Procédés sémantiques et lexicaux en français branché - article ; n°1 ; vol.90, pg 65-79
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Description

Langue française - Année 1991 - Volume 90 - Numéro 1 - Pages 65-79
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 60
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Michèle Verdelhan-
Bourgade
Procédés sémantiques et lexicaux en français branché
In: Langue française. N°90, 1991. pp. 65-79.
Citer ce document / Cite this document :
Verdelhan-Bourgade Michèle. Procédés sémantiques et lexicaux en français branché. In: Langue française. N°90, 1991. pp. 65-
79.
doi : 10.3406/lfr.1991.6196
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1991_num_90_1_6196Michèle VERDELHAN-BOURGADE
Université Paul Valéry
Montpellier
PROCÉDÉS SÉMANTIQUES ET LEXICAUX
EN FRANÇAIS BRANCHÉ
L'évolution de la linguistique dans la seconde moitié du XXe siècle
aura peut-être fait tomber deux mythes : celui de l'homogénéité de la
langue et celui de la stabilité dans une tranche de temps limitée. Diversité
et variabilité paraissent actuellement caractériser l'objet de l'étude,
devenu par là moins facilement saisissable dans son ensemble. Décrire le
français suppose la question : quel français parlons-nous ? Et surtout que
signifie « parler français » ? Les facteurs géographiques, culturels et
sociaux de la variation linguistique se combinent avec l'évolution explos
ive des moyens de communication pour faire du français une langue-
mosaïque en mouvement. Le français bouge, et bouge à chaque instant,
comme l'écrit G. Mounin l et cela, non seulement dans son lexique mais
aussi dans sa syntaxe, même dans un laps de temps assez court.
Ce mouvement du français est particulièrement perceptible dans ce
qu'on appelle le français « branché » qu'on se propose ici d'examiner. Le
présent article laissera de côté les marques des changements syntaxiques,
qui ont fait l'objet d'un autre travail 2, pour s'attacher au fonctionnement
sémantique et lexical de cette zone langagière. On se demandera notam
ment si on peut relever dans le français branché des procédés particuliers
de formation du mot et du sens, ou bien si au contraire cette variété de
français s'inscrit directement dans l'histoire de la langue, en forgeant « ses
innovations par des procédés parfaitement traditionnels 3.
Caractères généraux du français branché 4
Etre branché, c'est être « au courant » de ce qui se fait, « en prise
avec » le monde et l'évolution de la communication : c'est ainsi que pour
1. G. Mounin, « Quelques observations sur le lexique français d'aujourd'hui », Europe,
n° 738, Paris, 1990.
2. M. Verdelhan-Bourgade, « Communiquer en français contemporain : "Quelque part
ça m'interpelle", phénomènes syntaxiques en français branché », La Linguistique, vol. 26,
fasc. 1, Paris, 1990.
3. C. Duneton, Avant-Propos au Dictionnaire du français branché, par P. Merle, Parie,
Seuil, 1986.
4. Le développement suivant reprend en partie un texte déjà publié dans Europe n" 738.
65 le progrès technique le terme a pu un moment être remplacé par suivre
câblé et son verlan bléca sans que d'ailleurs ces termes arrivent véritabl
ement à s'imposer. Dans tous les cas la préoccupation majeure du branché
est d'être averti des moindres frémissements de l'actualité : les créations
langagières qui en découlent sont-elles forcément éphémères ? Si certaines
productions sont manifestement des арах, d'autres semblent s'intégrer de
façon plus durable, peut-être parce que certains procédés de formation
utilisés correspondent à une évolution en profondeur du lexique français.
Quelques précautions doivent être prises dans la présentation du
français branché. Celui-ci ne peut se réduire en effet à un français
anglicisé : l'anglomanie existe certes et elle influence le langage branché ;
elle n'en est toutefois qu'une composante parmi d'autres, peut-être
particulièrement irritante pour les défenseurs d'une langue « pure », mais
qui ne doit pas cacher les autres caractères.
