Réflexions sur la notion d exceptionnalité - article ; n°1 ; vol.37, pg 77-89
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1988 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 77-89
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 15
Langue Français

Extrait

Michèle Riot-Sarcey
Éléni Varikas
Réflexions sur la notion d'exceptionnalité
In: Les Cahiers du GRIF, N. 37-38, 1988. Le genre de l'histoire. pp. 77-89.
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Riot-Sarcey Michèle, Varikas Éléni. Réflexions sur la notion d'exceptionnalité. In: Les Cahiers du GRIF, N. 37-38, 1988. Le
genre de l'histoire. pp. 77-89.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1988_num_37_1_1756Réflexions sur la notion d'exceptionnalité
Michèle Riot-Sarcey, Eleni Varikas
Cet article a ses origines dans une réflexion commune que nous avons présentée
en 1984, dans le cadre du séminaire de Geneviève Fraisse, au Collège de
Philosophie et qui a par la suite débouché sur un article publié en janvier en 1986
dans la revue Praxis international K II s'agissait d'une analyse comparée de la
conscience féministe en France et en Grèce, du point de vue des femmes face à
l'exclusion sociale qu'elles subissaient au nom d'une différence élaborée pour
légitimer cette exclusion. Inspiré, en partie, des analyses concernant les groupes
parias, cet article présentait trois types de conscience féministe historiquement
développés :
a) - La conscience des "femmes exceptionnelles" pour laquelle la fin de
l'exclusion passe par l'assimilation aux valeurs dominantes qui excluent les femmes
au nom de leur différence méprisée.
b) * Le féminisme subversif pour lequel la fin de l'exclusion passe par une mise
en cause radicale de l'ensemble des valeurs sociales qui dénigrent la différence en
divisant les être humains en individus privilégiés et non privilégiés. -
c) - Le féminisme "du possible" qui inverse l'échelle hiérarchique des valeurs en
faisant de la différence attribuée aux femmes une source de supériorité.
Il s'agissait bien sûr de types idéaux qui, dans la réalité, pouvaient s'entrecroiser.
Mais nous pensions - et nous pensons toujours * qu'ils constituent des outils
d'analyse nécessaires pour la compréhension de certaines contradictions et impasses
qui traversent la conscience féministe dès son émergence. Ce travail, et en
particulier la catégorie de "femmes exceptionnelles", a provoqué des réactions et
des débats qui nous ont aidées à approfondir notre réflexion. C'est notamment un tel
débat que nous avons eu avec Christine Planté sur la notion d'"exceptionnalité", qui
constitua le point de départ de notre travail commun sur les biographies croisées. Ce
qui ne veut pas dire que nos différences se sont effacées mais qu'au contraire la
discussion continue dans le travail collectif. Les deux articles présentés ici
fournissent quelques éléments de ce débat.
Comme la plupart des objections adressées à notre problématique de la "femme
exceptionnelle", étaient liées à la polysémie de la notion d'exceptionnalité, qui prête
à plus d'un usage et d'une interprétation, il nous paraît indispensable pour mieux 77 définir notre démarche, de commencer par un bref examen des divers contenus de
cette notion et des diverses implications politiques et épistémologiques qui en
découlent.
La notion dVexceptionnalité"
excepter : ne pas comprendre dans (. . .) V. Négliger, Oublier.
d'exception : en dehors de ce qui est courant.
Petit Robert
La signification la plus courante du terme d'exceptionnel renvoie, tout d'abord, à
la transgression d'une règle conçue et imposée par une structure sociale patriarcale :
la règle de l'infériorité des femmes ou en tous cas de leur différence fondamentale
par rapport aux hommes, qui circonscrit leurs comportements, leurs besoins, leurs
champs d'action à l'intérieur d'un périmètre défini par les hommes. Toute femme qui
n'accepte pas de se soumettre à cette règle ou en tous cas qui la dément par sa
valeur, sa créativité, son projet singulier ou ses actes est au regard de la société,
