L Ami du trait - article ; n°1 ; vol.29, pg 27-43
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Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1979 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 27-43
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 72
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Bernard Zarca
L'Ami du trait
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 29, septembre 1979. pp. 27-43.
Citer ce document / Cite this document :
Zarca Bernard. L'Ami du trait. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 29, septembre 1979. pp. 27-43.
doi : 10.3406/arss.1979.2647
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1979_num_29_1_2647:
ITINERAIRE
D'UN COMPAGNON
HARPENTIER
bernard zarca
LAMIDU
certaines législations étrangères n'uti
lisent pas le critère de la taille de
l'entreprise, comme il est fait en
France, pour délimiter le secteur des
métiers. Or, la vocation du compa
gnonnage est de former des hommes
de métier et d'en perpétuer l'esprit à
travers les générations, en un combat
que d'aucuns qualifieront d'arrière-
garde et qui est, en tout cas, très
inégal, contre les valeurs de «la civilisa
tion industrielle». Il nous fallait trouver
quelque porteur «fidèle» et «ver
tueux» des valeurs du compagnonnage
qui ne fût pas cependant un dévot
passéiste, que l'avenir interpellât assez
pour qu'il consentît à parcourir par la
pensée son itinéraire à l'intention de
ce pur produit des sociétés complexes Illustration non autorisée à la diffusion
modernes qu'est le sociologue.
L'Ami du trait naquit en 1929
dans un petit village de Loire Atlanti
que, de parents agriculteurs. Il décrit
ainsi le milieu où il vécut son enfance
— J'ai vécu dans un milieu agricole
assez dur, dans le Sud de la Bretagne,
dans cette région limitrophe de la
Vendée aux traditions quand même
assez riches en raison des Chouans.
C'était un milieu de pauvreté, de
grande pauvreté. Il y avait même des
croyances à la sorcellerie; pas à la
sorcellerie, mais enfin à des choses très
très anciennes. C'était un milieu
enraciné dans le passé. Mais ces racines
dans le passé m'ont apporté beaucoup
de choses, très jeune, parce que c'était Celui-là s'est à ce point élargi en ses très dur, pendant et même avant la On de l'artisanat ne saurait donner sans parler une image du compafidèle institutions qu'il a fait place, chez guerre. C'était même difficile d'arriver gnonnage, non point uniquement nous, à des travaux auxquels ne à nourrir les enfants. J'étais donc parce que ses différentes associations s'applique plus la notion de métier. habitué à voir un milieu familial où ont joué un rôle déterminant dans IVLiis il est par ailleurs bien difficile de l'on citait davantage la misère, mais où l'histoire des hommes de métier, mais tracer une frontière entre l'artisanat et il y avait aussi des sentiments et une parce qu'elles perpétuent aujourd'hui la petite industrie. La taille de l'entre solidarité très forts. Je crois que c'est encore des traditions et sont les prise n'est pas à elle seule un critère là une des sources du reste de ma vie. gardiennes d'un esprit dont l'artisanat distinctif pertinent, et il est des Je pense que c'est une des sources est marqué, sinon dans ses structures, métiers qui requièrent la coopération
du moins en son ethos (I). On ne doit de plusieurs hommes sur un même
évidemment pas identifier l'artisanat 1— Cette étude fait partie d'une chantier sans que pour autant la
au compagnonnage. Celui-ci forme recherche plus vaste réalisée avec l'aide division industrielle du travail les ait aussi des ouvriers d'élite de l'industrie. pénétrés. C'est sans doute pourquoi du CORDES. 28 Bernard Zarca
principales auxquelles j'ai puisé. Il y communication entre les hommes qui Le fils de paysan fait donc son devoir
avait une certaine modestie, un certain refoulait le conflit. de fils tout en cultivant ses disposi
Les valeurs du compagnonnage qui tions manuelles et en poursuivant ses courage, beaucoup d'honneur, beau
structurent ces souvenirs d'enfance, études. Attaché à la terre, il rêve de coup de fierté quand même. On
n'allait pas montrer sa peine aux nous en ferons plus loin la nécessaire partir. Les gens de la ville lui ont fait
analyse. Suivons d'abord le garçon que entrevoir un univers fascinant qu'il autres. Il y avait aussi de l'affection, de
devançait une fille de trois ans son brûle de découvrir. L'instituteur l'a l'amour, mais surtout ces vertus que
aînée et qu'allait suivre une benjamine très certainement encouragé à suivre sont le courage, l'honnêteté, surtout plus jeune que lui de sept ans, unique l'honnêteté. J'ai vécu là ces périodes ces cours par correspondance. Mais
très dures que furent l'avant-guerre et enfant mâle qui eût dû, très normale comment le fils pouvait-il aller à ment, prendre la suite du paterfamilias. la guerre. J'ai eu la chance de voir rencontre de la volonté du père ?
des réfugiés, des gens de différentes Seule la complicité d'une mère allait
villes que nous avons aidés. Nous avons permettre d'éviter que n'éclate un —Alors justement, vos parents n'ont-ils d'ailleurs gardé certains contacts avec conflit entre les seuls hommes d'une pas pensé que vous deviez... certaines personnes. Là, j'ai vu aussi la même famille. —Prendre la relève ? Oh si ! Oh que si ! générosité de mes parents, des gens, La sœur aînée avait dû quitter la ferme des agriculteurs; comment ceux-ci parce que c'était assez pauvre. Elle pouvaient créer des liens avec d'autres Apprentissage avait été placée chez un docteur milieux. Pour moi, étant gamin, c'était — Avez-vous cherché vous-même un comme on place maintenant les des horizons nouveaux, mais toujours maître d'apprentissage ? domestiques. Ça faisait une bouche de une communication des hommes. Il y —Oui, j'ai cherché aux alentours. Et moins à nourrir (...). Moi, arrivé à l'âge a là, je crois, une deuxième source avec la maman, on en a discuté. Après de douze ans, j'aurais aimé continuer d'ouverture (...). Mon père était un cela a été difficile de présenter ça au l'école; mais comme le père avait homme très droit mais très dur, très père. Je suis rentré pour faire cet démarré tout petit —il a dû ensuite ferme. Donc, très jeune, j'ai été apprentissage presqu'à contre-cœur évoluer, constituer toute une ferme, habitué à travailler, en dehors même (3), presque contre l'avis du paternel. tout un cheptel (2)— il a alors pensé de l'école. Dès qu'on rentrait, il y avait Parce qu'il m'aurait bien gardé. Mais ça que le gamin, le garçon, pouvait les leçons à apprendre, les quelques ne me plaisait pas. Entrer en apprentisl'aider. Mais moi, avec toute cette devoirs à préparer; mais il fallait aussi sage était pour moi un moyen de évolution, cette ouverture pendant la aider quelquefois à la ferme (...). Très m'épanouir, de pouvoir partir vers une guerre..., et puis ce n'était pas vraiment jeune, dès six, sept ans, on était ouverture nouvelle. Il y a donc eu un de mon goût ! J'ai dû tout jeune tenir habitué à travailler et à participer à la petit tiraillement, un petit passage un la charrue lorsque mon père souffrit vie complète. La vie complète : ses peu dur. Et puis, au bout de deux, de rhumatismes. J'étais comme une joies, ses misères. Des joies, il y en trois mois, comme je travaillais, j'ai pu ablette, très long et très mince, et avait : des veillées avec les grands- apporter tout de suite mon écot et quelquefois la charrue me projetait. parents, avec les amis. Il y avait des indemniser ma nourriture —chose dont C'était trop dur et j'étais trop léger. rigolades. Je pense que c'est vraiment on ne parle plus maintenant... (4). J'ai donc dû faire la terre pendant un quelque chose de sain. De sain, parce A cette époque-là, il y avait déjà une ou deux ans, au moment où j'ai quitté que c'est la famille, c'est la société, indemnité obligatoire; mais on me l'école [à douze ans, après le CEP], c'est la communication, c'est l'estime, payait un peu plus parce que j'essayais alors que j'aurais aimé continuer, que et c'est les hommes tels qu'ils sont, tels de faire un travail. J'avais déjà été j'avais des dispositions. La dernière qu'ils s'épanouissent, tels qu'ils vivent. endurci au Je travaillais peut- année, j'avais de très bonnes no

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