Repérage de quelques chaines signifiantes en relation avec la question posée - article ; n°1 ; vol.33, pg 77-100
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Repérage de quelques chaines signifiantes en relation avec la question posée - article ; n°1 ; vol.33, pg 77-100

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Description

Mots - Année 1992 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 77-100
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bernard Herszberg
Repérage de quelques chaines signifiantes en relation avec la
question posée
In: Mots, décembre 1992, N°33. pp. 77-100.
Citer ce document / Cite this document :
Herszberg Bernard. Repérage de quelques chaines signifiantes en relation avec la question posée. In: Mots, décembre 1992,
N°33. pp. 77-100.
doi : 10.3406/mots.1992.1741
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1992_num_33_1_1741Bernard HERSZBERG
Université Pans 12
Repérage
de quelques chaînes signifiantes
en relation avec la question posée
Galilée : « La vérité est fille du temps,
pas de l'Autorité ».
Le petit moine : « Ce sont les plus hauts
mobiles qui doivent nous faire taire, c'est
la paix de l'âme des malheureux ! »
« Tout ne va pas bien pour eux et
pourtant un certain ordre gît, caché, dans
leur misère même. »
(Bertold Brecht, La vie de Galilée, scènes
4 et 8)
Généalogie d'un décret, genèse d'une question
J'ai, pour la première fois, publiquement formulé la question
qui constitue le thème de ce numéro de revue il y a deux ans1.
C'était, certains s'en souviendront, dans le contexte de l'indignation
des belles âmes provoquée par la décision du gouvernement
autorisant la police des Renseignements généraux à informatiser
ses fichiers2. Le hourvari créé avait épargné un autre texte qui
1. Bernard Herszberg, « Le spectre de Big Brother », Le Monde, 31 mars
1990.
2. Décret n° 90-184 du 27 février 1990, JO, 1er mars 1990, p. 2575.
77 celui-là1 concernait la justice et méritait bien un commentaire,
au moins un. C'est un décret qui autorise — il est en vigueur
— le fichage des origines raciales des personnes. On n'avait rien
lu de semblable au Journal officiel depuis le régime de Pétain et
son « Statut des juifs » 2. Ainsi, cinquante ans après, la race
faisait-elle retour dans le droit positif de notre pays, et cette fois,
du fait d'un gouvernement républicain.
Mon article dans Le Monde et un second dans Libération3
visaient à éclairer la généalogie de ce décret. Ses auteurs (Michel
Rocard, Premier ministre, et Pierre Arpaillange, ministre de la
Justice) pouvaient à bon droit être suspectés d'avoir prêté bien
peu d'attention à la rédaction de leur texte, puisque leur collègue
Pierre Joxe, ministre de l'intérieur, n'avait pas commis pareille
bévue rédactionnelle dans ses décrets, pourtant vite abrogés ceux-
là par ce même Premier ministre4. Le texte en question avait
préalablement reçu l'aval du Conseil d'Etat et de la Commission
nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), et un examen
attentif permettait de conclure à son incontestable légalité, puisque
le décret avait été pris en application de l'article 31 de la loi
« informatique et libertés » 5. Il n'eût donc pas été pertinent
1. Décret n° 90-115 du 2 février 1990. Art. 1 : « Les juridictions de l'ordre
judiciaire et de l'ordre administratif sont autorisées /.../ à mettre ou conserver en
mémoire informatisée les données nominatives /.../ qui font apparaître, directement
ou indirectement, les origines raciales /.../ des parties au litige », JO, 4 février
1990, p. 1498.
2. Lois du 3 octobre 1940 et du 2 juin 1941.
3. Bernard Herszberg, « Le législateur au piège des mots », Libération, 21
mai 1990.
4. Décret du 3 mars 1990, JO, 4 mars 1990, p. 2721. L'expression « origines
raciales » ne figurait pas dans les décrets abrogés.
5. Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 « relative à l'informatique, aux fichiers et
aux libertés ». Art. 31 : « II est interdit de mettre ou conserver en mémoire
informatisée, sauf accord exprès de l'intéressé, des données nominatives qui,
directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions
politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales des
personnes /.../ Pour des motifs d'intérêt public, il peut aussi être fait exception à
l'interdiction ci-dessus sur proposition ou avis conforme de la commission par
décret en Conseil d'Etat ». (Quels sont ces « motifs d'intérêt public »? La raison
d'Etat ? Soit en l'occurrence la crainte des attentats terroristes et la recrudescence
des exactions racistes. La mise en œuvre d'une disposition exorbitante au droit
républicain — par simple décret — n'aurait-elle pas dû être de nature à éveiller
la suspicion des citoyens, plutôt que l'informatisation des fichiers ?) Des recours
devant le Conseil d'Etat ont été entrepris par diverses associations, qui n'ont pas
encore été examinés. J'ai moi-même sollicité la CNIL pour qu'elle enquête, comme
elle en a le pouvoir, sur les modalités d'application du décret : en effet, selon
quels critères les « origines raciales » sont-elles définies ? (Pas de réponse à ce
jour).
78 à son propos quelque « distraction » des rédacteurs et d'invoquer
des signataires — et quels signataires ! — , de suspecter, disons,
une « bavure juridique ». C'est la mise en œuvre de la possible
dérogation inscrite dans la loi qui avait provoqué une modification
radicale de la détermination juridique de origines raciales. L'in
version de l'injonction d'interdiction en agrément avait conféré à
origines raciales une détermination juridique positive. (Ce qui,
j'insiste sans crainte de me répéter, n'avait jamais été le cas
auparavant dans le droit français républicain.) Le fil d'Ariane des
diverses occurrences des termes race et racial dans les lois
françaises me conduisit de la loi « informatique et libertés » à la
loi antiraciste du 1er juillet 1972 1, puis finalement à la Consti
tution 2.
L'article 31 de la loi « informatique et libertés » est-il incons
titutionnel ? Il ne m'appartient pas de répondre ici à cette
question. Mais si tel devait être le cas, qu'il me soit permis de
souligner que cette loi n'a pas occasionné de recours parlementaire
devant le Conseil constitutionnel, que le Président de la République
l'a promulguée sans en réclamer une seconde lecture par le
Parlement3, qu'aucun juriste ni commentateur n'a fait publique
ment à ce propos la moindre observation, pas même lors de la
publication du décret à tonalité vichyste du 2 février 1990. Si une
telle dérive fut possible, c'est que la présence du mot race dans
la Constitution en légitime l'usage, tout comme celui de l'adjectif
racial, dans les lois et décrets de la République. C'est du moins
ma thèse4.
1. Loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 « relative à la lutte contre le racisme ».
Art. 1 : « Ceux qui /.../ auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la
violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur
origine ou de leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une
nation, une race ou une religion, seront punis ...» Art. 3 : « La diffamation /.../
envers une personne ou un groupe de personnes à raison, etc. /.../ sera punie
... ».
2. Constitution de la Cinquième République, art.2 : « La France est une
République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant
la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle
respecte toutes les croyances », JO, 5 octobre 1958.
3. Constitution de la Cinquième République, art. 5 : « Le Président de la
République veille au respect de la Constitution » ; art. 10 : « II peut /.../ demander
au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles.
Cette nouvelle délibération ne peut être refusée ».
4. Le code pénal ignore l'adjectif « raciste ». Quant au substantif « racisme »,
il n'apparait qu'une seule fois, dans l'intitulé de la loi de 1972. Ce questionnement
est au centre de la discussion de la troisième partie du présent numéro, notamment
de ma seconde intervention : « Quescexa, les " origines raciales " ? ».

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