Pourquoi et comment Le Monde a changé de maquette en 1995 ? - article ; n°1 ; vol.131, pg 107-121
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Description

Communication et langages - Année 2002 - Volume 131 - Numéro 1 - Pages 107-121
L'apparence d'un quotidien semble immuable. Pourtant celle-ci évolue avec le temps, tandis que le lecteur, bien souvent sans s'en rendre compte, est sensible à la forme de son journal, autant qu'à son contenu. Si l'étude de la maquette et de ses évolutions permet de révéler les contraintes industrielles et commerciales qui pèsent sur un journal, elle permet également de montrer les libertés dont disposent rédacteurs et maquettistes. La lecture que Patrick Eveno nous propose permet de mieux saisir les ressorts qui ont motivé la dernière mutation du grand quotidien vespéral. On lira alors avec profit, à la lumière des propos tenus par l'auteur, la charte graphique éditée par Le Monde au début de cette année, dernier acte d'une transformation sans cesse repensée qui montre la vivacité de la presse quotidienne et sa capacité à s'adapter physiquement aux nécessités de l'actualité.
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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Patrick Eveno
Pourquoi et comment Le Monde a changé de maquette en 1995
?
In: Communication et langages. N°131, 1er trimestre 2002. pp. 107-121.
Résumé
L'apparence d'un quotidien semble immuable. Pourtant celle-ci évolue avec le temps, tandis que le lecteur, bien souvent sans
s'en rendre compte, est sensible à la forme de son journal, autant qu'à son contenu. Si l'étude de la maquette et de ses
évolutions permet de révéler les contraintes industrielles et commerciales qui pèsent sur un journal, elle permet également de
montrer les libertés dont disposent rédacteurs et maquettistes. La lecture que Patrick Eveno nous propose permet de mieux
saisir les ressorts qui ont motivé la dernière mutation du grand quotidien vespéral. On lira alors avec profit, à la lumière des
propos tenus par l'auteur, la charte graphique éditée par Le Monde au début de cette année, dernier acte d'une transformation
sans cesse repensée qui montre la vivacité de la presse quotidienne et sa capacité à s'adapter physiquement aux nécessités de
l'actualité.
Citer ce document / Cite this document :
Eveno Patrick. Pourquoi et comment Le Monde a changé de maquette en 1995 ?. In: Communication et langages. N°131, 1er
trimestre 2002. pp. 107-121.
doi : 10.3406/colan.2002.3131
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_2002_num_131_1_3131Pourquoi et comment
Le Monde a changé
<
de maquette en 1 995 ?
Patrick Eveno
L'apparence d'un quotidien semble immuable. Pour Patrick Eveno nous propose permet de
tant celle-ci évolue avec le temps, tandis mieux saisir les ressorts qui ont motivé la
que le lecteur, bien souvent sans s'en dernière mutation du grand quotidien ves
rendre compte, est sensible à la forme de péral. On lira alors avec profit, à la
son journal, autant qu'à son contenu. Si lumière des propos tenus par l'auteur, la
l'étude de la maquette et de ses évolu charte graphique éditée par Le Monde au
tions permet de révéler les contraintes début de cette année, dernier acte d'une
industrielles et commerciales qui pèsent transformation sans cesse repensée qui
sur un journal, elle permet également de montre la vivacité de la presse quoti
montrer les libertés dont disposent rédac dienne et sa capacité à s'adapter phys
teurs et maquettistes. La lecture que iquement aux nécessités de l'actualité1.
Parce que c'est elle qui met en scène le journal et le travail de
la rédaction, la maquette est un des éléments clé du contrat
passé entre un quotidien et ses lecteurs, aux côtés de la fiabilité
et de la quantité des informations fournies, de l'indépendance
de la rédaction, de la qualité des commentaires, etc. En outre,
la «une», la partie la plus en vue de la maquette, constitue la
vitrine du journal qui, exposée dans les kiosques, doit servir à
attirer de nouveaux lecteurs.
Depuis fort longtemps, j'oserais affirmer depuis que la presse
existe, les entreprises de presse réfléchissent sur la maquette
des journaux qu'elles éditent, afin de la rendre attrayante, afin
de susciter chez le lecteur le désir d'acheter et de lire le jour
nal, puis d'en poursuivre la lecture. La maquette doit en effet
1 . Cet article est la version écrite d'une communication présentée lors de la première
« Rencontre communication et histoire », organisée les 9 et 10 mars 2001 par le Centre
d'étude de l'écriture (CEE, Université Paris Vil/CNRS) et le Centre d'histoire des récits
et de l'Information des médias-réseaux en Europe (CHRIME, université Sorbonne-Nou-
velle Paris-Ill). 108 Graphisme
permettre d'identifier le journal au premier coup d'œil, et elle
doit aussi guider le lecteur au fil des pages. Toutefois, pour ce
qui concerne leur maquette, les journaux sont soumis à un
triple impératif, industriel, commercial et rédactionnel, qui les
contraint à évoluer dans des limites strictes. En examinant le
changement de maquette du Monde en 1995, je vais essayer
d'expliquer comment ces trois contraintes pèsent sur les choix
éditoriaux et artistiques2.
