Émotion et paysage : subjectivité et extériorité au sein de l expérience poétique de la Chine - article ; n°3 ; vol.3, pg 89-112
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Émotion et paysage : subjectivité et extériorité au sein de l'expérience poétique de la Chine - article ; n°3 ; vol.3, pg 89-112

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Extrême-Orient, Extrême-Occident - Année 1983 - Volume 3 - Numéro 3 - Pages 89-112
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 33
Langue Français
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Extrait

Chantal Chen
Émotion et paysage : subjectivité et extériorité au sein de
l'expérience poétique de la Chine
In: Extrême-Orient, Extrême-Occident. 1983, N°3, pp. 89-112.
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Chen Chantal. Émotion et paysage : subjectivité et extériorité au sein de l'expérience poétique de la Chine. In: Extrême-Orient,
Extrême-Occident. 1983, N°3, pp. 89-112.
doi : 10.3406/oroc.1983.896
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/oroc_0754-5010_1983_num_3_3_896ET PAYSAGE : SUBJECTIVITE ET EXTERIORITE EMOTION
AU SEIN DE L'EXPERIENCE POETIQUE DE LA CHINE
Chantai Chen
<r Les bambous que je porte en moi ne sont ni ceux que perçoit
mon regard [... ] ni ceux que trace ma main. » (1) (Zheng Banqiao).
<r Je ne me distinguais plus de ce paysage, je n 'en étais plus que
la conscience. » (2) (Chevrillon).
89 1. Zheng Banqiao (1693-1765), Tihua, cité par Qiu Zhengsheng dans Zhongguo
gudian wenyi lilun lieshi, Guangxi renmin chubanshe, 1981 , pp. 24-25.
2. ChevrUlon, « La Sagesse d'un Brahmane », Sanctuaires et paysages d'Asie, Paris,
1905, p. 167.
3. Yi, équivaut souvent à si (pensée), ou plutôt à qingsi: pensée née de l'émotion,
pensée conçue comme un retour de l'émotion sur eUe-même, comme une sublimation de
l'émotion. « Selon le commentaire: chez le poète, l'émotion précède la pensée, à la phase
de réflexion succède une phase de maturation, enfin, parvenu à l'état de plénitude, il
passe à la création. » Wang Ziyuan, Sizijiang de lun, cité par Xu Fuguan, « La notion de
souffle vital dans la littérature chinoise » (Zhongguo wenxuezhong de qi de wenti),
Zhongguo wenxue lunji, Taiwan, Xuesheng shuju, 1974, pp. 315-316. Pour l'équivalence
de la notion de yi à celle de si voir l'article de Huang Baozhen, « Sur la phUosophie de
la poétique de Sikong Tu » (Lun Sikong Tu de shige zhexue) dans Gudai wenxue lilun
yanjiu, 1982, n° 7, p. 192. Voir aussi dans le même numéro l'article de Hu Xuefeng,
« Essais sur la vision poétique » (Shi lun yixiang), p. 52.
4. Pour la différence entre la notion de Yijing et ceUe de yixiang voir l'article de Hu
Xuefeng pp. 61-62. Bien que ces deux notions évoquent l'une et l'autre la communion
du sujet avec l'objet, de l'homme avec la nature, les poètes Tang, tels Jiaoran dans son
Shishi, ont cependant opéré entre eUes la distinction suivante: la notion de yixiang donne
la primauté à l'émotion, à laqueUe le paysage, par analogie (bixing), servira de support,
de révélateur, tandis que la notion de yijing met l'accent sur le paysage formel dans le
quel l'émotion vient se fondre. Ce second mouvement aboutit à une occultation plus
grande du sens, en sorte que l'émotion, sous-jacente au paysage, ne se manifeste pas de
prime abord. Nous traduisons la somme de ces deux notions par ceUe d'espace poétique.
Relevons au passage que la théorie du « Einfuhlung » développée en Occident au dix-
neuvième siècle n'innovait pas.
5. « Jing zhong qing, qing zhong jing », Wang Fuzhi (1619-1692), Jiang zhai shihua,
deuxième partie, paragraphe 14, dans Qing shihua, Guji chubanshe, Shanghai, 1978,
vol. 1, p. 11.
6. Voir au sujet de ce terme la mise en garde de P. Ryckmans, « Poésie et peinture,
aspects de l'esthétique chinoise classique », dans la Revue d'Esthétique, 1983, n°5,
p. 23, note 9. Ce terme ne désigne nuUement une transcendance, mais la « force motrice
qui anime de l'intérieur l'ensemble du processus de la création cosmique ».
7. « Jing sheng qing, qing sheng jing », Wang Fuzhi, Jiangzhai shihua, paragraphe 16,
op. cit. p. 6. Voir aussi le chapitre huit des Propos sur la peinture de Shi Tao : « Il y a cin
quante ans U n'y avait pas eu co-naissance de mon Moi avec les Monts et les Fleuves, non
