Proverbe, proverbialisation et déproverbialisation - article ; n°139 ; vol.34, pg 81-97
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Proverbe, proverbialisation et déproverbialisation - article ; n°139 ; vol.34, pg 81-97

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langages - Année 2000 - Volume 34 - Numéro 139 - Pages 81-97
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 52
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

MME Charlotte Schapira
Proverbe, proverbialisation et déproverbialisation
In: Langages, 34e année, n°139, 2000. pp. 81-97.
Abstract
Charloffe Schapira (Universite de Haifa) : Proverb, Proverbialization and De-proverbialization
The purpose of this article is to determine the characteristics required for a sentence to become a proverb, including the linguistic
process through which this is achieved, and the conditions that secures the survival of the formula through the ages. The
"deproverbialization" of the proverb - that is the occurrences in discourse in which the formula happens to loose its paremiologic
status - is also considered and discussed.
Citer ce document / Cite this document :
Schapira Charlotte. Proverbe, proverbialisation et déproverbialisation. In: Langages, 34e année, n°139, 2000. pp. 81-97.
doi : 10.3406/lgge.2000.2382
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_2000_num_34_139_2382Schapira Charlotte
Technion - LIT., Haifa
PROVERBE, PROVERBIALISATION
ET DÉPROVERBIALISATION
Le mot proverbialisation et son dérivé déproverbialisation ne figurent dans aucun diction
naire. C'est sans doute pour cette raison qu'ils ne bénéficient pas encore de définitions bien
claires ; mais ceci n'est pas un cas unique en parémiologie et, dans les études consacrées au
proverbe, les deux termes sont employés couramment, signifiant grosso modo, respective
ment, « devenir proverbe » et « perdre son statut proverbial ». Les nombreux ouvrages trai
tant dernièrement de la parémie sous tous ses aspects ne semblent pas s'intéresser
particulièrement au phénomène de la proverbialisation. Plusieurs raisons pourraient être
trouvées à cette omission : primo, la plupart des études récentes se placent exclusivement
en synchronie et, à première vue - mais à première vue seulement - la proverbialisation
peut paraître un phénomène diachronique ; secundo, la proverbialisation, dans le sens qui
nous intéresse ici, implique nécessairement l'adoption d'une définition claire du proverbe ;
or, la plupart des auteurs soit avouent ne pas pouvoir définir la formule, soit évitent d'en
donner une définition tranchée : ; tertio, considérée en synchronie, l'étude de la proverbial
isation semble exiger des pronostics sur les énoncés qui deviendront les proverbes des
générations futures. Les difficultés posées par le sujet sont certes réelles mais non insur
montables. En tant que processus de figement, la proverbialisation représente en effet un
phénomène diachronique ayant abouti aux proverbes faisant partie du vocabulaire du
locuteur contemporain ; mais ce processus est en train de se dérouler aussi actuellement,
pour d'autres énoncés, et il est à la fois intéressant et utile de l'observer afin, précisément,
d'éclaircir la nature même du proverbe et sa définition, qui constituent l'objet de toutes les
études parémiologiques, passées et présentes. Quant aux formules qui seront les proverbes
de demain, il n'est pas téméraire de miser sur quelques-unes et il est certainement inté
ressant de trouver des raisons plausibles pour le faire.
1 . Le corpus parémique
II n'est que de parcourir un recueil de proverbes et de lire les études parémiologiques
qui leur sont consacrées pour se rendre compte du fait que le fonds des proverbes faisant
partie du vocabulaire général à un moment donné de l'histoire de la langue (dans notre cas
en synchronie) forme un corpus composite et hétérogène. Il consiste en réalité, pour chacun
1. Cf., en effet, Whiting 1932 et Taylor 1962, qui considèrent la définition du proverbe comme une tâche
impossible ; Arnaud 1991 et Anscombre 1994 soulignent les difficultés que pose cette entreprise ; Kleiber
1999 et Schapira 1999 constatent deux attitudes opposées concernant la définition : une attitude « défait
iste » et une autre, « optimiste », dont se réclame Kleiber lui-même. Ni défaitiste ni décidément optimiste,
