Pour une théorie dynamique des changements politiques - article ; n°1 ; vol.11, pg 118-137
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Description

Revue française de science politique - Année 1961 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 118-137
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean-William Lapierre
Pour une théorie dynamique des changements politiques
In: Revue française de science politique, 11e année, n°1, 1961. pp. 118-137.
Citer ce document / Cite this document :
Lapierre Jean-William. Pour une théorie dynamique des changements politiques. In: Revue française de science politique, 11e
année, n°1, 1961. pp. 118-137.
doi : 10.3406/rfsp.1961.392610
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1961_num_11_1_392610Pour une Théorie Dynamique
des Changements Politiques
JEAN-WILLIAM LAPIERRE
Dans sa récente Introduction à la science politique, Jean
Meynaud regrette qu'en science politique « la notion de
changement demeure presque extérieure à l'explication cou
rante » ; et pourtant « l'intégration du changement dans le cadre
théorique est particulièrement désirable » ; mais « elle soulève de
grandes difficultés » 1. Que les faits politiques soient des faits qui
changent, aucun politicologue ne le conteste, même parmi ceux qui
s'attachent surtout à décrire et à comprendre ce qu'il y a de plus
statique dans la réalité politique : ce que Lasswell et Kaplan appel
lent « rule » 2. La dimension historique n'est jamais tout à fait
absente des recherches en science politique. Elle implique toujours
une dynamique, c'est-à-dire des schémas d'explication qui postulent
l'intelligibilité du changement. Mais, le plus souvent, ces schémas
ne sont ni très explicites ni très cohérents. Il faut bien avouer que
les phénomènes d'évolution ou de révolution semblent être, dans
la réalité sociale et politique, ce qui donne le moins prise à la ratio
nalité scientifique. Il est plus facile et plus satisfaisant pour l'esprit
d'exposer la logique interne d'un type de régime politique idéa
lement construit que d'expliquer tel changement historique de
régime par autre chose qu'un concours de circonstances apparem
ment contingent — si du moins on refuse de s'installer dans le
confort intellectuel des « philosophies de l'histoire » chères au
xixe siècle.
Cette difficulté est le point de départ des réflexions qui vont
suivre. Et leur premier pas est cette remarque : dès qu'un politi-
1. Meynaud (J.), Introduction à la science politique, Paris, A. Colin, 1959,
chap. 7, p. 230 (Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, 100).
2. Lasswell (H.) et Kaplan (A.), Power and society, a framework fot poli-
tical inquiry, Newhaven, Yale University Press, 3e éd. 1957, chap, vin, p. 208.
118 •
Théorie des Changements Politiques
cologue traite, ne serait-ce qu'en passant, de changements poli
tiques, il se met à parler de « [orces » 3. Voilà donc un terme assez
couramment employé dans le langage de la science politique. Mais
on ne le trouve jamais élevé à la dignité de notion théorique. Il
paraît signifier une catégorie de faits à laquelle se réfère sans cesse
la dynamique implicite des auteurs. Mais cette catégorie est tenue
à l'écart de la liste des concepts scientifiques. Est-ce en raison de
son caractère vague, équivoque, qui rendrait le mot impropre à
toute définition précise, partant à tout usage scientifique ? Voici,
par exemple, deux textes :
1. « La force, élément non humain, serait-elle le principe et le
seul fondement des communautés politiques ? 4 »
2. « La force est décision, maîtrise, et l'initiative comme l'orien
tation n'appartiennent pas à la matière. La force est proprement
humaine. 5 »
3. Quelques exemples :
— « La réalité politique, à savoir la nature et le contenu du droit que les
forces politiques prépondérantes entendent voir édicter, s'abrite sous les appar
ences constitutionnelles ... Il est clair que les forces qui s'équilibrent à un
moment donné dans telle ou telle structure gouvernementale sont celles qui
déterminent l'idée de droit.» (Burdeau (G.), Traité de science politique, vol. IV,
p. 21 ; cf. aussi p. 13, p. 336.)
— « Dans chaque pays, cette variation permet de connaître l'évolution des
forces politiques.» (Duverger (M.), Les partis politiques, p. 332: il s'agit des
variations de la taille des partis.)
