Rituels de méditation et représentations plastiques de divinités indiennes à l époque médiévale - article ; n°2 ; vol.148, pg 1031-1044
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Rituels de méditation et représentations plastiques de divinités indiennes à l'époque médiévale - article ; n°2 ; vol.148, pg 1031-1044

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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 2004 - Volume 148 - Numéro 2 - Pages 1031-1044
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dominic Goodall
Rituels de méditation et représentations plastiques de divinités
indiennes à l'époque médiévale
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 148e année, N. 2, 2004. pp.
1031-1044.
Citer ce document / Cite this document :
Goodall Dominic. Rituels de méditation et représentations plastiques de divinités indiennes à l'époque médiévale. In: Comptes-
rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 148e année, N. 2, 2004. pp. 1031-1044.
doi : 10.3406/crai.2004.22761
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_2004_num_148_2_22761COMMUNICATION
RITUELS DE MÉDITATION ET REPRÉSENTATIONS PLASTIQUES
DE DIVINITÉS INDIENNES À L'ÉPOQUE MÉDIÉVALE1,
PAR M. DOMINIC GOODALL
Un visiteur occidental, contemplant pour la première fois la
profusion des figures qui recouvrent les murs d'un temple indien,
comprendra, s'il les compare aux représentations d'une église
médiévale, qu'il s'agit de représenter dans la pierre la riche
mythologie indienne. Mais j'aimerais parler aujourd'hui de repré
sentations qui ont peu de parallèles dans la tradition occidentale.
Elles ne sont pas, en effet, narratives et, souvent, leur iconogra
phie complexe ne fait pas même allusion à un mythe quelconque.
Je ne tenterai ni d'expliquer ni de dater l'émergence bien avant
nos premiers textes tantriques de ces figures à têtes et bras mult
iples. Cependant il me paraît évident que plusieurs représentat
ions plastiques des divinités, et surtout les représentations non
narratives, doivent être situées dans le contexte d'une tradition
typiquement tantrique de prière, où l'on visualise en esprit la
divinité à laquelle on s'adresse, installée sur un trône. Ce trône
prend souvent la forme d'un lotus et la divinité peut être
entourée par une cour de divinités subordonnées, rangées en
cercles concentriques sur leur propres trônes ou véhicules.
Tout d'abord, une remarque sur nos sources : deux projets ont,
récemment, profondément modifié le paysage des études tan
triques. Le premier de ces projets est le Nepal-German Manus-
cript Préservation Project, qui, pendant une trentaine d'années,
depuis Hambourg, Berlin et Katmandou, a fait réaliser les microf
ilms des milliers de manuscrits conservés au Népal. M. Jean
Filliozat est l'initiateur du second projet, qu'accueillent toujours
les centres de recherche français de Pondichéry : l'effort de
1. Je remercie M. Pierre-Sylvain Filliozat de m'avoir invité à faire cette présentation et
de m'avoir fait bénéficier de ses suggestions et corrections. Je souhaite remercier aussi tous
les collègues qui m'ont aidé, en particulier Mme Charlotte Schmid. COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 1032
collecte et d'étude des manuscrits sud-indiens de textes shivaïtes.
C'est - me semble-t-il - aux scientifiques participant à de tels
projets que nous devons de pouvoir aujourd'hui contempler un
ensemble important de textes tantriques apparentés, et cela pour
la première fois sans doute depuis plus de six siècles.
Shivaïte ou vishnouïte, d'obédience tantrique ou smârta, tout
brahmane lettré de l'Inde du Sud connaît aujourd'hui le vers
suivant (fig. 1) :
muktàvidrumahemariîladhavalacchâyair mukhais trïksanair
yuktâm indunibaddharatnamukutâm tattvâtmavarnàtmikâm
sâvitrïm varadâbhayânkusakasâh subhram kapàlam gunam
sankham cakram athàravindayugalam hastair vahantïm bhaje.
