Antonio Machado entre l utopie et l épopée : une vision idéaliste de la révolution, de la Russie et du marxisme - article ; n°3 ; vol.26, pg 5-51
48 pages
Catalan

Antonio Machado entre l'utopie et l'épopée : une vision idéaliste de la révolution, de la Russie et du marxisme - article ; n°3 ; vol.26, pg 5-51

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
48 pages
Catalan
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1990 - Volume 26 - Numéro 3 - Pages 5-51
47 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 37
Langue Catalan
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

M. Paul Aubert
Antonio Machado entre l'utopie et l'épopée : une vision idéaliste
de la révolution, de la Russie et du marxisme
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 26-3, 1990. pp. 5-51.
Citer ce document / Cite this document :
Aubert Paul. Antonio Machado entre l'utopie et l'épopée : une vision idéaliste de la révolution, de la Russie et du marxisme. In:
Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 26-3, 1990. pp. 5-51.
doi : 10.3406/casa.1990.884
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1990_num_26_3_884ANTONIO MACHADO
ENTRE L'UTOPIE ET L'ÉPOPÉE:
UNE VISION IDÉALISTE DE LA RÉVOLUTION,
DE LA RUSSIE ET DU MARXISME
Par Paul AUBERT
Membre de la section scientifique
«De ser un espectador de la politica he pasado bruscamente a ser un
actor apasionado. Y el motivo que me ha hecho, a mis afios, saltar a este
piano ha sido el de la invasion de mi patria», explique Antonio Machado en
1938. Paradoxalement, c'est à la fin de sa vie que Machado se passionne
pour la politique alors que les grands intellectuels de sa génération
conjuguent, depuis l'été 1931, et surtout depuis l'automne 1934, incom
préhension, lassitude et repli sur soi. Initialement autodéfini comme int
imiste • et idéaliste, «un pobre modernista del ano très» 2 en somme,
Machado finira par être un agitateur et se présentera comme «un miliciano
mas con destino cultural». Ce choix, quand, comment et pourquoi l'a-t-il
fait? Par-delà l'évolution des idées sur la politique et le politique qu'il émit
tout au long de sa vie 3, c'est cette dernière étape atypique de la trajectoire
idéologique et politique du poète qui nous intéresse ici. Certes, que peut-il y
avoir de commun entre son œuvre, sa perception du monde et le matérialisme
dialectique? Rien, assurément. Et pourtant Machado parle souvent de
1. «Para un estudio de la literatura espanola», 15 juin 1914, Obras, Poesia y Prosa, éd. de
Aurora de Albornoz et Guillermo de Torre, Buenos Aires, Losada, 1964, (désormais
O.P.P.), p. 712.
2. «Los trabajos y los dias. Por equivocation», O.P. P., p. 799.
3. Voir Paul Aubert, «Antonio Machado y la politica», communication présentée au
Colloque International, Machado, hoy, organisé à la Casa de Velazquez par la Casa de
Velâzquez et la Fundaciôn Antonio Machado, Madrid, les 11, 12 et 13 mai 1989, à
paraître.
Mélanges de la Casa de Velâzquez (= M.C. V.), 1990, t. XXVI (3), p. 5-51. 6 PAUL AUBERT
Marx et du marxisme, de la Russie, de Lénine et de Staline, et finit par le
faire en termes élogieux. C'est là tout le problème. Même si elle trouve son
origine dans le débat qui avait passionné les jeunes «intellectuels», Unamuno,
Maeztu, ou Albornoz et Ortega, à la charnière des deux siècles, et dans la
polémique qui provoque le commentaire des nouvelles de la Révolution
russe, sa critique n'en revêt pas moins, lors de la Guerre Civile, certains
aspects inattendus et originaux, puisque c'est, précisément, au moment où
Machado réfute le marxisme qu'augmente sa sympathie pour la Russie.
Ce que l'on peut percevoir comme une radicalisation face à l'accélé
ration de l'Histoire, est le fruit d'une lente évolution (d'une prise de
conscience historique et sociale qui affecte jusqu'au théâtre qu'il écrit avec
son frère Manuel)4. Sans commettre l'erreur de prendre Machado pour un
théoricien et encore moins pour un militant politique, comment envisager la
trajectoire de ce poète qui se croyait jacobin 5 et ne fut pas insensible à l'idée
d'une possible fraternité universelle qu'il entrevoyait dans l'avènement
hypothétique d'un communisme compris comme un retour au christianisme
primitif? Il y avait loin, bien évidemment, de ce désir de vaincre la solitude,
