Les portraits du Prophète Mahomet à Byzance et ailleurs - article ; n°4 ; vol.146, pg 1431-1445
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 2002 - Volume 146 - Numéro 4 - Pages 1431-1445
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

Monsieur Oleg Grabar
Les portraits du Prophète Mahomet à Byzance et ailleurs
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 146e année, N. 4, 2002. pp.
1431-1445.
Citer ce document / Cite this document :
Grabar Oleg. Les portraits du Prophète Mahomet à Byzance et ailleurs. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 146e année, N. 4, 2002. pp. 1431-1445.
doi : 10.3406/crai.2002.22530
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_2002_num_146_4_22530COMMUNICATION
LES PORTRAITS DU PROPHÈTE MAHOMET
À RYZANCE ET AILLEURS,
PAR M. OLEG GRABAR, CORRESPONDANT ÉTRANGER DE L'ACADÉMIE
Les historiens de l'art ou de la culture islamiques ont rarement
prêté attention à des récits, en arabe et éventuellement en persan,
d'origine pieuse plutôt qu'historique, qui, dès le Xe siècle (mais je
reviendrai sur la date), mentionnent l'existence de portraits du
prophète Mahomet aussi bien que de Jésus et de diverses figures
de l'Ancien Testament. Ces portraits auraient existé à Byzance (et,
comme nous le verrons, ailleurs) à l'époque de l'empereur Héra-
clius qui régna de 610 à 641. Son règne coïncida avec la vie du
Prophète, mort en 632, et la conquête par l'Islam de ce que nous
appelons aujourd'hui le Proche-Orient. Si l'on pense à l'attitude
traditionnelle de l'Islam à l'égard des représentations, surtout à
caractère religieux, ces récits sont pour le moins surprenants et
demandent une explication.
Il y a plus de quarante ans, Muhammad Hamidullah avait
présenté et traduit en français un de ces textes. Son point de vue
était celui d'un historien des relations diplomatiques qui cher
chait à distinguer les faits des fables dans les contacts qui auraient
existé entre le Prophète et les souverains du monde qui allait
devenir musulman1. Il était également préoccupé par des ques
tions plus vastes liées à l'universalité de l'Islam à ses débuts et à la
reconnaissance ou le rejet de l'Islam par les Gens du Livre, les
Juifs et les Chrétiens. Mais il ne s'était soucié ni de l'intérêt de ces
récits pour l'histoire des formes ni de leurs origines. Plus récem
ment, Priscilla Soucek mentionna un de ces textes dans son étude
sur les représentations du Prophète dans les manuscrits persans
1. M. Hamidullah, « Une ambassade du Caliphe Abu Bakr auprès de l'Empereur
Héraclius et le Livre Byzantin de la Prédication des destinées », Folia Orientalia 2 (1960),
p. 29-42. M. Documents sur la Diplomatie Musulmane à l'époque du Prophète et
des khalifes orthodoxes, Paris, 1935 ; M. Hamidullah, « La Lettre du Prophète à Héraclius et
le sort de l'original », Arabica 2 (1955) ; S. Al-Jaburi, « The Prophet's Letter to the
Byzantine Emperor Héraclius »,HamdardIslamicus (1978) ; L. Pouzet, « Le hadith d'Héra-
clius », in P. Canivet et J.-P. Rev-Coquais, La Syrie de Byzance à l'Islam, 1992, Damas,
p. 59-65. 1432 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
des XIIIe et XIVe siècles2 et, tout à fait récemment, David Roxburgh
s'est penché sur une version persane de notre récit qui tourne
autour du sunduq al-shahadah (la malle du témoignage) des crit
iques et historiens des arts persans du XVIe siècle3. Ni l'un ni l'autre
de ces savants ne s'est occupé de l'époque de l'apparition de ces
récits, ni de leur intérêt pour l'histoire culturelle du Moyen Age4.
