Rome et les conceptions de l Etat en France et en Allemagne au XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.171, pg 17-44
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Publications de l'École française de Rome - Année 1993 - Volume 171 - Numéro 1 - Pages 17-44
Les théories juridiques et historiques de l'Etat se sont développées souvent, dans les pays modernes, en référence positive ou négative avec l'Antiquité grecque ou romaine. On envisage ici l'influence que les débats, ou les progrès, de l'érudition concernant l'histoire romaine ont eue, en France et en Allemagne, au XIXe siècle. On tente de la définir à travers l'œuvre et la pensée de quatre savants qui eurent aussi, à leur manière, des responsabilités politiques dans ces deux pays, l'historien Fustel de Cou- langes et le juriste D. Serrigny en France, l'historien Mommsen et le juriste R. von Jehring en Allemagne. Plus d'actualité qu'on ne pourrait le croire, leurs doctrines ou leurs convictions concernant l'objet professionnel de leurs études (Rome républicaine et impériale, les rapports du populus et de l'imperium) ne se comprennent guère, pour chacun d'entre eux, qu'en référence et en réaction à des problèmes politiques contemporains : mais ce ne sont pas les mêmes des deux côtés du Rhin.
28 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Claude Nicolet
Rome et les conceptions de l'Etat en France et en Allemagne au
XIXe siècle
In: Visions sur le développement des États européens. Théories et historiographies de l'État moderne. Actes du
colloque de Rome (18-31 mars 1990). Rome : École Française de Rome, 1993. pp. 17-44. (Publications de l'École
française de Rome, 171)
Résumé
Les théories juridiques et historiques de l'Etat se sont développées souvent, dans les pays modernes, en référence positive ou
négative avec l'Antiquité grecque ou romaine. On envisage ici l'influence que les débats, ou les progrès, de l'érudition concernant
l'histoire romaine ont eue, en France et en Allemagne, au XIXe siècle. On tente de la définir à travers l'œuvre et la pensée de
quatre savants qui eurent aussi, à leur manière, des responsabilités politiques dans ces deux pays, l'historien Fustel de Cou-
langes et le juriste D. Serrigny en France, l'historien Mommsen et le juriste R. von Jehring en Allemagne. Plus d'actualité qu'on
ne pourrait le croire, leurs doctrines ou leurs convictions concernant l'objet professionnel de leurs études (Rome républicaine et
impériale, les rapports du populus et de l'imperium) ne se comprennent guère, pour chacun d'entre eux, qu'en référence et en
réaction à des problèmes politiques contemporains : mais ce ne sont pas les mêmes des deux côtés du Rhin.
Citer ce document / Cite this document :
Nicolet Claude. Rome et les conceptions de l'Etat en France et en Allemagne au XIXe siècle. In: Visions sur le développement
des États européens. Théories et historiographies de l'État moderne. Actes du colloque de Rome (18-31 mars 1990). Rome :
École Française de Rome, 1993. pp. 17-44. (Publications de l'École française de Rome, 171)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1993_act_171_1_3030CLAUDE NICOLET
ROME ET LES CONCEPTIONS DE L'ÉTAT
EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE AU XIXe SIÈCLE
Le souvenir de l'Antiquité gréco-romaine est constamment
présent, comme une toile de fond, dans l'histoire politique de l'Eu
rope moderne et contemporaine1. Véritable matrice de la panoplie
des peuples dont l'influence aurait agi comme une filiation réelle, à
travers les siècles et les révolutions. Ou bien représentation imagi
naire (qu'elle soit le produit d'une éducation classique universell
ement répandue, ou d'une érudition de mieux en mieux armée) : dans
les deux cas, cette diction plus ou moins ressemblante a inspiré
consciemment la plupart des acteurs ou des penseurs de la vie poli
tique. Il est donc légitime, je crois, d'en rechercher la trace. D'autant
plus, d'ailleurs, que l'influence n'est pas à sens unique. Car, inverse
ment, les réalités politiques ou juridiques contemporaines, et plus
encore les débats théoriques ou pratiques qu'elles suscitent ont aussi
orienté, consciemment ou non, les recherches historiques et eru
dites2. Chaque époque, chaque pays invente ou réinvente une Grèce
ou une Rome largement marquées par les préoccupations explicites
1 II n'existe pas, à ma connaissance, d'ouvrage, ni même d'instrument de tra
vail commode, sur l'ensemble de ce thème. Seulement de très nombreuses monog
raphies dispersées pour telle ou telle circonstance. Par exemple, bien sûr, la Ré
volution française; sur ce problème on lira un rapport de synthèse récent de J. C.
