Le symbolisme du cerf et du centaure à la Porte Rouge de Notre-Dame de Paris - article ; n°1 ; vol.21, pg 451-498
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Le symbolisme du cerf et du centaure à la Porte Rouge de Notre-Dame de Paris - article ; n°1 ; vol.21, pg 451-498

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Description

Publications de l'École française de Rome - Année 1974 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 451-498
48 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 186
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Le symbolisme du cerf et du centaure à la Porte Rouge de
Notre-Dame de Paris
In: Idéologie et plastique. Rome : École Française de Rome, 1974. pp. 451-498. (Publications de l'École française
de Rome, 21)
Citer ce document / Cite this document :
Bayet Jean.Le symbolisme du cerf et du centaure à la Porte Rouge de Notre-Dame de Paris. In: Idéologie et plastique. Rome :
École Française de Rome, 1974. pp. 451-498. (Publications de l'École française de Rome, 21)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1974_ant_21_1_1651LE SYMBOLISME DU CERF ET DU CENTAURE
A LA PORTE ROUGE
DE NOTRE-DAME DE PARIS*
La Porte Rouge, qui ouvre au Nord sur le chœur de
Notre-Dame de Paris, est de peu postérieure à la moitié du
xine siècle. Les soubassements des piédroits et des ébrase-
ments en ont été sculptés, avec une exquise délicatesse, de
figures incluses en des losanges perlés et disposées en quin
conces sur cinq registres. L'apparence générale est celle de la
broderie, ou mieux du travail de l'ivoire. A ne considérer que
le soubassement Est, le rapprochement s'impose avec les
figurines alignées au bas du grand portail de la cathédrale
de Sens, avec les quatrefeuilles fantaisistes du portail des
Libraires à Rouen ou de la cathédrale de Lyon : des animaux
réels ou fantastiques (âne, porc, autruche, pélican) s'entremê
lent à des· figures fabuleuses (Sirène, dragons divers), sans aucun
ordre apparent. Il en est autrement du soubassement Ouest.
Sous de petits écoinçons à têtes de boucs (?) déformées de
façon ornementale, le premier registre, celui du haut, aligne
six cerfs dans les attitudes les plus vraies et les plus variées
— l'animal (de droite à gauche) repose, broute, court dans
la forêt, s'avance en dressant la tête, boit, frotte ses bois à un
arbre. Sous ces figures, autant de Centaures, tous semblables,
cheminent en sens inverse, vers la droite, mais retournent le
torse pour tendre leur arc vers le haut : les flèches visent les
cerfs des médaillons supérieurs1. Au troisième registre se
1. Une sorte de schéma primitif (antérieur d'un siècle) de ce groupement
se voit en haut d'une colonne à droite de la porte de la salle capitulaire, au cloître
de Saint-Aubin, à Angers : deux cerfs buvant, et, au-dessous, deux Centaures
* Paru dans R i, |9Γ>1. II.
14511 REVUE ARCHÉOLOGIQUE 22
voient des dragons bipèdes, ailés, sortes d'oiseaux-serpents.
Au quatrième, des monstres quadrupèdes composites, griffus,
à grandes oreilles pointues, s'affrontent de leurs gueules
méchantes. Au cinquième, des dracones aptères rampent sur
leurs deux courtes pattes. Chacun de ces types monstrueux est
arrêté dans les mêmes lignes, quasi héraldiques, à l'inverse des
cerfs du registre supérieur. Enfin, dans les angles des losanges
que coupe la verticalité du cadre, passent presque inaperçues
des sortes de « Kobolds » à corps de chiens et têtes simiesques
surmontées d'une crête ou d'un bonnet pointu (fig. 1 et 2).
Un double contraste s'impose donc entre ce soubassement
et celui de l'Est : autant ce dernier, en son désordre fantais
iste, décourage une interprétation cohérente, autant celui des
cerfs et des Centaures apparaît ordonné et voulu, au prix
même d'une certaine rigueur monotone. Et si, à l'Est, les
formes monstrueuses tendent à dominer dans les registres
inférieurs, elles ne le font qu'après s'être mêlées à celles des
animaux familiers et sans imposer l'évidence d'une degression
morphologique, affirmée (avec une lucidité didactique) d'un
étage à l'autre du panneau de l'Ouest.
De là, l'hypothèse d'un sens symbolique pour V ensemble
de ses représentations. Car si l'on examinait chaque figure
séparément, il va de soi qu'on n'aurait aucun moyen de s'ins