On ne peut non plus ramener cette variété à une catégorie socio
professionnelle. C. Hagège 5 oppose fréquemment dans Le Français et les
siècles la langue de la publicité, du commerce, du sport, à une « langue
courante » débarrassée notamment de l'excès anglicisant. Or, loin d'être
cantonné à un milieu professionnellement délimité, le français branché
peut être considéré comme la « langue courante » de nombreux individus
aux professions diverses. Il sévit aussi dans des quotidiens ou des
magazines à grand tirage, comme Libération ou le Nouvel Observateur,
voire Le Monde : leurs centaines de milliers de lecteurs représentent un
groupe large et varié, qui ne peut être rattaché à un seul secteur
professionnel.
De même le langage branché n'est-il pas le seul fait des « jeunes ».
Certes les moins de vingt ans en usent ; mais le « branché » des écoliers
diffère de celui des lycéens ou des étudiants 6 : le « parler jeune » est une
entité linguistique à nuancer. D'autre part, s'il présente des faits
communs à d'autres zones du parler branché, il n'en utilise pas toutes les
ressources, notamment en matière d'invention lexicale, et il a ses vocables
spécifiques.
Faut-il voir en fin de compte dans le français branché un argot
moderne ? Tout dépend de la conception que l'on se donne de l'argot. Si
l'on s'en tient à la définition du Robert, à savoir que c'est « un ensemble
oral des mots non techniques qui plaisent à un groupe social », on
s'aperçoit que celle-ci ne cadre pas avec ce qu'on sait du français branché :
qu'il n'est pas seulement oral, mais aussi écrit, et qu'il présente des
caractères syntaxiques, ce qui en fait autre chose qu'un « ensemble de
mots ». Plus satisfaisante pour notre objet est la définition adoptée par le
Trésor de la Langue française : « langage ou vocabulaire qui se crée à
5. С Hagège, Le français et les siècles, Paris, Odile Jacob, 1987.
6. Comme le fait apparaître l'enquête menée par G. Bensimon-Choukroun pour le Centre
d'Argotologie, Documents de travail n° 8, déc. 88.
66 l'intérieur de groupes sociaux (...) et par lequel un individu affiche son
appartenance au groupe et se distingue de la masse des sujets parlants ».
En effet, à condition de ne pas être réduit à un vocabulaire, l'usage du
français branché semble être un signe de reconnaissance, non d'un groupe
restreint et clos, mais de toute une couche de la population : celle qui lit
les journaux, va aux spectacles, s'intéresse à la mode, à l'actualité. Classe
moyenne, intellectuels, cadres, enseignants, usent couramment d'une
variété de langage dont on ne saurait attribuer la paternité aux seuls
publicitaires. Il y a une mouvance large du branché.
Aussi, si l'on veut parler d'argot, sera-ce plutôt dans le sens d'une
création collective de connivence entre individus variés qui se veulent
cependant tous « en phase avec » leur temps. On en traquera pour ce
travail les manifestations sémantiques et lexicales apparues principal
ement dans l'écrit de presse, Libération, Actuel, Nouvel Observateur, de 1987
à 1989.
Les changements sémantiques
Le vocabulaire du français branché comporte en effet deux aspects :
la création lexicale proprement dite et l'utilisation détournée de termes
déjà existants.
La plupart des changements sémantiques peuvent se rapporter à des
procédés traditionnels. Certains s'analysent en termes de tropes.
— Métonymies : un cuir a d'abord désigné un blouson fait dans cette
matière, puis l'individu porteur du vêtement. On avait le même phéno
mène avec les blousons noirs des années 60 mais avec le cuir la relation de
contiguïté s'est établie à deux niveaux successifs. On a de même une toile
désignant « un film », une caisse pour une « voiture ».
— Synecdoques : ce pourrait être le cas par exemple pour baskets
dans « lâchez-moi les baskets ! » signifiant « laissez-moi tranquille », les
baskets

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