La terre et le bâti agricoles sont l'objet de nombreuses convoitises qui se manifestent sur le marché foncier rural. La terre, lorsqu'elle est achetée à fin d'usage agricole, est l'objet de concurrences entre agriculteurs déjà en place dans une stratégie de consolidation ou d'agrandissement de l'exploitation et candidats à l'installation. Mais la terre agricole constitue aussi une réserve foncière pour l'implantation d'infrastructures et l'extension urbaine et rurale non agricole ; le bâti agricole est particulièrement recherché pour être transformé en résidence, tandis que de nombreuses parcelles sont achetées en vue d'agrandir l'espace privatif autour des maisons individuelles. Deux dynamiques géographiques entrent ici en résonance : d'une part, celle de l'agriculture qui recoupe les modes de faire-valoir, la spécialisation des terroirs et des systèmes de production, la prévalence des formes d'exploitations individuelles ou sociétaires, etc. et, d'autre part, celle de l'urbanisation qui répond à des critères tout autres : proximité des axes de communication et des bassins d'emploi, attractivité liée au soleil, au littoral, à la qualité du bâti et au paysage, etc. La conjonction de ces deux dynamiques a des conséquences directes sur l'accès à la terre des agriculteurs, l'évolution des marchés fonciers, les formes d'urbanisation du territoire, et le maintien de l'agriculture dans certaines zones sous forte pression urbaine. Le mitage de l'espace rural prend une ampleur bien différente selon les régions, en fonction des revenus dégagés par l'agriculture et de la mise sur le marché de biens bâtis. Les marchés fonciers ruraux régionaux, analysés au crible des dynamiques agricoles et des logiques urbaines, révèlent en filigrane les grandes tendances régionales d'aménagement du territoire et d'évolution des paysages ruraux.
Les marcés fonciers ruraux régionaux entre dynamiques des exploitations agricoles et logiques urbaines Robert Levesque, Dimitri Liorit et Guillaume Patier *
Laterreetlebâtiagricolessontlobjetdenombreusesconvoitisesquisemanifestentsur le marché foncier rural. La terre, lorsqu’elle est achetée à fin d’usage agricole, est lobjet de concurrences entre agriculteurs déjà en place - dans une stratégie de conso-lidationoudagrandissementdelexploitation-etcandidatsàlinstallation.Maislaterre agricole constitue aussi une réserve foncière pour limplantation dinfrastructures etlextensionurbaineetruralenonagricole;lebâtiagricoleestparticulièrementrecher-ché pour être transformé en résidence, tandis que de nombreuses parcelles sont achetées en vue dagrandir lespace privatif autour des maisons individuelles. Deux dynamiques géographiques entrent ici en résonance : dune part, celle de lagriculture qui recoupe les modes de faire-valoir, la spécialisation des terroirs et des systèmes de production, la prévalencedesformesdexploitationsindividuellesousociétaires,etc.et,dautrepart,celle de lurbanisation qui répond à des critères tout autres : proximité des axes de com-municationetdesbassinsdemploi,attractivitéliéeausoleil,aulittoral,àlaqualitédubâti et au paysage, etc. Laconjonctiondecesdeuxdynamiquesadesconséquencesdirectessurlaccèsàlaterre des agriculteurs, lévolution des marchés fonciers, les formes durbanisation du territoire,etlemaintiendelagriculturedanscertaineszonessousfortepressionurbaine.Lemitagedelespaceruralprenduneampleurbiendifférenteselonlesrégions,enfonc-tiondesrevenusdégagésparlagricultureetdelamisesurlemarchédebiensbâtis.Lesmarchés fonciers ruraux régionaux, analysés au crible des dynamiques agricoles et des logiques urbaines, révèlent en filigrane les grandes tendances régionales d’aménage -ment du territoire et dévolution des paysages ruraux.