je propose, pour ma part (Schapira 1999 : 87-90), une définition « modulée » basée sur des traits prototy
piques, dont certains sont obligatoires et certains autres sujets à une appréciation individuelle des divers
locuteurs.
81 des locuteurs de la langue, en un nombre relativement limité de formules qui, une fois per
çues comme proverbes, s'intègrent au vocabulaire au même titre et de la même façon que
les autres expressions stéréotypées, notamment les expressions idiomatiques non proposi-
tionnelles. En réalité, cependant, les proverbes que nous avons en notre disponibilité pro
viennent de sources très diverses et ont acquis leur statut linguistique par des voies
également différentes. Certes, ils sont tous perçus de nos jours comme des énoncés ano
nymes, des créations collectives à origine populaire et, en effet, il existe des proverbes qui,
aussi loin qu'on remonte dans le passé, semblent avoir toujours joui du statut parémique :
d'abord en grec ancien, puis en latin, d'où ils se sont ensuite transmis au français ou même
à plusieurs langues romanes :
L'art est long, la vie est courte, (gr. : Ho bios brakhus, hê de tekhnê makra ; lat. : Ars longa, vita brevis)
D'autres proverbes nous sont venus du latin - latin classique ou latin médiéval - où, eux
aussi, fonctionnaient déjà comme des proverbes, c'est-à-dire comme des énoncés anonymes
de notoriété générale :
Qui bene amat bene castigat. - Qui aime bien châtie bien.
Quot capita, tot sensus. - Autant de têtes, autant d'avis.
De gustibus et coloribus non disputandum. - On ne discute pas des goûts et des couleurs
Un nombre non négligeable de formules remontent toutefois à des origines qu'il est pos
sible d'identifier. Elles proviennent le plus souvent de citations tirées d'oeuvres et d'auteurs
anciens illustres ou de la Bible - Ancien et Nouveau Testaments, et se sont propagées dans la
langue par les traductions. Ces locutions sont innombrables ; je n'en citerai que quelques-
unes à titre d'exemple :
La fortune sourit aux audacieux (Audaces fortuna juvat : variation d'un hémistiche de l'Enéide, X, 284,
de Virgile)
II faut de la mesure en toute chose. /L'excès en tout est un défaut. (Est modus in rebus : Horace, Satires,
I, 1, 106)
Œil pour œil, dent pour dent. (Ex., XXI, 24 ; Lev., XXIV, 20)
Birds of a feather flock together. (Eccl. XVII, 9)
Rendez à César ce qui est à César (et à Dieu ce qui est à Dieu). (Matt. ХХП, 21)
On connaît l'arbre à ses fruits. (Matt., VII, 20)
Enfin, d'autres proverbes, d'origine littéraire cette fois-ci, ont été produits directement
en français :
Le cœur a ses raisons que la raison ignore
(que la raison ne connaît point dans l'original de Pascal) et :
L'habitude est une seconde nature
que Pascal refait à partir du modèle latin Consuetudo est secunda nátura2. Les fables de La
Fontaine, notamment, constituent une inépuisable source de proverbes, et il est parfois dif
ficile de savoir si La Fontaine n'a fait que citer des formules déjà existantes, ou bien s'il en
a créé de si réussies et si conformes au modèle parémique qu'elles ont aussitôt été adoptées
par la langue3 :
[..] deux sûretés valent mieux qu'une. (Le Loup, la chèvre et le chevreau, IV, 15)
Patience et longueur de temps /font plus que force ni que rage. (Le Lion et le rat, II, 11)
Plus fait douceur que violence. (Phébus et Borée, VI, 3)
2. Cf. Pascal, 1965, Pensées, coll. « Nouveaux classiques Larousse », Paris : Larousse. La première de ces
phrases (XXVII, 423) parle initialement, comme on sait, de l'amour de Dieu. La seconde (VII, 126, [93])
est originellement, chez Pascal : « La coutume est une seconde nature [...] ».
3. Wagner et Pinchon (1962, Grammaire du français classique et moderne, Paris : Hachette, 2e édition revue
et corrigée, §213. 2) citent en effet : On a souvent besoin d'un plus petit que soi avec la mention : « proverbe »,
alors que Dauzat (1958, с 1947, Grammaire raisonnée de la langue française, Lyon, Paris : IAC, 5e édition,
p. 262) le cite comme un aphorisme.
82 En toute chose il faut considérer la fin. (Le Renard et le bouc, III, 5)
II ne faut point /vendre la peau de l'ours qu'on ne l'ait mis par terre. (L'Ours et les deux compagnons, V, 20)
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. (Le Lièvre et l

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents