Science européenne et enjeux éducatifs en Tunisie de 1850 à l Indépendance - article ; n°1 ; vol.72, pg 53-59
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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1994 - Volume 72 - Numéro 1 - Pages 53-59
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 64
Langue Français

Extrait

Mohammed Souissi
Science européenne et enjeux éducatifs en Tunisie de 1850 à
l'Indépendance
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°72, 1994. pp. 53-59.
Citer ce document / Cite this document :
Souissi Mohammed. Science européenne et enjeux éducatifs en Tunisie de 1850 à l'Indépendance. In: Revue du monde
musulman et de la Méditerranée, N°72, 1994. pp. 53-59.
doi : 10.3406/remmm.1994.1652
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1994_num_72_1_1652Mohammed Souissi
Science européenne
et enjeux éducatifs en Tunisie
de 1850 à l'Indépendance
XVIe Mais, Le siècle, Maghreb dès la notamment fin a du connu XIVe dans siècle une période le déjà, domaine Ibn culturelle Khaldoun des mathématiques scientifique fait état florissante d'un et de certain l'astronomie. du relâchXIIIe au
ement et d'un certain vide intellectuel qui commençait à s'installer au Maghreb.
« Par suite des dissensions internes [écrit-il], des troubles sociaux, des conflits
armés entre princes au pouvoir, la culture scientifique a presque disparu du Maghr
eb ; il y devient de moins en moins aisé d'avoir accès au savoir, de plus en plus il
y devient hors de portée d'acquérir une certaine maîtrise en la matière. »
En fait, ajoute-t-il, il ne s'agit pas d'une infirmité congénitale ou d'une incom
pétence atavique,
« c'est le mode d'enseignement qui est responsable de cet état de fait ; la routine
empêche le progrès ; la continuité est rompue ; le courant ne passe plus. »
Kairouan a été détruite par les hordes hilaliennes envoyées, en expédition
punitive, par le maître fatimide du Caire, pour se venger de la défection de
ï'Ifriqiya.
L'épicentre culturel s'est alors déplacé vers la nouvelle capitale, Tunis. Dès la
deuxième moitié du XIIIe siècle, le prince hafside Abu Zakariyya a essayé de doter
RE.M.M.M. 72, 1994/2 54 1 Mohammed Souissi
le pays d'un enseignement officiel valable ; il a attiré dans sa capitale bon nombre
de savants andalous : Ibn al-Abbâr (m. 658/1259), Ibn 'Usfiïr (m. 669/1270), Hâzim
de Carthagène (m. 684/1285), Ibn al-Gammâz (m. 693/1293). Il a fait construire
la mosquée de la Kasbah (629/1239) qu'il a dotée d'une bibliothèque de 36 000
volumes. Il a installé une medersa (foyer universitaire) pour les étudiants de la
mosquée Zitouna. Celle-ci a rayonné d'un éclat particulier sur tout le Maghreb.
Cependant aucune évolution dans la pédagogie, aucun contact avec l'exté
rieur ne permirent de s'initier aux nouveaux acquis de la science.
Si Ibn 'Arafa (1315-1400) cite, parmi ses professeurs, l'éminent al-'Abilï (de
Avila) (1282-1356), maître également d'Ibn Khaldoun en mathématiques et
dans les disciplines de la logique, nous avons par contre au Maroc le témoignage
du "prince des Croyants" Ahmad al-MansÛr ad Dahbï (vers 1532), qui cite,
parmi ses professeurs, Sulaymân b. Ibrahim et cAbd al-cAziz b. Ibràhïm qui lui
ont enseigné la science du calcul ; mais, ajoute-t-il,
« Dieu m'a accordé l'avantage de m'initier, seul, à l'ouvrage d'Euclide en géomét
rie sans l'aide d'aucun enseignant vu que, dans cette discipline, il se fait rare, en
terre du Maghreb, de trouver un maître capable de la dispenser ; pour ma part, j'ai
pu par moi-même saisir la démonstration des théorèmes, un à un, jour après jour. »
Vers la fin du XIVe siècle également, al-Hasan al-Marrâku§ï, critiquant les
procédés des pseudo-savants, de sa région et de son époque, « qui ne connais
saient du calcul, de la géométrie et de la cosmographie que le nom », écrivait,
en particulier :
« Se donnant pour objectif d'établir une loi générale, ils partent du fait que cette
