L'EMPIRE ROMAIN
ÉVOLUTION ET DÉCADENCE
GUSTAVE BLOCH (1848-1923) - PROFESSEUR À LA SORBONNE
PARIS - 1922
PREMIÈRE PARTIE — LES EMPEREURS
CHAPITRE I. — Auguste et la fondation de l'Empire. - Le compromis entre la
République et la Monarchie (27 av. J.-C. - 14 ap. J.-C.)
§ 1. La politique d'Auguste - § 2. Les pouvoirs de l'Empereur - § 3. La religion impériale
- § 4. La réforme religieuse et morale - § 5. Le Sénat et l'ordre équestre - § 6. La
question de la transmission du pouvoir
CHAPITRE II. — La dynastie des Jules et des Claudes. - Le conflit avec le
Sénat (14-68 ap. J.-C.)
§ 1. Tibère (14-17). La loi de majesté et la préfecture du prétoire - § 2. Caligula (37-
41). Le premier essai d'une monarchie orientale. La tentative de restauration
républicaine - § 3. Claude (41-51). Le gouvernement des affranchis. La politique anti-
sénatoriale. Les faveurs aux chevaliers et aux provinciaux - § 4. Néron (54-68). La
faillite du régime impérial.
CHAPITRE III. — La crise après Néron. - L'ébranlement de l'Empire. -
L'entrée en scène des armées provinciales (68-69)
§ 1. Les armées vers la fin du premier siècle - § 2. Le soulèvement de la Gaule. La fin
de Néron - § 3. Galba. Le soulèvement de l'armée germanique et l'opposition à
Rome - § 4. Othon et Vitellius. La réaction des prétoriens. L'armée germanique et
l'Italie - § 5. L'intervention de l'armée d'Orient. Vespasien.
CHAPITRE IV. — Les Flaviens et la restauration de l'Empire. - Les Antonins.
- L'âge d'or de l'Empire. - Les progrès de l'idée monarchique (69-180)
§ 1. Vespasien (69-79). L'avènement d'une noblesse italienne et provinciale.
L'opposition du Sénat et des philosophes - § 2. Titus et Domitien (79-96). Le
renouvellement de la guerre contre le Sénat - § 3.- Nerva et Trajan (96-117). Principat
et liberté. Le principe de l'adoption - § 4. Hadrien (117-138). Un empereur
cosmopolite. Les atteintes à la compétence du Sénat. L'organisation de l'ordre
équestre. Le consilium principis - § 5. Antonin (438-461). La paix romaine. Marc Aurèle
(164-180). Le danger extérieur. Le collège des deux Augustes.
CHAPITRE V. - La crise du troisième siècle. - L'anarchie militaire et la
dislocation de l'Empire (180-268) § 1. L'Empire aux enchères. Commode. Pertinax. Didius Julianus (180-193) - § 2.
Septime Sévère et Caracalla (193-217). L'Empire militaire, anti-sénatorial, anti-italien -
§ 3. Élagabal (218-222). L'invasion des idées orientales. Alexandre Sévère. La réaction
sénatoriale (222-235) - § 4. Maximin (235-238). La revanche de l'armée. Pupien et
Balbin. La revanche du Sénat. Gordien III (238-244). Les empereurs illyriens. Decius et
la mêlée des prétendants (248-253). Faiblesse du Sénat - § 5. Les invasions. Valérien
et Gallien. La dislocation de l'Empire. Les empereurs provinciaux (253-268).
CHAPITRE VI. - Du rétablissement de l'unité au partage définitif de l'Empire
(268-395)
§ 1. Claude (268-270). Aurélien (270-278). Le rétablissement de l'unité. Les débuts de
la monarchie orientale (276-282). Probus (284-303). L'essai de conciliation avec le
Sénat - § 2. Dioclétien (284-303). La monarchie orientale. La tétrarchie. Ruine de la
tétrarchie (303-323) - § 3. Constantin (323-337). La déchéance de Rome et la
fondation de Constantinople. Le partage définitif de l'Empire (393).