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ÉCONOMIEETSTATISTIQUEN°444445,2011
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L roabgjee,tdneotlaarmtimcleentestgédoapgrpaoprtheirquuen,ésculraile-senjeux locaux des marchés fonciers dorigine agricole au regard de deux dynamiques contras-tées : les stratégies des exploitation agricoles, dune part, qui reposent sur la spécialisation dessystèmesdeproduction,lagrandissementdes structures, un recours croissant au fermage et aux formes dexploitation sociétaires ; et les logiques urbaines dautres part. Celles-ci ras-semblent les besoins fonciers des collectivités pour la construction de logements, de bâtiments de services, de zones dactivités, commerciales, industrielles et artisanales, ainsi que la demande des particuliers pour des biens bâtis à la cam-pagne et pour des espaces privés dagrément (pelouse, jardin, parcelle pour un cheval, sou-ventauxabordsdirectsdunemaisonindivi-duelle). Ces deux dynamiques sont très contrastées régio-nalement et leur superposition influe fortement les marchés fonciers ruraux locaux analysés par les Safer (cf. encadré 1). Dans un premier temps, de grands ensembles régionaux sont caractéri-sés par la structure des exploitations agricoles et les stratégies déployées pour linstallation et lagrandissement. En regard, les dynamiques urbainesetruralesnonagricolessimposenten général au contexte agricole en se fondant surdescritèresbiendifférents.Lévolutionpropredesstructuresdexploitationssevoitdefait de plus en plus perturbée par des logiques non agricoles ou daménagement du territoire. La conjonction de ces deux dynamiques, pour partieindépendanteslunedelautre,conduitàdesenjeuxlocauxdifférenciéspourlaccèsàlespace rural et à des impacts contrastés sur son usage et le devenir des paysages. Une typologie régionale permet, à titre de synthèse, de dresser unpanoramaglobaldesdynamiquesàluvredans les grands ensembles régionaux.
La caractérisation des structures dexploitation agricole D ferpauniçsais1e9s5o0,ntlceosnneuxuplnoeitraétdiounctsioangdriecpolleussdes trois quarts de leur effectif, et, en parallèle, nontcessédesagrandiretdesespécialiser.Lapopulationagricolesestégalementfortementérodée, pour ne représenter que 3 % de la popu-lationactive.Lesconditionsdaccèsaufoncier(par propriété ou par fermage), les modalités de transmissionducapitalfoncieretducapitaldex-
ploitation ont également fortement évolué, et de manière contrastée en fonction des régions. La cartographie proposée repose soit sur un décou-page national de la France en petites régions agricoles regroupées (PRA regroupées), présen-tant des caractéristiques communes du point de vue agro-écologique et du marché foncier, soit sur un découpage départemental, notamment pour les cartes dévolution. Une progression généralisée du fermage mais régionalement contrastée La France est, après la Belgique, le pays de lUnioneuropéenneleplustournéverslefer-mage. Une des explications en est le droit au renouvellement du bail garanti au fermier par le statut du fermage. Une première loi de 1943 a rendu obligatoire la signature de baux écrits pour une durée minimale de neuf ans avant que la loi de 1946 ny ajoute le droit au renouvellement du bail et le droit de préemption du preneur. Le droit de cession à ses descendants a également renforcélefermage.Linstitutiondecescondi-tions avantageuses pour le fermier a sans doute contribué à inverser le mode de faire-valoir dominant et à dynamiser lagriculture. Dans les années 1930, 60 % des terres étaient cultivées par leur propriétaire et 51 % en 1970, tandis quen 2000, ce taux tombait à 37 % de la surface agricole. La tendance continue à saccentuer (cf. tableau 1). Les statistiques du Ministère chargé de lagriculture font état dun ratio de 72 % de la surface agricole utile (SAU) exploitée en fer-mage en 2005 et 74 % en 2007. Ainsi, au plan national, le faire-valoir direct a diminué de 50 % entre 1970 et 2007. Le fermage se révèle êtrelemoyenprivilégiédelagrandissement:les exploitations individuelles de plus de 200 ha ont 70 % de leurs terres en fermage contre 50 % pour les exploitations de 20 à 50 ha. Labaissementdelâgedelaretraiteagricoleen 1988, les préretraites mises en place suite à lannoncedelaréformedelapolitiqueagricoleTableau 1 Pss d l p ds ss pls d 1970 2007 Progression annuelle du taux de fermage dans la SAU (en points) 1971-1979 1980-1988 1989-2000 2001-2007 + 0,2 + 0,7 + 0,7 + 1,6 Lecture : Entre 1970 et 1979, le rythme de progression de la part du fermage dans la SAU sest accéléré pour atteindre 1,6 point par an sur la période 2001-2006. Champ : France métropolitaine. Source:TerresdEurope-ScafrdaprèsSSP.