Dumont, «La Révolution française et Rome», Congrès de la FIEC, Pise, 1989, à pa
raître. Comptant reprendre ailleurs la question, je ne donnerai ici que la biblio
graphie et l'appareil critique strictement nécessaires. J'espère qu'on voudra bien
m'en excuser. Beaucoup de choses utiles, y compris d'un point de vue politique,
dans les trois volumes édités par R. R. Bolgar, Classical Influences on European
Culture, A.D. 500-1500, Cambridge, 1971; on 1500-1700, 1974; Classical Influence on Western
Thought, A.D., 1650-1870, 1979; on lira aussi M. Pavan, Antichità clas
sica e pensiero moderno, Florence, 1977.
2 Ces influences réciproques sont largement traitées dans l'œuvre considé
rable du regretté A. Momigliano (surtout pour l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre;
un peu moins pour la France). Outre ses divers ouvrages, cf. ses Contributi alla
storia degli Studi Classici e del Mondo Antico. Pour un exemple d'historiographie
qui s'attache particulièrement à dénoncer les liens avec la politique, cf. L. Canfor
a, Le vie del Classicismo , Bari, 1989. 18 CLAUDE NICOLET
ou implicites de leur temps. Je me limiterai aujourd'hui à examiner,
par quelques exemples, cette espèce de jeu de miroir dans la seconde
moitié du XIXe siècle, dans deux pays, la France et l'Allemagne, qui,
chacun à sa manière, réglaient, à propos de la Rome antique, des
comptes avec leur propre passé ou avec celui de leur voisin. On
pourrait faire l'analyse à propos de ces influences diffuses, véhi
culées par une culture scolaire répétitive, dont j'ai parlé. Il est plus
utile, je crois, de la tenter en cherchant chez des professionnels, des
savants, l'expression délibérée de ces références croisées. Fustel de
Coulanges et Désiré Serrigny, Theodor Mommsen et F. von Jhering
ont ceci de commun et d'exemplaire qu'ils ont tous à la fois écrit sur
Rome, et sur leur propre temps, des œuvres réfléchies et import
antes, dont l'articulation est éclairante pour mon propos.
Avant de les aborder directement, cependant, il faut rappeler
dans quel climat et dans quelles traditions idéologiques et épistémo-
logiques se sont développés ces travaux. Des nouveautés capitales
sont apparues à la charnière du XVIIIe et du XIXe siècle, dans des
ordres de faits divers mais convergents. Je ne mentionnerai d'abord
que pour mémoire la grande mutation épistémologique qui a vu la
naissance, non de l'érudition, mais, dans la plupart des pays, des in
struments académiques ou institutionnels de l'érudition (Universités,
bibliothèques, dépôts d'archives, entreprises de publications sa
vantes, Instituts ou Ecoles)3. Les nouvelles techniques (ou
«sciences») de l'érudition, de mieux en mieux organisées, rejoignent
en enrichissent d'ailleurs, à cette époque précisément, le discours
historique traditionnel et, du même coup, en élargissent et précisent
le champ d'investigation. Par l'accès à des documents primaires que
permettent mieux la philologie, la diplomatique, l'épigraphie, c'est
3 Sans remonter jusqu'à l'Humanisme (cf. R. Weiss, The Renaissance Disco
very of classical Antiquity, Oxford, 1969; L. D. Reynolds et Ν. G. Wilson, Scribes
and scholars, trad. fr. d'Homère à Erasme, Paris, 1986), l'histoire des disciplines et
des institutions savantes concernant l'Antiquité se trouve principalement dans
J. E. Sandys, History of classical scholarship, 3 vol. Cambridge, 1903-1908; U. von
Wilamowitz-Moellendorff, Geschichte der Philologie, Leipzig, 1921 (trad, angl.,
1982). Sur l'influence des grandes institutions scientifiques, la meilleure intro
duction est toujours, en français, le Manuel de Bibliographie historique de Ch.-V.
Langlois, Paris, 1900-1904; cf. aussi C. Samaran (éd.), L'histoire et ses méthodes,
Encycl. de la Pléiade, 1961, spec. p. 143-186. Pour la France des XVIIe et XVIIIe
siècles, désormais le travail impressionnant de B. Barret-Kriegel, Les historiens et
la monarchie, 4 volumes, Paris, 1989. Sur la «rencontre» entre histoire et érudi
tion, A. Momigliano, «Ancient history and the Antiquarian», Journal of the War
burg Institute = Problèmes d'historiographie ancienne et moderne, Paris, 1982,
p. 244-293; et désormains la thèse de M. Raskolnikoff (t), Histoire romaine et cri
tique historique dans l'Europe des Lumières, thèse Strasbourg, 1986, coll. Ecol. Fr.
de Rome n° 163, 1992. ROME ET LES CONCEPTIONS DE L'ÉTAT 19
de l'intérieur qu'on pourra, désormais, faire l'histoire des cités, des
Empires anciens, comme des monarchies ou des cités médiévales ou
des Etats modernes. Cela est désormais bien connu.
Aussi déterminante, peut-être moins explorée en revanche, ce
que j'appelle ailleurs la naissance de la «modernité». Apparue en
France, sous le prétexte de la littérature, une «querelle des Anciens
et des Mo

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