Émile Durkheim (1928)
Le
socialisme
sa définition – ses débuts
– la doctrine saint-simonienne
Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
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Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque
Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htmÉmile Durkheim (1928), Le socialisme : sa définition – ses débuts – la doctrine saint-simonienne 2
Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, professeur de
sociologie au Cégep de Chicoutimi
Le 15 février 2002
à partir de :
Émile DURKHEIM (1928)
Le socialisme. Sa définition - Ses débuts - La doctrine Saint-Simonienne (1928)
Une édition électronique réalisée à partir du livre d’Émile Durkheim, Le
socialisme. Sa définition – Ses débuts – La doctrine Saint-Simonienne.
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LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’)Émile Durkheim (1928), Le socialisme : sa définition – ses débuts – la doctrine saint-simonienne 3
Table des matières
INTRODUCTION, par Marcel MAUSS
LIVRE PREMIER : DÉFINITION ET ORIGINES DU SOCIALISME
CHAPITRE I. Définition du socialisme
Leçon 1
Leçon 2
CHAPITRE II. Socialisme et communisme
Leçon 2 (fin)
Leçon 3
CHAPITRE III. Le socialisme au XVIIIe Siècle
Leçon 3 (fin)
Leçon 4
CHAPITRE IV. Sismondi
Leçon 5
LIVRE DEUXIÈME : SAINT-SIMON, SA DOCTRINE : L'ÉCOLE SAINT-
SIMONIENNE
CHAPITRE V. Saint-Simon. Vie et oeuvres
Leçon 5 (fin)
Leçon 6
CHAPITRE VI. La doctrine de Saint-Simon. Fondation du positivisme
Leçon 6 (fin)
Leçon 7
CHAPITRE VII. La doctrine de Saint-Simon (suite). - Origines historiques du système
industriel
Leçon 7 (fin)
Leçon 8Émile Durkheim (1928), Le socialisme : sa définition – ses débuts – la doctrine saint-simonienne 4
CHAPITRE VIII. La doctrine de Saint-Simon (suite). - Organisation du système industriel
Leçon 8 (fin)
Leçon 9
Leçon 10
CHAPITRE IX. La doctrine de Saint-Simon (fin). - L'internationalisme et la religion
Leçon 11
Leçon 12
CHAPITRE X. Saint-Simon (fin). - Conclusions critiques
Leçon 12 (fin)
CHAPITRE XI. L'École saint-simonienne. - Conclusions critiques du cours
Leçon 13
Leçon 14
CONCLUSIONS DU COURSÉmile Durkheim (1928), Le socialisme : sa définition – ses débuts – la doctrine saint-simonienne 5
Une édition électronique produite à partir de l’ouvrage d’Émile Durkheim (1928)
intitulé :
ÉMILE DURKHEIM
LE SOCIALISME
SA DÉFINITION - SES DÉBUTS
LA DOCTRINE SAINT-SIMONIENNE
INTRODUCTION DE MARCEL MAUSSÅ
Émile Durkheim (1928), Le socialisme : sa définition – ses débuts – la doctrine saint-simonienne 6
INTRODUCTION
.
Ce livre est le début d'une oeuvre qui n'a jamais été terminée. C'est la première partie
d'une Histoire du socialisme, rédigée sous la forme de leçons. Le cours a été professé à
Bordeaux, à la Faculté des Lettres, de novembre 1895 à mai 1896.
Voici la place que ce travail occupe dans l’œuvre et dans la pensée de Durkheim.
On sait de quels problèmes il est parti. C'est dès ses années d'École Normale, par
vocation, et dans un milieu animé de vouloir politique et moral, d'accord avec Jaurès et avec
son autre camarade Hommay (mort en 1886), qu'il se consacra à l'étude de la question
sociale. Il la posait alors assez abstraitement et philosophiquement, sous le titre : Rapports de
l'individualisme et du socialisme. En 1883, il avait précisé ; et c'étaient les rapports de
l'individu et de la société qui devinrent son sujet. C'est alors qu'il parvint, par une analyse
progressive de sa pensée et des faits, entre le premier plan de sa Division du travail social
(1884) et la première rédaction (1886), à s'apercevoir que la solution du problème appartenait
à une science nouvelle : la sociologie. Celle-ci était alors bien peu en vogue, surtout en
France où les excès des derniers comtistes l'avaient ridiculisée. De plus, elle était loin d'être
constituée. Car Comte, Spencer et même Espinas, et même les Allemands Schaeffle et Wundt
n'en avaient donné que des philosophies. Durkheim entreprit cette oeuvre : lui donner une
méthode et un corps.
L'étude du socialisme fut donc interrompue. Cette tâche de méditation et d'érudition
aboutit à la rédaction définitive (1888 à 1893) de La division du travail, au cours sur Le
suicide (1889-1890), au cours sur La famille (1888-1889), (1891-1893), à celui sur La
religion (1894-1895). C'était toute la sociologie que Durkheim édifiait (Les règles de la
méthode, 1896 ; Le suicide, 1897). La pensée de Durkheim avait pris sa forme définitive.
