Présentation : Linguistique et socio-linguistique - article ; n°1 ; vol.34, pg 3-16
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Description

Langue française - Année 1977 - Volume 34 - Numéro 1 - Pages 3-16
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 127
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Encrevé
Présentation : Linguistique et socio-linguistique
In: Langue française. N°34, 1977. pp. 3-16.
Citer ce document / Cite this document :
Encrevé Pierre. Présentation : Linguistique et socio-linguistique. In: Langue française. N°34, 1977. pp. 3-16.
doi : 10.3406/lfr.1977.4814
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1977_num_34_1_4814Pierre ENCREVÉ (Paris VIII)
PRÉSENTATION :
LINGUISTIQUE ET SOCIOLINGUISTIQUE
« La confrontation avec le travail de Labov m'a révélé qu'un bon nombre
de mes idées favorites étaient complètement erronées ; sur la question de la
gradualité du changement phonétique, notamment, le travail de Labov discré
dite presque complètement ma position antérieure. » Ainsi s'exprimait le géné-
rativiste Robert King, lors de la « Second International Conference of Nordic
and General Linguistics » tenue en 1973 à l'Université de Umeâ, à la fin de la
communication de William Labov l. Il ne va pas de soi que toute confrontat
ion entre linguistique et sociolinguistique produise d'aussi miraculeuses
conversions, et ce numéro de Langue Française ne nourrit pas cette ambition.
Il se propose essentiellement d'éclairer les rapports que la sociolinguistique
entretient avec la linguistique, en s'interrogeant en particulier sur le « supplé
ment » sociologique qui, à en croire le préfixe, est censé intervenir ici. Pour
autant, notre projet n'est pas de parvenir à des définitions, juridiques ou
programmatiques, mais, en abordant de front un problème qui nous paraît très
imortant dans la situation présente des recherches linguistiques, de contribuer
si possible à redéfinir la question.
Le terme « sociolinguistique » recouvre des travaux extrêmement divers
et très inégalement diffusés en France. Cherchant à en parcourir l'ensemble,
W. Labov y repérait « douze aires différentes au moins 2 », parmi lesquelles la
standardisation et la planification des langues, le comportement bilingue et
multilingue, l'ethnographie de la communication, l'analyse du discours, la
stratification sociale de la langue, la variation linguistique, le rapport au
langage, etc., aires où l'on peut d'ailleurs travailler de façons multiples. De
fait, un bon nombre de travaux sociolinguistiques n'entretiennent aucun
rapporťavec la linguistique générale théorique, l'étude scientifique des structu
res de la langue. Nous ne discutons pas du tout la dénomination en cause,
mais il doit être clair que nous adoptons ici un usage restrictif du terme : nous
1. Karl-Hampus Dahlstedt (ed), The Nordic Language and Modem Linguistics, vol. 2 (Acta Regiae
Societatis Skytteanoe, n° 13), Stockholm, 1975, p. 235.
2. William Labov, «The unity of sociolinguistics », 1975 (mimeo). n'envisagerons qu'une sociolinguistique particulière, celle qui, développée à
partir des travaux de W. Labov notamment, se définit prioritairement comme
une linguistique. Prise en ce sens la sociolinguistique doit nécessairement se
situer par rapport à la linguistique dominante, c'est-à-dire la — ou plutôt les —
linguistiques génératives et transformationnelles, et elle le fait d'abord sous la
forme d'une dépendance théorique reconnue et revendiquée, et d'une polé
mique méthodologique qui ne va pas sans retentir sur les principes. La réc
iproque n'est pas vraie. Forte de sa légitimité, la linguistique dominante ne
débat guère avec la sociolinguistique qu'elle envisage moins comme une forme
concurrente que comme une recherche située sur ses marges, « interdisciplinai
re » par exemple. Aussi la sociolinguistique doit-elle sans cesse à nouveau
combattre pour être reçue à l'intérieur du champ, et réfuter les arguments avec
lesquels on la refoule, tout en maintenant ses propres critiques. Labov l'a fait
souvent et très bien 3, et l'on aurait scrupule à reprendre encore ce débat, si des
publications récentes ne prouvaient qu'il n'est pas superflu ici 4.