— « Again, political forces in our day seem to be approximating a bi-polar
pattern, around the last two centers of world revolution, the liberal-democratic
and the bolshevist. » (Lasswell et Kaplan, Power and society, p. ix.)
— « Modern ethical pluralism appeared at the turn of the present century with
the increasing recognition of the multiplicity of social forces, especially groups,
contributing to the condition of society, and specifically in politics, to the
formulation and execution of authoritative policy. » (Easton, The political
system, p. 269.)
— « Us constituent l'un des moyens d'action des diverses forces économiques
et spirituelles dont la structure demeure dans l'ensemble mal connue. » (Mey-
naud, Les groupes de pression en France, p. 43 ; cf. aussi p. 9, p. 345,
p. 350.)
— « De toutes les insuffisances existantes, rappelons seulement l'absence d'une
typologie des forces qui conditionnent le fonctionnement de la structure d'aut
orité. » (Meynaud, Introduction à la science politique, p. 313 ; cf. aussi p. 78,
p. 102, p. 103, pp. 220-222, p. 269, p. 289, p. 315.)
Une des rubriques de la bibliographie publiée par la Revue française de
science politique a pour titre : « Forces politiques ».
4. Polin (R.), «La politique et la force», Revue française de science poli
tique 7 (3), p. 517. C'est moi qui souligne.
5. Mounier (E.), « Eloge de la force », Esprit, janvier 1933, reproduit dans :
Révolution personnaliste et communautaire, p. 241 (Aubier, 1935). C'est moi qui
souligne.
119 Jean-William Lapierre
Tous deux traitent de politique. Il est bien clair que le même
mot n'y désigne pas la même idée. Mais certains essais de systémat
isation théorique n'hésitent pas à faire place, au prix d'un effort
de définition rigoureuse, à des termes encore plus flous dans leur
usage commun ! Ainsi « l'influence » a reçu le baptême scientifique
de plusieurs sociologues et politicologues importants. Une science
dont les analyses n'ont pas encore atteint, sauf peut-être en quel
ques points de son immense domaine 6, le degré d'abstraction qui
lui permettrait de formaliser ses propositions théoriques en énoncés
algébriques, n'a d'autre ressource, pour se donner un vocabulaire
théorique, que d'user avec rigueur du langage commun, ou de se
créer un jargon bourré de néologismes. La première voie est sans
doute la meilleure : il suffit de donner aux mots leur sens le plus
strict et le plus opératoire — celui qui comporte la plus grande
compréhension conceptuelle et celui qui s'adapte le mieux aux exi
gences pratiques de l'analyse.
Il se peut aussi que la notion de « force » souffre des traces
de signification magique qu'elle implique souvent, des images trop
chargées d'émotion qu'elle risque d'évoquer, ou bien encore des
analogies avec la physique mécaniste qu'elle suggère. La sociologie
garde un fâcheux souvenir d'une tentative de « mécanique sociale »
comme celle de L.F. Ward. Et Gaston Bachelard nous avertit
qu'une « science qui accepte les images est, plus que toute autre,
victime des métaphores. Aussi l'esprit scientifique doit-il sans cesse
lutter contre les images, contre les analogies, contre les méta
phores » 7. Mais l'illusion magique, particulièrement tenace en poli
tique 8, fait feu de tout bois : elle abuse des formules mathématiques
aussi bien que des images ; l'extrapolation n'est pas un danger
moindre que la métaphore 9 !
Demandons plutôt à cette « psychanalyse de la connaissance »,
que recommande M. Bachelard, de nous éclairer sur les motifs de
6. La définition objective de la démocratie, en termes mathématiques, pré
sentée par notre collègue et ami Louis Frey (Revue française de science poli-'
tique 10 (1), pp. 66-82) est-elle applicable aux sociétés globales comme aux
groupes restreints? Il est permis d'en douter: cf. pp. 80-81.
7. Bachelard (G.), La formation de l'esprit scientifique, Paris, Vrin, p. 38.
8. Cf. J.W. Lapierre, « La magie politique des sociétés civilisées », Esprit
novembre 195

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