«Quelle ressemblance y a-t-il entre un disciple de la Grèce et un disciple du ciel?». Le rapport entre philosophie et théologie chez Josef Pieper - article ; n°3 ; vol.95, pg 457-483
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1997 - Volume 95 - Numéro 3 - Pages 457-483
L'auteur discute de façon critique la relation entre la philosophie et la théologie selon le philosophe allemand contemporain Josef Pieper. (I) Les différents éléments constitutifs de l'acte philosophique y sont présentés et comparés à la connaissance scientifique et au monde de la praxis. (II) La conception de la théologie selon Pieper y est analysée en se référant à la mythologie grecque et à l'ensemble de la tradition chrétienne. (III) Enfin, l'auteur traite de la problématique de la relation entre la philosophie et la théologie dans la perspective de Pieper. Ce dernier argumente en développant une interprétation originale de Platon et du concept de tradition: l'acte philosophique doit intégrer des vérités pré-philosophiques, y compris une révélation, si la philosophie veut être fidèle à son orientation vers la totalité de la réalité qu'il cherche à saisir sous tous les aspects connaissables. Le philosophe, qui appartient à une culture, une religion (ou le manque de celle-ci), un temps historique spécifiques, possède nécessairement une Weltanschauung particulière qui est de l'ordre de la «foi» (incluant le choix de ne pas croire) faisant l'objet d'un consentement a priori et qui ne peut pas être exclue de sa réflexion philosophique.
The author critically discusses the relation between philosophy and theology according to the contemporary German philosopher, Josef Pieper. (I) The different elements which constitute the philosophical act are presented and compared to scientific knowledge and the world of praxis. (II) Pieper' s conception of theology is likewise exposed with reference to both Greek mythology and the whole of the Christian tradition. (Ill) Finally, the problematic of the relationship between philosophy and theology is addressed from Pieper' s perspective. Developing an original interpretation of Plato and the concept of tradition, he argues that the philosophical act must integrate pre- philosophical truths, including revelation, if philosophy is to be true to its orientation towards the whole of reality, which it seeks to understand under every knowable aspect. The philosopher — who belongs to a particular culture, religion (or lack thereof), historical time, etc. — necessarily has a specific Weltanschauung which is of the order of «faith» (including the choice not to believe), being accepted a priori and which cannot be excluded from his philosophical reflection.
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Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Bernard Schumacher
«Quelle ressemblance y a-t-il entre un disciple de la Grèce et un
disciple du ciel?». Le rapport entre philosophie et théologie chez
Josef Pieper
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 95, N°3, 1997. pp. 457-483.
Citer ce document / Cite this document :
Schumacher Bernard. «Quelle ressemblance y a-t-il entre un disciple de la Grèce et un disciple du ciel?». Le rapport entre
philosophie et théologie chez Josef Pieper. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 95, N°3, 1997. pp.
457-483.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1997_num_95_3_7046Résumé
L'auteur discute de façon critique la relation entre la philosophie et la théologie selon le philosophe
allemand contemporain Josef Pieper. (I) Les différents éléments constitutifs de l'acte philosophique y
sont présentés et comparés à la connaissance scientifique et au monde de la praxis. (II) La conception
de la théologie selon Pieper y est analysée en se référant à la mythologie grecque et à l'ensemble de la
tradition chrétienne. (III) Enfin, l'auteur traite de la problématique de la relation entre la philosophie et la
théologie dans la perspective de Pieper. Ce dernier argumente en développant une interprétation
originale de Platon et du concept de tradition: l'acte philosophique doit intégrer des vérités pré-
philosophiques, y compris une révélation, si la philosophie veut être fidèle à son orientation vers la
totalité de la réalité qu'il cherche à saisir sous tous les aspects connaissables. Le philosophe, qui
appartient à une culture, une religion (ou le manque de celle-ci), un temps historique spécifiques,
possède nécessairement une Weltanschauung particulière qui est de l'ordre de la «foi» (incluant le
choix de ne pas croire) faisant l'objet d'un consentement a priori et qui ne peut pas être exclue de sa
réflexion philosophique.
Abstract
The author critically discusses the relation between philosophy and theology according to the
contemporary German philosopher, Josef Pieper. (I) The different elements which constitute the
philosophical act are presented and compared to scientific knowledge and the world of praxis. (II)
Pieper' s conception of theology is likewise exposed with reference to both Greek mythology and the
whole of the Christian tradition. (Ill) Finally, the problematic of the relationship between philosophy and
theology is addressed from Pieper' s perspective. Developing an original interpretation of Plato and the
concept of tradition, he argues that the philosophical act must integrate pre- philosophical truths,
including revelation, if philosophy is to be true to its orientation towards the whole of reality, which it
seeks to understand under every knowable aspect. The philosopher — who belongs to a particular
culture, religion (or lack thereof), historical time, etc. — necessarily has a specific Weltanschauung
which is of the order of «faith» (including the choice not to believe), being accepted a priori and which
cannot be excluded from his philosophical reflection.«Quelle ressemblance y a-t-il entre un disciple de
la Grèce et un disciple du ciel?»