crire en faux contre le scepticisme des non-symbolistes :
dragons divers, Centaures et cerfs apparaissent trop souvent
dans les sculptures de nos églises avec une valeur purement
ornementale ; et, depuis les invectives de saint Bernard1
jusqu'à la Renaissance, leur prestige décoratif suffit à justifier
ces représentations2.
se retournant pour tirer : mais leurs flèches sont horizontales ; la liaison n'existe
pas entre les deux registres.
1. « A quoi bon ces monstres ridicules, ces belles horreurs et ces horribles
beautés ? à quoi bon ces lions farouches ? ces Centaures monstrueux ? ces êtres
demi-humains ?... » Que de merveilles plastiques du xne siècle condamnées par
ces mots !
2. Fréquents sur des ivoires byzantins, chaire de Saint-Pierre ou coffrets
(cf. Jean Colin, dans Cahisrs archéologiques, II, 1947, p. 111-112 et pi. XIV, 3),
les Centaures décoratifs sont innombrables sur les chapiteaux romans (en Auvergne,
[452] LE SYMBOLISME DU CERF ET DU CENTAURE 23
Fig. 1. — Soubassement Ouest de la Porte-Rouge à Notre-Dame de Paris.
[453] 24 REVUE ARCHEOLOGIQUE
Les motifs de tapisserie coptes, les médaillons tissés dans
les tissus byzantins et persans ont pu inspirer les sculpteurs ;
leur influence est encore plus sensible sur les tissus brodés à
figures d'animaux en des cercles, des losanges ou des rinceaux,
tels qu'on en voit représentés sur les pierres tombales1 ou
dans la statuaire des églises, dont on possède môme quelques
mmtü
Panneau d'ébrasement Noire-Dame du de même Paris, soubassement fig. G. photo Soudez,
à Saint-Trophime d'Arles, Saint-Fortunat de Charlieu, Cunault, X'ailly, Saint-
André-le-Bas de Vienne, etc.), mais aussi sur des portes de bois ou de bronze
(Cliamalières-sur-Loire, dôme d'Augsbourg, cathédrale de Gniezno près Poznan),
des pavages (Ganagobie), comme éléments ornementaux au pied du « Candélabre
de Saint-Rémi » de Heims, et aux colonnettes du portail royal de Chartres, dans
des scènes humoristiques aux portails de la Calende et des Libraires à Rouen.
Les cerfs libres ou affrontés sont moins fréquents et peuvent dériver de repré
sentations symboliques (voir plus bas), mais de sens négligé : certains ne retiennent,
à coup sûr, aucune signification chrétienne (par exemple, au plafond gothique
de la rue Sauvrerie, conservé au Musée Cahet d'Avignon : xvc siècle ; ou à celui
du chateau d'Oiron).
1. Par exemple celle, fort belle, d'un chanoine de Nojon (mort en 1330) :
dans la cour de l'École des Beaux-Arts, à Paris.
[154] LE SYMBOLISME DU CERF ET DU CENTAURE 25
spécimens1. La parenté stylistique de nos reliefs avec ces
figurations pourrait entraîner un doute de principe sur la
cohérence des motifs dont chacun est matériellement isolé des
autres par le cordon perlé. Mais ce doute serait hypercritique.
Nous voyons des monuments où, sans la moindre ambig
uïté, une même scène dramatique est répartie entre plusieurs
médaillons de ce genre : Abraham et Isaac sur une mosaïque
romane de pavement à Reims2, la chasse du cerf par le Cen
taure au soubassement du portail de Saint-Gilles du Gard3, par
exemple.
Dans ces conditions, un essai d'interprétation symbolique
globale de ce soubassement n'est pas exclu, même si chacune
des figures peut avoir à l'occasion valeur purement ornement
ale. Mais, bien entendu, sous des conditions méthodolog
iques très strictes : qu'il n'y ait point d'élément particulier
qui échappe à la cohérence de l'ensemble ; que le sens proposé
soit celui d'un drame théologique, puisque ainsi le suggère la
jonction des deux registres supérieurs ; que les références
monumentales s'appuient de textes doctrinaux qui nous rap
prochent suffisamment du milieu parisien et de la date de la
Porte Rouge. La liaison lolale est condition primordiale de
vraisemblance.
* * *
Le symbolisme chrétien du Cerf a été abondamment
étudié, en dernier lieu et de façon très poussée en un mémoire
de M. H.-Ch. Puech4, auquel il suffit de renvoyer, sous réserve
de quelques compléments.
1. Par exemple, la dalmatique de la cathédrale d'Halberstadt (du deuxième
quart du xme siècle), où cerfs et Centaures sagittaires alternent de part et d'autre
de la ligne médiane : voir H. Th. Bossert, Gesch. des Kunstgewerbes aller Zeiten
und Völker, V (Berlin, 1932), p. 3

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