Quelques problèmes liés à la notion de sens littéral - article ; n°1 ; vol.129, pg 79-90
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Quelques problèmes liés à la notion de sens littéral - article ; n°1 ; vol.129, pg 79-90

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Description

Langue française - Année 2001 - Volume 129 - Numéro 1 - Pages 79-90
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. David E. Rumelhart
MME Christiane Marque-Pucheu
Quelques problèmes liés à la notion de sens littéral
In: Langue française. N°129, 2001. pp. 79-90.
Citer ce document / Cite this document :
Rumelhart David E., Marque-Pucheu Christiane. Quelques problèmes liés à la notion de sens littéral. In: Langue française.
N°129, 2001. pp. 79-90.
doi : 10.3406/lfr.2001.1019
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_2001_num_129_1_1019David E. Rumelhart
QUELQUES PROBLEMES LIES A LA NOTION
DE SENS LITTÉRAL1
Dans son article, le professeur Sadock fait ressortir un dilemme fondamental
de l'analyse sémantique telle qu'elle est pratiquée par de nombreux linguistes et
philosophes contemporains. L'approche adoptée par ces chercheurs repose sur
l'existence d'une distinction précise entre ce qu'un énoncé peut signifier (son sens
littéral) et ce qu'il sert ou peut servir à véhiculer. (Se reporter, par exemple, au cha
pitre de Searle, dans ce volume, qui met l'accent sur la distinction entre la « signi
fication d'une phrase » et la « signification d'un énoncé ».) Pour le linguiste
intéressé par la corrélation forme-sens ou pour le philosophe concerné par les
conditions de vérité des expressions, cette distinction peut s'avérer cruciale. Dans
les cas considérés, le problème consiste à bâtir une théorie de la signification litté
rale et à attribuer les significations véhiculées par ces énoncés à des processus
psychologiques non spécifiés et qui ne sont pas particuliers au langage. En tant
que psychologue, je suis attentif en premier lieu aux mécanismes grâce auxquels
les significations sont véhiculées. Quel que soit le rôle des « significations litté
rales » (telles qu'elles sont définies par ces linguistes et philosophes) dans la com
préhension du langage (c'est-à-dire dans la détermination de l'information que
contient un énoncé), la théorie psychologique doit se préoccuper des significa
tions véhiculées.
Se plaçant dans une perspective linguistique, Sadock fait une intéressante
comparaison entre ce qu'il appelle l'utilisation figurée du langage et l'utilisation
conventionnelle. Son analyse l'amène à conclure que le « conventionnel »
et le langage « figuré » ne constituent pas deux catégories bien définies d'énoncés
comme le supposent la plupart des théories du langage. Plus exactement, un
énoncé particulier peut être figuré ou conventionnel à des degrés divers. La
conventionalité et la figurativité 2 constituent les deux pôles d'une échelle. Les
énoncés purement figurés ou purement conventionnels sont rares, voire inexis
tants. Bien plus, il montre que les approches classiques de la sémantique exigent
une telle distinction ; elles sont toutefois incapables de fournir une base ration
nelle à cette distinction. De toute évidence, une nouvelle approche s'impose donc.
Il est intéressant de noter que l'on peut parvenir à une conclusion quelque
peu similaire en considérant le langage d'un point de vue psychologique. Je
1. « Some Problems with the Notion of Literal Meanings », in Metaphor and Thought, Ortony 1979. Traduit
par Christiane Marque-Pucheu. Je remercie I. Dieulesaint d'avoir accepté de relire cette traduction.
2. Respectivement conventionality et figurativity .
79 que la distinction entre langage littéral et langage métaphorique se soutiens
traduit rarement, voire jamais, par une modification qualitative des processus
psychologiques intervenant dans le traitement du langage 3. Je prétends qu'at
tribuer à un énoncé une signification littérale ou une signification métaphorique
est du même ordre que considérer un fragment de discours comme relevant d'un
niveau de langue soigné ou non. Ce type de jugement peut être fait avec fermeté,
