
Si les mathématiciens appellent symboles les signes qu'ils
emploient, ce n'est pas non plus pour mettre en lumière le caractère
artificiel de leur langage. Ils s'inscrivent bien, par leur emploi du
mot, dans la tradition anglo-saxonne empiriste. Les signes mathé
matiques sont des symboles parce que les concepts qu'ils traduisent
n'ont pas de valeur réaliste ou, tout au moins, parce qu'on renonce
à se prononcer sur leur valeur de réalité. Ils tirent leur validité
de la série orientée ; celle-ci leur donne signification et portée.
L'usage du terme « symbole » traduit donc une épistémologie non
(I) L'expression est de L. Brunschvicg. Cf. la discussion sur les divergences
dans l'emploi du terme, dans A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de
la philosophie, Paris, 7e éd., 1956, pp. 1079-1080. * Le symbole 199
réaliste, qui remonte très haut dans la philosophie anglaise. Déjà
pour J. H. Newman, les mots sont des symboles en ce qu'ils se
substituent à la réalité opaque et surabondante ; ils nous en livrent
d' quelques éléments intellection, inadéquats mais utilisables et uni-
fiables (2).
Pour Newman, les mots, comme les signes algébriques, sont
des symboles : des représentations appauvrissantes mais écono
miques, pratiques, permettant la saisie d'une loi dans le tourbillon
des apparences. En accentuant ce décalage entre les mots et l'intui
tion adéquate du réel, on glisse dans le « symbolisme », pour lequel
le symbole est l'élément de connaissance le plus fortuit, le plus
conventionnel et le plus pauvre. Mais on peut aussi voir en lui un
système de rationalisation qui enserre le réel. Le symbole est valable
alors par son élément de référence, non pas d'abord au réel —
insaisissable — , mais plutôt aux autres symboles avec lesquels il
compose un univers intelligible. Le symbolisme est le fait d'une
médiation de la pensée qui transforme le réel.
On comprend aussi par là l'usage qui est fait du terme « symbol
isme » — usage déroutant au premier abord — dans certaines études
de psychologie positive. Lorsque le jeune chimpanzé affamé saisit
promptement la branche pour rapprocher le régime de bananes qui
le sollicitait d'un peu loin, il révéla à Kôhler la fonction symbolique.
Car, écrit Ch. P. Osgood, « l'association entre la situation obser
vable et la réponse observable est médiatisée par un processus
symbolique » (3). Toute réponse médiatisée est dite symbolique. La
pensée, les idées, les images, les perceptions, les significations, les
représentations, etc., sont autant de processus symboliques : tous
ces processus mentaux ont un rôle médiateur <4). Aussi Osgood en-
globe-t-il dans le chapitre consacré à la fonction symbolique Y insight
de Kôhler et de Lewin, la pensée productive de Wertheimer,
l'abstraction analysée par Goldstein et Gelb.
Les psychologues expérimentateurs prennent donc le terme
(a> « Now, without external symbole to mark out and to steady its course, the
intellect runs wild; but with the aid of symbols, as in algebra, it advances with
precision and effect. Let than our symbols be words: let all thought be arrested
and embodied in words. Let language have a monopoly of thought; and thought
go for only so much as it can show itself to be worth in language... », J. H. NEW-
MAN, An Essay in Aid of a Grammar of Assent, London, 1930, p. 263.
'•' Method and Theory in Experimental Psychology, New York, 1953, p. 601.
<4> Ibid., p. 602. - 200 Antoine V ergote
« symbole » dans son sens le plus général : est symbole tout signe
qui représente la réalité. Et de fait, l'image, le mot, le geste, l'ima
gination, sont toujours indice référentiel et mettent en forme et en
valeur la « réalité » perçue. La branche saisie par le chimpanzé se
trouve métamorphosée en instrument : la tension que l'obstacle
a créée dans le champ psych

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