Commençons avec un long extrait d'un ouvrage intitulé Dalâ 'ïl
al-Nubuwwah [Preuves ou Signes de Prophétie) et rédigé par Abu
Bakr Ahmad b. Al-Husayn al-Bayhaqi. C'était un savant de l'école
shafi'fte, collectionneur de hadïth, ces Traditions sur la vie du
Prophète qui, avec le Coran, constituent la source principale du
droit musulman. Al-Bayhaqi était né au Khorasan en Iran du
Nord-Est, vécut quelque temps à La Mecque, et mourut à Nisha-
pur en 10435. L'objectif principal de son ouvrage est de décrire ce
que l'on a appelé la personne prophétique de Mahomet6, à savoir
l'ensemble de caractéristiques physiques et morales qui justifient
sa mission. Un des chapitres du livre s'intitule « Ce que l'on sait de
l'image (sûrah) du Prophète aussi bien que des images des prophèt
es qui le précédèrent en Syrie »7. Ce chapitre suit une longue
description des particularités physiques du Prophète, de la
manière dont il s'habillait et de ses habitudes de comportement, et
précède un chapitre relativement court sur le Prophète et les deux
testaments, juif et chrétien. Un texte presque identique se trouve
au début d'un ouvrage avec le même titre composé par un contem
porain de Bayhaqi, Abu Nu'aym al-Isfahani, qui mourut en 10588.
Notre récit y est inclus dans une section du livre ayant trait aux
signes prophétiques associées à Adam. Le fait que le même récit
se trouve dans des sections entièrement différentes de deux
ouvrages contemporains sur le même sujet me semble indiquer
2. P. Soucek, « The Life of the Prophet », in P. Soucek (éd.), Content and Context ofthe
Visual Arts in the Islamic World, University Park, 1988.
3. D. J. Roxburgh, Prefacing the Image, the Writing ofArtHistory in sixteenth centurylran,
Leyden, 2001, p. 170 sqq.
4. Les remarques qui suivent sont le résultat d'un effort collectif de recherches
poursuivies en collaboration avec Mell<1 Mika Natif, étudiante en histoire de l'art à New
York University.
5. C. Brockelmann, Geschichte der Arabischen Literatur, Leyden, 1937-42, 1, p. 446-447 ;
Supplément I, p. 618-619 ; F. Sezgin, Geschichte der Arabischen Schriftums, Leyden, 1967,
p. 289.
6. U. Rubin, The Eye ofthe Beholder, Princeton, 1995, p. 16.
7. Al-Bayhaqi, Dalaïl al-Nubuwwah, Abd al-Mu'ti Qala'iji (éd.), Beyrouth, 1985, I,
p. 384-391.
8. Abu Nu'aym al-Isfahani, Dalaïl al-Nubuwwah, M. AI-Qala'iji (éd.), Damas, 1970,
p. 55-64. Les deux textes ne sont pas identiques, mais suffisamment rapprochés pour
impliquer une même source ;voirA.-M. Schimmel, And Muhammad is /lis Prophet, Chapel
Hill, 1985, p. 32-34, et A. S. Asani, Celebrating Muhammad, Images ofthe Prophet in Popular
MuslimPiety, Columbia, S.C., 1995, p. 64-65. PORTRAITS DU PROPHÈTE MAHOMET 1433 LES
que le récit était relativement nouveau au XIe siècle, tout au moins
dans la littérature pieuse, car il n'avait pas trouvé une place
légitime dans une structure narrative en général relativement fixe.
Al-Bayhaqi offre en fait deux récits comprenant des images du
Prophète. Le premier remonte, par une longue chaîne de trans
mission, à un contemporain du Prophète qui commerçait dans la
région du Busra en Syrie du Sud. Là, un groupe de chrétiens qui
avaient entendu parler d'un prophète en Arabie, le prennent par
la main et l'emmènent dans un monastère {dayr) avec des sculp
tures (tamathil) et des peintures [suwar). Ils lui demandèrent s'il
reconnaissait le Prophète parmi les personnages représentés. Il
répondit que non. Ils l'emmenèrent alors dans un deuxième
monastère, bien plus grand et avec des peintures et des sculptures
encore plus nombreuses. Ils lui demandèrent une fois de plus s'il
y voyait une image du Prophète et, comme il le raconte lui-même :
« Je me trouvais en présence de l'apparence (safah) du Prophète
de Dieu et de son image (sûrah) et je me trouvais aussi en présence
de l'apparence et de l'image d'Abu Bakr [il s'agit du premier calife
ou successeur du Prophète], debout à côté du Prophète de Dieu. »
Un autre marchand de La Mecque aurait vu des peintures dans
une maison privée imanziï) dont l'une représentait le Prophète.9
Je ne reviendrai pas sur ces peintures à l'intérieur de maisons
ou de monastères. Elles se rattachent, me semble-t-il, à des
récits -types de la découverte inopinée de portraits ou autres
images gardés secrets jusqu'à la réalisation de ce qu'ils dépeignent
et donc prédisent. Il peut s'agir d'un changement politique
comme la conquête par les Arabes de la péninsule ibérique
prédite, d'après la légende musulmane, par des portraits que le roi

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