Une science à fonder avait absorbé naturellement ses forces. Mais il ne perdait pas de vue
son point de départ.
Les questions sociales restaient au fond de ses préoccupations. La division du travail, Le
suicide ont des conclusions morales, politiques et économiques sur le groupe professionnel.
Le cours sur La famille se termina par une leçon (publiée dans la Revue philosophique de
1920) où il montre qu'il faut déférer au groupe professionnel une partie des anciens droits
politiques et de propriété qu'avaient les groupes domestiques, si l'on veut que l'individu ne
soit pas seul en face de l'État et ne vive pas dans une sorte d'alternative entre l'anarchie et la
servitude. Le présent cours, le cours sur L'éducation morale (publié en 1925) reviennent sur
la même idée maîtresse de l’œuvre proprement morale et politique de Durkheim. Il a encore
repris cette question dans sa Morale civique et professionnelle (partie du cours de
Physiologie du droit et des mœurs) que nous pensons publier après cet ouvrage.Émile Durkheim (1928), Le socialisme : sa définition – ses débuts – la doctrine saint-simonienne 7
L'idée était d'ailleurs si importante qu'elle frappa les esprits. Ainsi Georges Sorel, esprit
pénétrant, sinon érudit et juste, que nous connaissions depuis 1893, ne manqua pas de
l'utiliser dans plusieurs articles du Devenir social. Plus tard le syndicalisme révolutionnaire
s'est en partie nourri d'elle. Que ceci soit noté en passant et pour marquer un simple point
d'histoire. Nous aurions fort à dire à ce sujet. Car, en cette affaire, nous Mines, un certain
nombre d'entre nous du moins, plus que des témoins, de 1893 à 1906.
Cependant, jusqu'en 1895, Durkheim ne put pas distraire un instant de ses travaux pour
revenir à l'étude du socialisme. D'ailleurs même alors, quand il y revint, comme on le verra
dans ce livre, il ne se départit pas de son point de vue habituel. Il considéra cette doctrine
d'un point de vue purement scientifique, comme un fait que le savant doit envisager
froidement, sans préjugé, sans prendre parti. C'est le problème sociologique qu'il traite : pour
lui, il s'agit d'expliquer une idéologie, l'idéologie socialiste ; et pour l'expliquer, il faut
analyser les faits sociaux qui ont obligé quelques hommes comme Saint-Simon et Fourier,
comme Owen et Marx à dégager des principes nouveaux de morale et d'action politique et
économique. Ce cours d'ailleurs est, croyons-nous, un modèle d'application d'une méthode
sociologique et historique à l'analyse des causes d'une idée.
Mais, sous cette forme désintéressée de recherche, Durkheim satisfaisait un besoin de sa
pensée morale et scientifique à la fois. Il cherchait à prendre parti et à motiver ce parti. Il y
était incliné par une série d'événements, quelques-uns petits et personnels, quelques autres
plus graves. Il se heurtait au reproche de collectivisme que lui assénèrent, à propos de sa
Division du travail, des moralistes susceptibles et plusieurs économistes classiques ou
chrétiens. Grâce à des bruits de ce genre, on l'écartait des chaires parisiennes. D'autre part,
parmi ses propres étudiants, quelques-uns des plus brillants s'étaient convertis au socialisme,
plus spécialement marxiste, voire guesdiste. Dans un Cercle d'Études sociales, quelques-uns
commentaient Le Capital de Marx comme ailleurs ils commentaient Spinoza. Durkheim
sentait cette opposition au libéralisme et à l'individualisme bourgeois. Dans une conférence
organisée à Bordeaux, par ce Cercle et par le Parti ouvrier, Jaurès, dès 1893, glorifiait l'œuvre
de Durkheim. D'ailleurs, si c'est Lucien Herr qui, en 1886-1888, convertit Jaurès au socia-
lisme, c'est Durkheim qui, en 1885-1886, avait détourné celui-ci du formalisme politique et
de la philosophie creuse des radicaux.
Durkheim connaissait assez bien le socialisme dans les sources elles-mêmes : par Saint-
Simon, par Schaeffle, par Karl Marx, qu'un ami finlandais, Neiglick, lui avait appris à étudier
pendant son séjour à Leipzig. Toute sa vie, il n'a répugné à adhérer au socialisme proprement
dit qu'à cause de certains traits de cette action : son caractère violent ; son caractère de classe,
plus ou moins purement ouvriériste, et aussi son caractère politique et même politicien.
Durkheim était profondément opposé à toute guerre de classes ou de nations ; il ne voulait de
changement qu'au profit de la société tout entière et non d'une de ses fractions, même si celle-
ci était le nombre et avait la force ; il considérait les révolutions politiques et les évolutions
parlementaires comme superficielles, coûteuses et plus théâtrales que sérieuses. Il résista
donc toujours à l'idée de se soumettre à un parti de discipline politique, surtout international.
Même la crise sociale et morale de l'affaire Dreyfus, où il prit une grande part, ne changea
pas son opinion. Même pendant la guerre, il fut de ceux qui ne mirent aucun espoir dans ce
qu'on appelle la classe ouvrière organisée internationalement. Il resta donc toujours dans un