S. M. Stepnjak-Kravčinskij et la Russie sectaire, 1851-1895 - article ; n°4 ; vol.12, pg 422-438
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S. M. Stepnjak-Kravčinskij et la Russie sectaire, 1851-1895 - article ; n°4 ; vol.12, pg 422-438

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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1971 - Volume 12 - Numéro 4 - Pages 422-438
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Maurice Comtet
S. M. Stepnjak-Kravčinskij et la Russie sectaire, 1851-1895
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 12 N°4. pp. 422-438.
Citer ce document / Cite this document :
Comtet Maurice. S. M. Stepnjak-Kravčinskij et la Russie sectaire, 1851-1895. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 12
N°4. pp. 422-438.
doi : 10.3406/cmr.1971.1857
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1971_num_12_4_1857MAURICE COMTET
S. M. STEPNJAK-KRAVČINSKIJ
ET LA RUSSIE SECTAIRE
1851-1895
Dans les essais par lesquels Kravčinskij (connu aussi sous son
pseudonyme de Stepnjak) s'efforça de familiariser le public occidental
avec son pays, l'attention portée aux sectes est constante ; Kravčinskij
leur consacre de longs développements, elles accaparent le deuxième
volume de The Russian peasantry1; ce sujet lui a même fourni la
matière d'un roman2. Cela n'est pas banal, venant d'un révolution
naire convaincu, d'un nihiliste à toute épreuve qui fut un acteur de
premier plan dans les événements des années 1870-1880 en Russie8.
Pourquoi donc Kravčinskij s'intéresse-t-il à ce problème religieux,
qu'en pense-t-il, comment l'aborde-t-il ? Autant de questions aux
quelles nous allons essayer de trouver une réponse. Il se trouve juste-
1. S. Stepniak, The Russian peasantry, Londres, 1888. Le deuxième volume,
dont la pagination continue celle du premier, offre les têtes de chapitre suivantes :
« La religion populaire » ; « Le raskol » ; « La dissidence rationaliste » ; « Les
sectes modernes » ; « La tragédie de l'histoire russe » ; « Conclusion ». Sur la
demande du socialiste autrichien Victor Adler alors emprisonné et qu'Engels
avait prié de traduire l'ouvrage en allemand pour mettre à profit ses loisirs
forcés, Stepniak avait rédigé un chapitre supplémentaire, lui aussi consacré
aux sectes ; mais seul le premier volume parut en allemand (S. Stepniak, Der
Russische Bauer, Autorisierte Ûbersetzung von Dr. Viktor Adler, Stuttgart,
1893). Ce chapitre signalé par E. Taratuta (Russkij drug Engel' sa /L'ami russe
d'Engels, Moscou, 1970, pp. 1 18-120) est demeuré inconnu et nous n'avons pu
en trouver trace ni dans le catalogue du CGALI de Moscou qui conserve toutes
les archives de Kravčinskij léguées par sa veuve à l'U.R.S.S. en 1935, ni dans
les fonds Victor Adler conservés à Amsterdam et Vienne.
2. S. Stepnjak, Štundist Pavel Rudenko (Le stundiste Pavel Rudenko),
Genève, 1900. Cette édition posthume fait suite à un roman écrit en collaboration
avec Hesba Stretton (Hesoa Stretton, Highway of sorrow at the close of the
igth century, Londres, 1894). Cette dernière y avait introduit tant de considé
rations religieuses que Kravčinskij refusa que son nom soit associé à cette pre
mière version (cf. Fanni Stepnjak, in Štundist Pavel Rudenko, pp. in-iv).
3. Cet ancien officier avait fait partie du cercle de Čajkovskij et était allé
au peuple en 1873-74 ; après avoir combattu les Turcs en Herzégovine et parti
cipé à un soulèvement paysan en Italie, il est rappelé en Russie en 1878 par
« Zemlja i Volja » ; c'est lui qui tue d'un coup de poignard le général Mezencev, ET LES SECTES 423 STEPNJAK-KRAVČINSKIJ
ment que, dans le plan d'une conférence sur la religion en Russie1,
Kravčinskij nous suggère lui-même la démarche de sa réflexion sur
ce problème : il part de l'Église orthodoxe pour s'intéresser ensuite
aux vieux-croyants et il conclut en examinant les nouvelles sectes
protestantes. Suivons-le et voyons tout d'abord ce qu'il pense de la
religion officielle de la Russie.