pas qu'ils eussent été valeurs négligeables, mais je les laissais seulement exister par eux-
mêmes. Mais maintenant les Monts et les Fleuves me chargent de parler pour eux; ils sont
nés en moi et moi en eux... » (Traduction de P. Rychmans, Mélanges chinois et bouddhiq
ues, vol. 15, 1970, p. 145).
8. Cette question a été posée par N. Vandier-Nicolas à propos de Mi Fu (1052-1 107) :
« On peut se demander s'il se séparait du pur contemplatif lorsque, sous la pression d'un
besoin irrésistible, û extériorisait le corps vaporisé du paysage, après l'avoir nourri de sa
propre essence. » Art et sagesse en Chine, P.UJ?., 1964, p. 246. La suite du texte semble
mer l'existence d'une phase intermédiaire entre l'identification qui se produit au terme
de la méditation et ceUe qui se manifeste dans l'uvre.
90 Conscience (Yi, disposition de la conscience subjective) (3) ou
émotion (qing), paysage (jing ou xiang, le monde objectif et ses
figurations), voici que se trouvent rapprochées, en un raccourci
dialectique, deux notions qui ont souvent été tenues pour anta
gonistes en Occident.
Yifing, vision/espace poétique (4) -.dans l'espace réduit du poème,
ou du tableau, se rejoue, avec la même intensité, Tenieu existentiel
qui fut celui du sujet devant l'univers, avant que ne s'opère le pas
sage au plan de la création artistique:
<r Émotion incorporée au paysage,
Paysage en germe dans l'émotion. » (5)
Ces vers en forme de diptyque qui Uent entre eux l'espace inté
rieur (qing) et l'espace extérieur (jing) affirment aussi l'exigence
qui est à la base de toute perfection artistique: l'auteur, semblable
au Créateur (6), doit se garder de trop montrer sa main, d'imprimer
de façon délibérée sa marque sur l'ouvrage. Tout au plus ne doit-il
laisser deviner de lui-même que ce qui s'est incorporé à Tuvre
créée.
Fusion, identification qui évoque celle qui se produit au terme
de la méditation lorsque sujet et objet, donnés ensemble, viennent
à Texistence simultanément, s'engendrent l'un par l'autre (7).
La question qui se pose à nous est la suivante : est-il possible de
saisir une émergence du sujet entre ce moment d'avant la percep
tion, avant que la conscience réfléchie n'introduise Taltérité, et
celui du passage à un discours qui ne peut atteindre la perfection
qu'en réaffirmant l'identité (8) ?
Placée dans cette perspective ontologique, la création poétique
se produit bien au terme d'une méditation. EUe passe par une
extase et nécessite une ascèse spiritueUe dont poètes et théoriciens
chinois ont longuement souligné l'importance.
91 1. « Xu tai er jing », Xunzi, chapitre JiebL Expression employée aussi dans le sens
de faire table rase des idées reçues afin qu'eUes ne nuisent pas à la disponibilité (bu yi
suo cang, hai suo jiang shou), cité par Wang Yuanhua, « La notion de vide et de calme
chez Liu Xie » (Liu Xie de Xujing shuo) dans Wenxin Diaolong chuangzao lun, Shanghai,
Guji chubanshe, 1979, p. 115.
2. « Il faut posséder la montagne pour créer, mais U faut posséder les rides pour pou
voir exprimer pratiquement cette création ». (Les rides: terme technique oui désigne
certains traits de pinceaux). Les Propos sur la peinture de Shi Tao, P. Ryckmans, op. cit.,
p. 71 . « Si la Voie de la littérature se ramène à l'inspiration, cet ébranlement de l'âme lié
aux dispositions de l'écrivain, U n'en reste pas moins nécessaire de se nourrir quotidien
nement des Classiques et des Annales. Ainsi, au cours de cette mise en branle de l'émo
tion qui se produit au contact des réaUtés extérieures, de rencontre subite, les mots
qui se pressent sur les lèvres, ou les idées insaisissables, décident du sujet de l'uvre,
dictent la plume: rencontres fortuites d'un instant, mais qui reposent sur l'enrichissement
de tous les jours... sans lequel l'esprit s'épuiserait, car rien ne viendrait paUier au néant
qui l'habiterait. » Yuan Shouding (1705-1782), Zhan bi cong tan, cité par Zhang Shao-
kang « La réflexion esthétique dans la Chine ancienne » (Wo guo gudai de yishu gousi
lun), dans Gudai wenxue lilun yanjiu, 1982, n° 7, p. 30.
3. Su Shi, Wen Yuke yundong gu yan zhu ji et Xuanhe huapu, cité par Zhang Shao-
kang.p. 35-36.
4. Poème de Zhao Buzhi traduit dans Anthologie de la poésie chinoise classique,
Gallimard, 1962, p. 358

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