mais rien n'indique qu'il s'agit de processus de compréhension fondamentale
ment différents.
Je suis arrivé à ces conclusions grâce à deux sortes de réflexions. D'abord, en
essayant de mettre au point des modèles psychologiquement plausibles de
compréhension du langage littéral, j'ai dû prendre en compte des mécanismes de suffisamment puissants pour l'interprétation tant du langage litté
ral que du langage métaphorique. En second lieu, les considérations théoriques
sur le processus d'acquisition du langage tout comme les observations empiriques
sur le langage des enfants tendent à montrer que loin d'être un aspect particulier
du qui ne se développerait peut être qu'après la maîtrise complète du lan
gage littéral, le langage figuré apparaît dès le début chez les enfants.
Compréhension du langage et métaphore
Je voudrais tout d'abord rapporter une observation caractéristique de l'util
isation que font les enfants du langage et en discuter. Examinons l'observation de
l'un de mes enfants, âgé de huit ans, faisant une remarque des plus ordinaires
tandis qu'un jour je conduisais sur l'autoroute avec ma femme et mes deux
enfants : « dis donc, maman, ma chaussette a une petite peau qui pend ». Ma
femme, tranquillement et sans faire le moindre commentaire, a répondu : « Ne
t'en fais pas. Je t'arrangerai ça en arrivant à la maison, » et le sujet fut oublié.
J'étais le seul des quatre à avoir remarqué quelque chose d'inhabituel dans cet
échange. Une nouvelle métaphore avait été inventée et comprise sans que les
principaux acteurs en aient eu le moins du monde conscience.
Cet usage libre et facile des mots d'une manière «non littérale» n'a rien
d'inhabituel, à mon avis. N'ayant rien de particulier, il n'attire aucune remarque.
Enfants et adultes produisent et interprètent constamment des énoncés méta
phoriques. Une étude logique de certains des problèmes d'acquisition du langage
et de la production des prétendues « erreurs sémantiques » des enfants autorise,
je pense, à évoquer le caractère naturel de ce processus. Tout d'abord, les enfants
ignorent évidemment le domaine d'application « correct » d'une unité lexicale
3. J'exclus ici les cas particulièrement obscurs où l'interprétation d'un fragment de discours n'est pas
immédiatement disponible pour notre entendement, mais requiert au contraire un raisonnement long —
s'étendant de quelques secondes à plusieurs années. Ce processus, que nécessite parfois la compréhens
ion d'utilisations figurées particulièrement obscures, a néanmoins sa contrepartie dans des utilisations
non figurées comme les mathématiques ou le discours scientifique. La compréhension parfaite de ce type
de discours peut requérir souvent des raisonnements relativement longs et donc mobiliser des stratégies
de compréhension qualitativement différentes.
80 particulière. Il est vraisemblable qu'ils apprennent une unité lexicale dans un
domaine de référence donné qui n'épuise aucunement l'ensemble des situations
de discours où le mot peut être utilisé de manière correcte. Dans ce domaine
d'application initial, certains des éléments caractéristiques de la situation d'uti
lisation peuvent s'avérer pertinents, d'autres non. Autrement dit, le processus
d'interprétation et de production du langage chez un jeune enfant qui n'est pas
totalement familiarisé avec le domaine d'application conventionnel d'un terme
consiste à rechercher une concordance entre les aspects de la situation actuelle et
le concept lexical le plus proche déjà connu. Souvent, cette utilisation sera
conforme à l'usage conventionnel du terme et l'enfant semblera donc utiliser
cette bribe de langage « au pied de la lettre ». Il appliquera tout aussi souvent de
manière non canonique des concepts et produira un discours qui apparaîtra
« non littéral » ou « métaphorique ». Ainsi, par exemple, si un enfant apprend le
terme « ouvert » dans une situation où il a la bouche ouverte, et qu'il est appliqué
à une porte ou à une fenêtre, il donnera tout simplement l'impression d'avoir
compris le terme. D'un autre côté, si l'enfant utilise le terme « ouvert » dans le
sens de « allumé » (par exemple, p

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