DEUXIÈME PARTIE — LES INSTITUTIONS
CHAPITRE I. - Le Haut Empire
§ 1. L'extension du droit de cité. La romanisation - § 2. L'assimilation de l'Italie aux
provinces - § 3. Les assemblées provinciales - § 4. Le régime municipal. Les
Augustales.
CHAPITRE II. - Le Bas Empire
§ 1. Le nouveau système administratif. La nouvelle noblesse. Les vices de
l'administration - § 2. La situation économique. La dépopulation et la misère. Le
colonat et la grande propriété - § 3. Le problème financier. La crise monétaire. Le
régime fiscal - § 4. La décadence du régime municipal. Les curiales. La fixité des
conditions - § 5. L'armée et les Barbares - § 6. Le christianisme. Si le christianisme est
responsable de la chute de l'Empire. PREMIÈRE PARTIE — LES EMPEREURS
CHAPITRE I. — Auguste et la fondation de l’Empire. - Le compromis entre la
République et la Monarchie (27 av. J.-C. - 14 ap. J.-C.)
§ 1. — La politique d’Auguste.
Lorsque la dernière armée de la République eut succombé avec Brutus et
Cassius, lorsque la défaite de Sextus Pompée, l’abaissement de Lépide, la mort
d’Antoine n’eut laissé au parti Césarien d’autre chef qu’Octave, toute résistance
tomba. Les plus intraitables avaient péri par la guerre ou la proscription. Les
autres, parmi les nobles, préféraient le présent avec sa sécurité au passé avec
ses périls. Et combien, dans les générations plus jeunes, en restait-il qui avaient
vu la liberté ?
C’est en ces termes que Tacite décrit la situation au lendemain d’Actium (30 av.
J.-C.). Après tant de désastres publics et privés, les circonstances étaient
favorables pour reprendre à nouveaux frais l’œuvre interrompue de César, et
c’est en effet ce que fit son héritier et son vengeur, mais ce fut dans un autre
esprit, par d’autres moyens, détournés et plus sûrs. Dans la politique qu’il
adopta, la prudence entra pour beaucoup. La leçon des Ides de Mars l’avait
instruit et, malgré l’universelle lassitude, le danger d’un deuxième attentat ne lui
paraissait pas conjuré, mais la suite des événements, la force même des choses
suffisaient pour lui montrer la voie où il devait s’engager et qui cette fois aboutit
à l’établissement définitif de la monarchie.
Les triumvirs avaient commencé par se partager l’empire en coupures
arbitrairement et bizarrement enchevêtrées. Puis ils avaient procédé à une
répartition plus rationnelle. Antoine se replia sur l’Orient, Octave eut l’Italie avec
l’Occident. A Lépide qu’on peut ne mentionner que pour mémoire, car il disparut
très vite de la scène, on attribua l’Afrique.
Le lot d’Octave semblait au premier abord le moins avantageux. Il trouvait l’Italie
dans un état enrayant, affamée par la flotte de Sextus Pompée, bouleversée par
les proscriptions et les confiscations, couverte de populations fugitives, en proie
aux excès d’une soldatesque sans frein. Pour triompher de ces difficultés, un tout
jeune homme à l’extérieur chétif, médiocre soldat, de petite et récente noblesse,
sans autre titre que son adoption par César, n’ayant encore à sois actif que les
proscriptions ordonnées avec ses deux collègues et la victoire de Philippes, qui
n’était pas la sienne et où il avait fait assez piètre figure. Avec une habileté au-
dessus de son âge, il fit face à tout. Il étouffa la révolte italienne à Pérouse avec
une énergie sauvage où l’on retrouva l’homme qui avait signé l’arrêt de mort de
milliers de Romains (41). Mais ce fut son dernier acte de cruauté. A partir de ce