I
Un constat de faillite de l'orthodoxie
Force est de constater que Kravčinskij ne la ménage guère ; il parle
de son « fanatisme clérical »2, des « tâches avilissantes »8 de son clergé ;
dans le roman Le stundiste Pavel Rudenko il dresse un portrait du Père
Karpij si peu flatteur qu'à la lecture on se sent transporté aux meilleurs
temps de l'Inquisition, en plein obscurantisme. De prime abord on
pourrait être tenté de chercher l'explication de cette virulence dans
la philosophie de Kravčinskij. Avec l'orthodoxie, n'attaquerait-il
point la religion en général, suivant en cela les penseurs matérialistes
du jour dans leur dénonciation des « fantômes » de l'idéalisme ? Il est
bien certain que Kravčinskij n'a jamais fait mystère de son athéisme ;
pour lui, raznoóinec formé dans l'atmosphère des années 6o4, la pre
mière bataille des nihilistes, livrée contre la religion, s'est soldée par
une victoire complète et définitive. Aussi affirme-t-il volontiers que
« parmi les classes instruites d'où est sortie la majorité des révolution
naires il n'y a tout simplement plus rien à anéantir : l'athéisme y est
une doctrine aussi commune que le christianisme en Angleterre »5.
Dans pareille optique les quelques signes avant-coureurs d'une renais
sance religieuse parmi les milieux intellectuels russes paraissent insi
gnifiants, voire ridicules6. Le débat pour ou contre la religion, l'argu-
chef des gendarmes ; il doit alors s'exiler définitivement et s'établit à Londres
en 1884 pour se consacrer à la propagande.
1. Conférence que Kravčinskij dut prononcer à plusieurs reprises en 1889-
1890 sous le titre : « La religion populaire dans la Russie d'aujourd'hui »
(cf. 5. M. Stepnjak-Kravčinskij v Londonskoj emigracii/S. M. Stepnjak-Krav-
činskij en exil à Londres, Moscou, 1968, p. 236).
2. S. Stepniak, La Russie sous les tzars, trad, fr., Paris, 1887, p. 53. (Éd. angl. :
S. Stepniak, Russia under the tzars, Londres, 1885.)
3. Ibid., p. 50.
4. Fils d un médecin de l'armée, Kravčinskij était d'abord passé par un
lycée militaire pour sortir en 1870 sous-lieutenant d'une école d'artillerie.
5. S. Stepniak, Le tzarisme et la révolution, trad, fr., Paris, 1886, p. 19. (Éd.
angl. : S. The Russian storm-cloud, Londres, 1886.)
6. «... personne ne peut prendre au sérieux les quelques essais faits dans les
salons pour fonder une nouvelle foi dont nous entendons parler de temps en
temps » (S. Stepniak, « The moujiks and the Russian democracy », The fort
nightly Review, Ier novembre 1886, p. 596 ; cet article a été repris dans The MAURICE COMTET 424
mentation philosophique de l'athéisme matérialiste, tout cela lui
semble donc un peu dépassé et ne plus correspondre aux exigences
du moment. D'ailleurs il considère que l'athéisme s'est si bien enraciné
dans l'intelligentsia que, loin d'être militant, il ne peut plus être qu'in
différent, donc tolérant ; on le voit ainsi affirmer que, cette philosophie
étant la religion nationale des classes instruites, « comme telle lui est
propre cette indifférence insouciante qui [...] est la meilleure garantie
de tolérance religieuse »*. Les écrits de Kravčinskij sont donc, comme
on pouvait s'y attendre, exempts de toute discussion doctrinale sur
les problèmes essentiels de la religion2. Un de ses personnages roman
esques, jeune nihiliste, a beau considérer une scène religieuse comme
« une explosion de fanatisme sauvage »8, l'auteur l'amène néanmoins
par la suite à se rapprocher de ces croyants tout d'abord si méprisés.
Tout cela semble donc bien montrer que ce n'est pas sur le plan philo
sophique que Kravčinskij attaque l'orthodoxie.
On le voit par contre se demander si cette Église officielle remplit
bien sa fonction essentielle qui devrait être de satisfaire les aspirations
religieuses de ses fidèles. C'est que tout en étant athée, Kravčinskij
reconnaît l'existence et la force du sentiment religieux dans le peuple,
même s'il n'est que la sublimation d'impulsions de nature différente.
Il affirme par exemple que « la religion, c'est la langue en laquelle
l'esprit humain balbutie ses premières conceptions du droit et donne
un exutoire à ses premières aspirations »4. Cette espèce d'élan vital
a pu trouver parmi l'intelligentsia un autre champ d'action6, mais
Russian peasantry, op. cit., pp. 1 15-150). Kravčinskij pense certainement à
Tolstoj dont il critiquait la non-violence (cf. Gonenija na duhoborcev s zaklju-
čeniem gráfa L. N. Tolstogo. Predislovie S. S. [pseudonyme de Kravčinskij]/
Les persécutions contre les Doukhobors avec une conclusion du comte L. N. Tolsto

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