Le rapport entre philosophie et théologie chez Josef Pieper
Lors de son premier doctor honoris causa, conféré par la Faculté de
Théologie de l'Université de Munich en 1964, Josef Pieper rejette vigou
reusement l'« error invicibilis» de ceux qui voient en lui un théologien
sous prétexte que dans son acte philosophique il tient compte de données
pré-philosophiques. Il déclare son intention d' «attaquer une notion de
philosophie qui nie la grandeur de sa propre origine»1 et propose une
redécouverte du concept de philosophia telle que l'a comprise la grande
tradition occidentale. Sa tentative d'élaborer une solution originale à
l'ancien et délicat problème de la nature de l'acte philosophique et de
son rapport à la théologie s'inscrit dès le lendemain de la seconde guerre
mondiale à rencontre de la thèse barthienne, selon laquelle la tentative
de déterminer un lien ou une distinction systématique entre la philoso
phie et la théologie est désolante, c'est-à-dire il est «évident que la théo
logie ne peut devenir intéressante pour la philosophie que dès l'instant
qu'elle renonce à l'intéresser»2.
Le débat du rapport entre ces deux sciences n'a cessé d'être au
centre de réflexions et de controverses au cours de l'histoire de la pens
ée. On les a juxtaposées, en excluant tout lien intrinsèque ou accidentel
entre elles ou on les a réduites l'une à l'autre. Certains estiment que la
philosophie doit se libérer de la tutelle asservissante de la théologie pour
devenir une science pleinement autonome et libre, fondée uniquement
sur la raison adulte. D'autres soutiennent que le chrétien ne devrait pas
aspirer à la connaissance philosophique, qui est perçue comme l'expres
sion de l'orgueil humain, un vain leurre, et même une prostituée. Il faut
à ce propos citer les célèbres questions de Tertullien: «quelle ressem
blance y a-t-il entre un philosophe et un chrétien, entre un disciple de la
1 Voir J. Pieper, «Ce que signifie la théologie du point de vue philosophique» dans
La Table Ronde, Paris, 10.1965, n° 123, p. 55.
2 K. Barth, Révélation, Eglise, Théologie. Trois conférences, Paris / Genève, «Je
sers» / Labor, 1934, p. 42. 458 Bernard Schumacher
Grèce et un disciple du ciel?»3; «qu'y a-t-il de commun entre Athènes
et Jérusalem, entre l'Académie et l'Église, les hérétiques et les Chré
tiens?»4. D'autres encore cherchent à distinguer ces deux disciplines
pour les unir ensuite au sein d'un ensemble plus large, d'une polyphonie
contrapuntique, soit uniquement au niveau des deux sciences en quest
ion, soit au plan existentiel.
Pieper décrit l'acte philosophique — de manière certes générale,
mais non pas vague — , comme une réflexion sur l'ensemble de ce que le
sujet perçoit ou expérimente sensiblement et intuitivement. Cette totalité
des choses, que les Grecs appellent to pan, est considérée dans sa signifi
cation ultime, dans ses racines les plus profondes et sous tous les aspects
possibles.5 Le philosophe se demande toujours en fin de compte ce qu'il
en est intrinsèquement de l'être: «What is it all about»6, résume White-
head, cofondateur de la logique mathématique moderne. Contrairement au
technicien spécialisé ou au scientifique, dont les exigences méthodolo
giques impliquent une délimitation précise de l'objet de la recherche, une
mise entre parenthèses de ce qui est extérieur à son champ d'investigation
en vue des résultats concrets à atteindre, le philosophe est avant tout et
essentiellement tourné vers l'ensemble de la réalité. Son objet n'est pas
uniquement l'entier saisi par l'expérience, comme dans les sciences dites
positives, mais l'entier tout court, l'entier de l'être. La philosophie, dont
l'intentionnalité est constituée par l'émergence du pourquoi, est un effort
de réflexion rationnelle et systématique sur le fondement ultime de la réa
lité et de l'existence humaine, sur leur sens global. Le projet philoso-
3 Tertullien, Apologétique, Paris, Les Belles Lettres, texte latin-français, 19713,
XLVI, 18, (p. 97).
4 Idem, Les prescriptions contre les hérétiques dans Oeuvres de Tertullien, Paris,
Vives, 18522, texte français (A. de Genoude), VII (t.II, p. 348).
5 Voir J. Pieper, «Philosophie heute. Die Situation des Philosophierenden heute»
dans A. Schifferle (éd.), Verantwortung und Freiheit, Fribourg, Éditions Universitaires
Fribourg Suisse, 1990, p. 230. «Das Verhàltnis von Philosophie und Théologie nach Tho
mas von Aquin» dans P. Koslowski (éd.), Gnosis und Mystik in der Geschichte der Phi
losophie, Ziirich, Artemis, 1988, pp. 81 ss. Verteidigungsrede fur die Philosophie dans
Schriften zum Philosophiebegriff (édité par B. Wald), t.III des Werke in acht Bànden,
Hamburg, Felix Meiner, 1995, pp. 79, 83. La fin des temps. Méditation sur la philosophie
de l'histoire, Fribourg, Éditions Universitaires Fribourg Suisse, 1982, pp. 10 s. Was heisst
Philosophieren? dans Schriften zum Philosophiebegriff, p. 57. «Das Geheimnis und die
Philosophie» dans zum pp. 309 ss.
6 A.N. Whitehead, «Remarks» dans Philosophical Review, 1

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