La sociolinguistique est une linguistique : elle a le même domaine que la
linguistique, la langue, et non pas un sous-territoire (dialectes sociaux, co
variation) ; elle a les mêmes tâches à remplir, l'étude scientifique de la langue ;
mais elle estime que pour couvrir mieux ce domaine et mener plus loin l'a
ccomplissement de ces tâches, il faut sur certains points s'y prendre autrement.
Elle se situe dans la continuité de toute la recherche linguistique du vingtième
siècle : elle en reconnaît les succès et elle entend en exploiter les acquis. Elle
n'a pas l'intention ni la prétention d'éliminer la forme actuellement dominante
de la linguistique, mais elle entend être reconnue elle aussi comme une
linguistique à part entière et veut que ses acquis propres ne soient pas
négligés. « Une analyse du langage hors contexte subsistera sans aucun doute
en tant que domaine autonome », écrit Labov. « Je pense que ce genre d'activi
té se verra apprécié comme un préliminaire indispensable à l'élaboration d'une
recherche, mais désormais la théorie linguistique ne pourra pas plus dédaigner
le comportement social des sujets parlants que la chimie ne peut ignorer les
propriétés observables des éléments (...). Je ne crois pas qu'il nous faille main
tenant une nouvelle " théorie du langage ". Ce dont nous avons besoin c'est
bien plutôt d'une nouvelle pratique linguistique qui livre des solutions décisi
ves 5. » Pour simplifier, si l'on considère que la linguistique actuelle se caractér
ise, par rapport à l'étape précédente, par le recours aux seules données de l'i
ntuition d'une part et par une description grammaticale adoptant la forme d'un
système de règles formalisées d'autre part, la sociolinguistique retient et déve
loppe le second point (théorie de la grammaire) mais rejette le premier, ainsi
que le lien de principe établi de l'un à l'autre.
La polémique et la différence de pratique portent d'abord en effet, ceci
est bien connu, sur la question des données et sur la méthodologie de l'enquêt
e. La sociolinguistique veut étudier la langue utilisée dans la communauté
linguistique, la langue dans son usage quotidien, et sa méthode consiste à
enregistrer les locuteurs les situations ordinaires des échanges linguisti-
3. Cf. par exemple, U. Weinreich, W. Labov, M. Herzog : « Empirical Foundations for a theory of
language change », W. Lehmann et Y. Malkiel (eds), Directions for historical linguistics, 1968 ; ou encore :
Sociolinguistique Éd. de Minuit, 1976, chap. 8.
4. J.B. Marcellesi et В. Gardin, par exemple, dans leur Introduction à la sociolinguistique, Larousse,
1974, par ailleurs excellente, cantonnent Labov dans la « dialectologie sociale » et dans l'étude du change
ment phonétique. Tout récemment, J. Boutet, P. Fiala et J. Simonin-Grumbach estimaient que cette socio-
linguistique est « centrée sur la co-variance ». Cf. Critique, n° 344, 1976, p. 80.
5. Sociolinguistique, p. 350-351. Nous soulignons. ques. Les données ainsi obtenues présentent naturellement une grande hétéro
généité même lorsque le groupe étudié est peu nombreux et relativement
homogène ; la sociolinguistique soutient que l'hétérogénéité appartient à la
structure même de la langue et s'attache à démontrer la systématicité des
différentes variations constatées (variations sociales, variations stylistiques,
variations inhérentes), c'est-à-dire la possibilité de les décrire sous la forme de
règles. A l'opposé, la linguistique generative et transformationnelle récuse les
données observables de la parole qu'elle tient pour dégradées, masquant les
règles grammaticales par l'intervention d'erreurs de production ; les seules
données sur lesquelles doive s'élaborer la grammaire, ce sont les jugements
d'acceptabilité-grammaticalité 6 portés par le locuteur sur des exemples
construits, jugements dont on affirme que c'est l'intuition linguistique qui les
rend, donnant ainsi un accès qualifié de direct à la compétence, la langue, du
sujet-juge. De ce point de vue la sociolinguistique est couramment considérée,
sur la base des données qu'elle retient, comme une étude de la performance,
so

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