LA MAQUETTE, UN PROBLÈME INDUSTRIEL
La maquette est déterminée en premier lieu par la surface impr
imable de papier, dont le format est lui-même déterminé par la
dimension des cylindres de la rotative et par la largeur de la
bobine de papier. Pour Le Monde, héritier en 1944 de l'imprimer
ie du Temps, les données du problème étaient décidées à
l'avance. Les rotatives du Temps, installées rue des Italiens en
1911, produisaient un journal de grandes dimensions (69 cm de
haut sur 51,5 cm de large) mais de faible pagination (4 ou
6 pages, exceptionnellement 8), parce que la vitesse réduite des
machines limitait la production3. Le Monde hérite également de
la typographie et de la composition du Temps, qu'il ne put modif
ier que graduellement lors de l'achat de nouvelles linotypes.
En janvier 1945, Hubert Beuve-Méry décide de plier le journal
en deux pour réduire son format de moitié, afin de le rendre
plus lisible et plus facilement manipulable par le lecteur et afin
de donner de l'épaisseur au quotidien en doublant le nombre
des pages. Le format adopté en 1945 (51,5 cm en hauteur,
34,5 cm en largeur) est resté inchangé, en dépit du renouvelle
ment des rotatives en 1961, jusqu'à l'installation des rotatives
offset en 1989. À cette date, le format du Monde est légèrement
réduit (47 cm sur 32 cm), par l'adoption d'un standard internat
ional, le format « berlinois », encore en vigueur actuellement.
ce 2. Pour le contexte du changement de maquette en 1 995, voir Patrick Eveno, Le Journal ^c Le Monde. Une histoire d'indépendance, Paris, Odile Jacob, 2001 .
'■=o 3. Le tirage du Monde doit être effectué en six heures, afin que les exemplaires soient
.y livrés dans l'après-midi en région parisienne et le lendemain matin en province et à
§ l'étranger. Dans ce laps de temps, les anciennes rotatives ne peuvent tirer que 200000
S exemplaires d'un journal de 16 pages maximum. Au-delà, il faut réduire la pagination
o pour accroître le nombre des exemplaires tirés, ou inversement. Pourquoi et comment Le Monde a changé de maquette en 1995 ? 109
Cette histoire industrielle propre à l'entreprise est certes impor
tante pour l'histoire de la maquette du Monde, mais elle s'inscrit
dans un phénomène plus général qui concerne l'ensemble de la
presse quotidienne et magazine, la tendance séculaire au blan
chiment de la maquette. Ce blanchiment est le corollaire de la
baisse du prix du papier (ce dernier représentait de 20 à 25 %
des charges d'exploitation du Monde de 1945 à 1961, de 15 à
20% des charges du Monde de 1962 à 1978, de
10 à 15% des charges d'exploitation du Monde de 1979 à
1989, et seulement entre 6 et 9% des charges d'exploitation du
Monde depuis 1990), qui permet l'augmentation de la paginat
ion (moins de 10 pages par jour jusqu'en 1949, 12 à 16 pages
par jour jusqu'en 1961, moins de 25 pages par jour jusqu'en
1968, de 30 à 34 pages par jour dans les années 1970, de 35 à
40 pages par jour dans les années 1980-1990, 47 pages par
jour en 2000), elle-même favorisée par la croissance de la
recette publicitaire4.
La tendance lourde de la presse est donc d'accroître la paginat
ion, afin d'accueillir un plus grand nombre de placards publici
taires et afin d'augmenter la surface rédactionnelle. Cette
croissance de la surface du journal suppose une nouvelle orga
nisation de la maquette, plus aérée, avec un plus grand nombre
d'illustrations, une plus grande variété d'articles et une titraille
plus élaborée et plus diversifiée. Dans le cas du Monde, la
maquette a connu de lentes évolutions entre la fondation et les
années 1990. Elle n'a pas été l'objet de véritables bouleverse
ments, excepté le changement de format de janvier 1945, alors
que le journal n'a qu'un mois d'existence, qui représente une
stratégie de rupture par rapport à l'ancien Temps, et, dans une
moindre mesure, le passage de 5 à 6 colonnes le 1er décembre
1959, qui avait permis d'accroître le nombre de signes par
page, sans pénaliser la surface publicitaire, en attendant le
changement des rotatives, qui furent commandées à la même
époque. Depuis le d&

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