loi se trouve satisfaite par un cas particulier, ou par un détail suggéré par une
observation ou par quelque document écrit ; ils effectuent alors un certain nombre
d'opérations et de manipulations, sans aucun fondement, et, au cas où le résultat
obtenu ne correspond pas à celui escompté, ils abandonnent leur hypothèse et
s'évertuent à faire du replâtrage pour en confectionner d'autres, tant et si bien
qu'ils se trouvent ramenés au point de départ ou à quelque chose d'approchant ;
alors ils s'y cramponnent et pensent avoir découvert la loi générale, sans se demand
er s'ils y sont parvenus par une voie logique nécessaire ou par un effet de pur
hasard... »
Cet état de stagnation et de décadence, dû à la mauvaise pédagogie est devenu
endémique et s'est perpétué jusqu'à la fin du XIXe siècle, et même jusqu'aux pre
mières décennies du XXe siècle.
L'essentiel pour les étudiants consistait à apprendre règles et résultats par cœur :
faite" devenait synonyme de "tête bien pleine". Aussi les "cheikhs" se "tête bien
contentaient-ils d'une explication furtive de sommaires, résumés succincts et
autres digests tout juste bons pour cultiver les facultés mnémotechniques. Mais
« savoir par cœur, dit Montaigne, n'est pas savoir » et « quand un enfant ne met
pas en pratique une règle de grammaire, écrira Kant, peu importe qu'il la récite ; européenne et enjeux éducatifs en Tunisie. .. 1 55 Science
il ne la sait pas. Celui-là la sait infailliblement qui l'applique, peu importe qu'il
ne la récite pas. »
En mathématiques, on récitait par cœur l'ouvrage al-tuffaha sur les éléments de
"calcul des aires", al misâha, ou bien le poème didactique, urgûza, d'Al-Akhdarï
« ad-Durra al-baydâ} » relatif aux opérations de l'arithmétique et aux partages suc
cessoraux (farffid) ; mais rares étaient les maîtres (et afortioriles étudiants) qui étaient
à même de résoudre le moindre problème pratique en la matière.
Ce mal s'est perpétué jusque vers les années 1930 ; étant jeune élève au col
lège Sadiki, j'ai été témoin, à l'oral du tatwf, examen de fin d'études de la Zitouna,
d'une scène qui m'a frappé et est restée gravée dans ma mémoire. Il s'agissait de
résoudre l'exercice suivant : « Un entrepreneur paya 100 F à ses ouvriers : quel a
été le salaire de chacun ? » Le candidat prit son brouillon, remplit la première page
puis la seconde et répondit en fin de compte : 9,5 F. L'examinateur se contenta
du commentaire : « c'est presque exact » et il nota le candidat 9,5/10.
Malgré le vide créé par la routine dans le domaine de la pédagogie et par les
méthodes d'enseignement s'adressant à la mémoire de l'étudiant plutôt qu'à son
intelligence et à son esprit critique, on note encore, de temps en temps, des
ouvrages dûs à un effort personnel spécialement en astronomie et dans la construc
tion et l'usage des instruments d'observation astronomique (astrolabe plan, safiha,
cadran à sinus, etc.) :
(- 'Umar b. {Abd ar-Rahmân al-Qurasl, Tunisien de Tozeur
(m. 858H/1454) :
• Conseils pour le tracé des safiha
Résumé de l'usage du cadran à sinus
ms Tunis 4139
ms Rabat 134, 135, 403, 404, 405
cf. Hidâyat al-'ârifîn, 1, 793
al-Aclàm, V, 49
(- Muhammad. . . b. 'Abd an-Nûr al-Himyarï at-Tûnisï
(8= S. H/XIV')
ar-Rawd al mftârfi habar al-aqtàr
(s'inspire de Nuzhat al Mustâq, ou livre de Roger, par al Idrïsï)
éd. de Ihsân 'Abbàs, Beyrouth 1975
(- Ali an-Nûrï de Sfax, ms Tunis 2594, 3865
(- Ahmad Bû Didah al-Qdïdï de Kairouan
Dâr"
commentaire de la table "zig Sangaq
ms Tunis, 31 19, 4633
(- cAlï b. Mâmî Hanafi Karbâsa : commentaire du précédent
(ms de la main de l'auteur 1 120 H/ 1708)
II faut attendre le début du XIXe siècle, et avec plus de précision l'expédition
de Bonaparte en Egypte (1798-1799) pour que le monde arabo-musulman en gêné- 56 1 Mohammed Souissi
rai, et le Maghreb en particulier, s'ouvrent au monde moderne, qu'ils mesurent,
avec effroi, leur retard, et aient la curiosité de s'initier à la science d

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