de favoriser la communication sociale 6 et de voir se manifester une nouvelle
sensibilité collective à la conception matérialiste de Marx.
Machado entreprend cependant une réflexion sur l'Histoire, le progrès,
la révolution, le socialisme et le réformisme, qui, unie à une vision mythique
de la Russie et de la Révolution russe, lui permet, malgré sa méconnaissance
et sa réfutation du marxisme, d'en proposer une réinterprétation humaniste,
à la lumière du tolstoïsme social.
UNE RÉFLEXION SUR L'HISTOIRE, LE PROGRÈS ET
LA RÉVOLUTION
Peu importent dès lors les masques du poète ou qu'il ne soit pas
parvenu à imposer sa forme (dans sa volonté de rénover le «romance»). De
l'espace au temps, de la durée au dialogue, du rêve à la préoccupation
sociale, de l'épopée (ébauchée dans La Tierra de Alvargonzâlez, puis
4. Domingo Yndurain, «En el teatro de los Machado», Homenaje a Antonio Machado,
Salamanque, Université de Salamanque, 1975, p. 297-313.
5. Voir son autoportrait : «Hay en mis venas gotas de sangre jacobina, / pero mi verso
brota de manantial sereno ; / y, mâs que un hombre al uso que sabe su doctrina, / soy en
el buen sentido de la palabra, bueno.», «Retrato», Campos de Castilla, O.P. P., p. 125.
6. «Es évidente que cualquier posiciôn filosôfica-sensualista o racionalista que ponga en
duda la existencia real del mundo externo convierte eo ipso en problemâtica la de
nuestro prôjimo», Juan de Mairena, XXXVIII, O.P. P., p. 749. ANTONIO MACHADO ENTRE L'UTOPIE ET L'ÉPOPÉE 7
retrouvée dans le combat des miliciens républicains) à l'utopie (en imaginant
certains traits cordiaux d'un socialisme futur), les chemins de Machado sont
certes gradués mais toujours cohérents.
Le contemporain indifférent ou ironique qu'il fut initialement7 ne
pouvait certes se transformer inopinément en témoin de son temps. Dans
une telle trajectoire l'influence du républicanisme bourgeois hérité de ses
ancêtres, ou celle de l'éducation au sein de la Institution Libre de Ensenanza,
sont évidentes mais non exclusives. Car l'on ne peut pas sous-estimer le
poids des circonstances internationales et nationales, qui conduisent l'écr
ivain et le penseur, préoccupé par le thème philosophico-poétique du temps,
à s'intéresser à l'Histoire, à des questions telles que la guerre et la paix, puis à
se forger une conscience politique, avant de militer à sa façon pour la
défense de la culture et le gouvernement légitime de la République, d'une
IIIe République, issue des élections gagnées par le Frente Popular, le 16
février 1936 8.
Après avoir dépassé ses réactions initiales face à la politique, qui vont
de la satire (1893) au désintérêt et au scepticisme, Antonio Machado se
forge, au contact de la réalité espagnole (question sociale) et des pratiques
politiques du régime de la Restauration (corruption, élections falsifiées et
caciquisme), une conscience d'écrivain et de citoyen. Il commence, à partir
de 1912, et jusqu'en 1926 environ, une réflexion critique, qui est d'abord de
nature culturelle et pédagogique, comme celle des écrivains qui veulent
parler au peuple, bien que dans son cas il n'y faille voir aucun préjugé
élitiste. Celle-ci lui permet de préciser, sous le poids des circonstances
extérieures (Première Guerre mondiale, Révolution russe, création de la
S.D.N., etc.) et intérieures (Guerre du Maroc, dictature de Primo de Rivera,
IIe République, Guerre Civile et intervention des puissances de l'Axe)
quelles sont ses idées politiques (1931-1934), et de montrer ensuite quel doit
être, à son avis, le comportement social et politique de l'intellectuel (1937-
1939), et de militer pour la défense et la diffusion de la culture.
Dès lors, ce poète, à la poétique infiniment plus moderne que sa propre
pratique poétique, aux idées esthétiques et politiques initialement enracinées
dans le XIXe siècle, abandonne le libéralisme générique de ses ancêtres 9 et
l'idéalisme krausiste, pour prendre part au débat d'idées et à l'action
politique et faire face à une situation de tension sociale croissante.
Voir les premiers textes de Machado publiés dans la revue de Enrique Paradas La
Caricatura, sous le pseudonyme de «Cabellera». Ils ont été édités par Aurora de
Albornoz dans son livre Laprehistoria de Antonio

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents