Problèmes de sens dans l enseignement d une langue étrangère - article ; n°1 ; vol.8, pg 62-77
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Description

Langue française - Année 1970 - Volume 8 - Numéro 1 - Pages 62-77
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Henri Besse
Problèmes de sens dans l'enseignement d'une langue étrangère
In: Langue française. N°8, 1970. pp. 62-77.
Citer ce document / Cite this document :
Besse Henri. Problèmes de sens dans l'enseignement d'une langue étrangère. In: Langue française. N°8, 1970. pp. 62-77.
doi : 10.3406/lfr.1970.5528
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1970_num_8_1_5528Henri Besse, CREDIF, ENS de Saint-Cloud.
PROBLÈMES DE SENS
DANS L'ENSEIGNEMENT
D'UNE LANGUE ÉTRANGÈRE.
« Le sens apparaît toujours comme une donnée immédiate : cela
suffît à l'homme pour vivre et agir dans un monde signifiant 1. » C'est
le sens qui prête au monde des paroles cette transparence qui nous les
rend assimilables et communicables. Ce sens ne pose guère de problèmes
tant que nous demeurons dans notre « monde signifiant ». Mais, dès que
nous nous trouvons confrontés à un monde de sons et de comportements
dont la signification nous échappe, l'évidente transparence devient non
moins évidente opacité : tout un apprentissage est nécessaire pour retrou
ver à travers les formes étrangères la transparence perdue.
Pendant longtemps, le moyen d'accès privilégié au sens des mots
étrangers a été la traduction. L'apprentissage d'une langue étrangère
passait par l'apprentissage de séries d'équivalences sémantiques, qu'elles
soient lexicales (listes de mots) ou grammaticales (règles de grammaire
traduites en langue maternelle). Le renouveau de l'enseignement des
langues a déprécié ce moyen antique, pour lui en substituer un autre,
tout aussi ancien, mais qui, jusqu'alors, n'était pas utilisé de manière
systématique dans la pédagogie des langues étrangères. Il s'agit, non
plus d'une traduction interlinguale, mais « intralinguale 2 », c'est-à-dire,
se faisant à l'intérieur de la même langue, en l'occurrence, à l'intérieur
de la langue cible. Cette traduction suppose une théorie du sens que
nous allons essayer de préciser, car cette théorie (si elle présente un
degré suffisant de cohérence pour qu'on puisse l'admettre) implique une
certaine pédagogie dont nous voudrions esquisser les linéaments, en pro
posant un type d'exercices destinés à favoriser l'acquisition du sens.
1. A. J. Greimas, Du sens, Paris, Éditions du Seuil, 1970, p. 39.
2. R. Jakobson, Essais de linguistique générale, Éditions de Minuit, 1963, p. 79.
62 I. Traduction et métalangage.
1.1. Les méthodologies modernes déconseillent la traduction, interpré
tation des signes de la langue étrangère par les signes de la langue matern
elle, pour lui préférer un autre type de traduction, qui consiste à inter
préter les signes de la langue étrangère au moyen d'autres signes de cette
même langue. Cette traduction fait appel à des procédés tels que l'util
isation des synonymes ou parasynonymes, des antonymes, des circonlocut
ions, des définitions ou des paraphrases. « Expliquer ce que signifie un
mot ou une phrase, c'est utiliser d'autres mots et d'autres phrases ед
essayant de donner une nouvelle version de la même chose *. » Les dic
tionnaires unilingues ne font, en dehors des exemples ou des citations,
que des traductions intralinguales.
Remplacer un signe qui fait problème par un autre signe ou par
un groupe de signes plus accessibles, c'est ce que fait chaque locuteur,
lorsque son auditeur ne comprend pas, et qu'il manifeste sa perte du
sens par des questions comme « Que voulez-vous dire? » « C'est-à-dire? »,
« Qu'entendez-vous par là? », etc. Le locuteur doit alors reformuler
son message afin d'être compris. De même le professeur de langue étran
gère reformule les signes du message qu'il veut expliquer, au moyen des
signes déjà connus, déjà acquis, afin de rendre le message assimilable.
Cette traduction impose le réemploi constant des formes déjà étudiées
dans la progression d'apprentissage : la richesse, la justesse d'une bonne
« explication » (première phase d'une leçon en méthodologie audio-visuelle)
vient de l'utilisation pertinente des rappels de ce qui a été vu. Tout en
favorisant l'acquisition de nouveaux signes, ce type de traduction oblige
l'élève à faire fonctionner ce qu'il a appris : elle est donc, à la fois, moyen
d'apprentissage et exercice de la langue étrangère.
Par exemple, le professeur « explique » : « Paul est au grenier. » Les
élèves ne connaissent pas le sens de « grenier ». Le professeur montre
l'image où l'on voit Paul dans un grenier, mais il commente l'image par
les paraphrases suivantes « il est sous le toit », « il est au dernier étage »,
donnant ainsi deux équivalents du signifié de « grenier ». De même, pour
« la caisse est pleine de vieux habits », « vieux » sera glosé par « qu'on
ne porte plus » et « pleine de » par « il y a beaucoup de »...
Cette traduction consiste donc en un langage sur le langage, un
discours ayant pour réfèrent un autre discours, et en ce sens, on peut
dire qu'il s'agit d'un métalangage. Jakobson a depuis longtemps signalé
que cette « interprétation métalinguistique des messages... joue un rôle
énorme dans tout processus d'apprentissage du langage, tant chez l'enfant
que chez l'adulte 2 ». Il peut jouer un rôle essentiel dans l'apprentissage
d'une langue étrangère, mais ce rôle se heurte à une difficulté qui vient
de ce qu'il doit s'intégrer à une progression rigoureuse; ce métalangage
1. A. J. Greimas, op, cit., p. 43.
2. R. Jakobson, op. cit., p. 204.
63 peut être tiré que des acquisitions antérieures. « Expliquer » un mot ne
inconnu par un mot inconnu n'est rien « expliquer ». Dès lors, comment
« expliquer » les messages de la première leçon? des premières leçons?
Même si le professeur n'emploie pas un mot de la langue maternelle, les
élèves auront tendance à faire une traduction silencieuse en langue matern
elle. Et ce n'est qu'au bout de trois ou quatre leçons que le processus
de la traduction intralinguale deviendra possible et satisfaisant pour
l'élève : il aura la surprise de « comprendre » sans s'appuyer consciem
ment sur sa propre langue, mais cette compréhension reste globale et
parfois vague, elle n'est qu'une approximation du sens.
1.2. La procédure de traduction métalinguistique est toujours la même,
mais selon l'unité à expliquer, elle connaît des variantes. S'il s'agit d'un
mot, on l'expliquera par un synonyme ou un groupe synonymique, par
exemple : « j'ignore » par «je ne sais pas », ou bien « célibataire » par
« un homme qui n'est pas marié ». Les deux termes sont dits synonymes
en ce sens, que dans le même contexte, ils sont interchangeables sans
variation concomitante de sens. S'il s'agit d'une unité plus haute, comme
ces « mots-phrases » (dans lesquels la signification ne peut être déduite
de l'addition des signifiés des constituants), on substituera au mot-phrase,
un énoncé, ainsi « ça y est », dans tel contexte sera rendu par « c'est
fini » ou « c'est terminé », « bien sûr » par « vous avez raison », etc. S'il
s'agit d'un énoncé, on fera appel à une paraphrase dont la signification
sera sensiblement la même que celle de l'énoncé.
Ainsi pour un réfèrent ou pour un même message à trans
mettre, il est toujours possible de trouver dans une langue naturelle
plusieurs signes ou groupes de signes. Le même fait peut être présenté
de façons, celle qui est choisie n'est que l'une de celles qui
sont possibles. Sur ce point, les langues naturelles diffèrent profondément
des langages artificiels ou logiques.
Pour que, dans un contexte donné, plusieurs signes ou groupes
de signes aient même signification, il faut que les signifiés de ces signes
ou de ces groupes de signes aient une partie au moins de leurs sèmes
(unités de signification minimales correspondant aux traits distinctifs
des phonèmes

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