« Je vénère Sàvitrî, déesse aux cinq visages à trois yeux, de couleur
perle, corail, or, noire et blanche, dont la tiare, incrustée de joyaux,
soutient le croissant de la lune, dont les vingt-quatre phonèmes sont
les éléments qui constituent l'univers, dont les dix mains présentent
le geste qui octroie et le geste de l'absence de crainte, le croc à élé
phants, le lacet, la calotte crânienne blanche, le trident2, la conque, le
disque et une paire de lotus. »
Ce vers est un exemple tiré de la vaste littérature des dhyâna-
sloka, ces versets mnémotechniques qui rappellent comment il
faut visualiser telle ou telle divinité. Les circonstances de l'utilisa
tion d'une stance de ce genre varient aujourd'hui, selon l'identité
religieuse de la personne. Certains les récitent tous les jours, de
mémoire, mais sans en connaître le sens. Très peu savent qu'elle
vient d'un texte tantrique shivaïte, le Éàradàtilaka (21.15), datant,
probablement, du Xe siècle3.
Et pourtant, certains éléments de ce vers signalent clairement
sa provenance tantrique, comme j'espère pouvoir vous le
montrer aujourd'hui.
Voir - ce qui peut avoir le sens de visualiser en son esprit - la
divinité installée sur un trône devient l'une des parties inté
grantes du phénomène de la prière tantrique. Ce trône prend
souvent la forme d'un lotus et la divinité peut être entourée par
2. Pour cette traduction de gunam, voir G. Bùhnemann, The Iconography of Hindu
Tantric Deities, Volume II, The Panthéons of the Prapahcasâra and the Éàradàtilaka, Gro-
ningue, 2001, p. 105, n. 348. Dans toutes les images populaires que je connais, cet attribut est
remplacé par une massue, et le texte, s'il est cité à coté de l'image, comporte la variante
gadâm.
3. J'ai suivi G. Biihnemann {op. cit. n. précédente) pour le texte cité (p. 283) ainsi que
pour sa datation (p. 4 et 148). RITUELS ET REPRÉSENTATIONS DE DIVINITÉS INDIENNES 1033
Fig. 1. - Représentation populaire de la déesse Gayatrî. Des images de ce type
s'achètent dans de nombreux temples en Inde du Sud.
une cour de divinités subordonnées, rangées en cercles concent
riques sur leur propres trônes ou véhicules.
On retrouve l'importance de la vision, intégrée dans le pr
ogramme rituel de la journée, non seulement dans la vénération
mentale et intérieure de la divinité principale d'un culte, mais
aussi lors de la vénération externe de la divinité résidant dans une
idole ou un autre objet. Une telle conception de la prière a même
coloré d'autres actes religieux : les visualisations élaborées des
trois jonctions de la journée sous forme de déesses ont été incor
porées, à l'aube, à midi et au crépuscule dans le rite ancien de
vénération du soleil.
Cette notion de prière, un acte mental ritualisé de visualisa
tion, semble répandue dans toutes les traditions théistes du sous-
continent indien. Mais je la qualifie de tantrique puisqu'elle
trouve son expression la plus développée dans la pratique des
traditions tantriques, c'est-à-dire dans les cultes de divinités
hindoues, ou autres, selon les enseignements du vaste corpus de .
1034 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
textes qu'on appelle les tantra. Les plus anciens de ces textes
datent, au plus tard, du VIe siècle ap. J.-C.4. S'ils s'adressent en
général à un nombre très restreint de religieux spécialisés, ils
semblent avoir pourtant influencé en profondeur tous les mouve
ments religieux indiens.
Il est peut-être utile de souligner la particularité de cette praxis
indienne. Le phénomène des visions se rencontre partout, bien
sûr aussi dans les traditions chrétiennes de l'Occident, et peut-
être la tradition de la prière en Occident aurait-elle pu déve
lopper des pratiques de visualisation, en suivant, par exemple, le
modèle des visions de l'Apocalypse ou celui de la vision du Dieu
sur son trône fabuleux qu'on trouve au début du livre du
prophète Ezéchiel ; mais, à ma connaissance, la visualisation n'a
guère été encouragée comme moyen de prière régulier. La
contemplation des épisodes de la vie de Jésus-Christ, et plus par
ticulièrement du chemin de Croix, fait exception, mais le dérou
lement narratif doit, en l'occurrence, permettre de se trouver en
empathie avec les protagonistes.
Le courant shivaïte est, de tous les courants tantriques, celui
pour lequel nous disposons de la tradition littéraire la plus
étendue. Et l'école religieuse du

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