exceptionnelle aussi bien pour ses contemporains que pour la postérité. Travailler
avec cette notion d'exceptionnalité risque, donc, de reproduire la vision des
vainqueurs qui ont réduit, jusqu'à présent les expériences historiques des femmes à
une féminité normative ou essentialiste en dehors de laquelle il n'y a qu'anomalie et
transgression de l'ordre naturel. Ce risque existe même quand la norme se veut
fondée sur une représentativité "sociologique". Car très souvent ce qui est
"représentatif', c'est-à-dire ce que, d'après nos connaissances, faisaient "toutes les
femmes", c'est ce qui a été relevé par le même regard normatif, à l'exclusion de tout
ce qu'on ignore, de tout ce qui n'a pas pu percer l'opacité qui couvre l'existence
passée des vaincu(e)s *. Ce danger a déjà été relevé dans les premières anthologies
féministes de réflexion historique qui affirmaient la nécessité d'approcher les "cas
isolés" des femmes non pas comme des exceptions mais comme des "sommets
visibles de l'iceberg ' . Car après tout, non seulement nos quatre femmes, mais
toutes les femmes dont on peut faire l'histoire sont des cas isolés d'une grande
majorité sans voix. Enfin, adopter ce schéma de norme-exception mine d'emblée la
réflexion biographique puisqu'il suppose pour résolu un des ses problèmes centraux,
c'est à dire la dialectique entre l'unique et le généralisable, le singulier et l'universel.
Refuser d'évaluer les itinéraires féminins à partir d'une norme d'existence des
femmes, c'est aborder celles-ci en tant que sujets potentiels, c'est partir de
l'hypothèse qu'elles n'ont pas fait que se plier passivement aux contraintes de leur
78 oppression de genre. Mais ceci n'annule pas le fait que cette oppression est d'ordre qu'elle constitue un système social. Et justement parce qu'elle fiait système, général,
l'exclusion des femmes ne peut être rompue de manière socialement acceptable
qu'individuellement, à titre d'exception qui, pour ne pas déstabiliser les statu-quo,
doit permettre de confirmer la règle de l'exclusion des femmes en tant que genre.
Cela, par ailleurs, ne concerne pas que les femmes mais tous les groupes sociaux
systématiquement discriminés au nom de leur différence, comme on peut le voir
dans l'analyse pertinente de H. Arendt sur l'antisémitisme ? . Cette dimension
d'exceptionnalité ne renvoie plus à une norme de féminité liée à une quelconque
essence biologique ou psychologique ; elle renvoie à une règle qui régit la position
objective des femmes dans la société, une règle qui fait d'elles un genre (c'est-à-dire
un groupe social) opprimé. C'est à dire à un aspect central du cadre obligé dans
lequel les femmes peuvent s'affirmer comme sujets en réalisant certaines des
possibilités qui leur sont ouvertes. Penser l'exception dans ce sens, c'est aussi mieux
comprendre la normativité d'un comportement féminin, afin de confronter
l'élaboration des valeurs et les attitudes qu'elles suscitent Ce qui permet d'historiser
un rapport d'ordre social, considéré jusqu'alors comme une donnée d'ordre naturel.
Ignorer ou minimiser cet aspect dans le travail biographique et historique c'est, à
notre avis, se priver des moyens de comprendre toute une partie de la dialectique
entre "donné" et "vécu" qui façonne les expériences historiques de femmes sur
lesquelles on travaille.
L'exceptionnalité subjectivement vécue
exception : ce qui est en dehors du général, du commun. V. anomalie, singularité.
Petit Robert
Si d'un point de vue objectif, l'exceptionnalité n'est qu'un attribut normatif de
classification de l'inclassable ou de justification d'une admission sélective qui
garantie l'exclusion, les manières dont cet attribut façonne la subjectivité des
femmes devrait constituer une interrogation du travail biographique et historique.
Car le fait que toute femme qui ne correspond pas à la norme, ou qui ne reste pas à
"sa place", soit qualifiée ne peut qu'influer sur l'image qu'elle a d'elle-m

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