La mémoire des  visages - article ; n°1 ; vol.83, pg 153-198
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Description

L'année psychologique - Année 1983 - Volume 83 - Numéro 1 - Pages 153-198
46 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Guy Tiberghien
La mémoire des visages
In: L'année psychologique. 1983 vol. 83, n°1. pp. 153-198.
Citer ce document / Cite this document :
Tiberghien Guy. La mémoire des visages. In: L'année psychologique. 1983 vol. 83, n°1. pp. 153-198.
doi : 10.3406/psy.1983.28458
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1983_num_83_1_28458L'Année Psychologique, 1983, 53, 153-198
REVUES CRITIQUES
Laboratoire UER de Psychologie de expérimentale, et des Sciences ERA-CNRS de V Education1 796
LA MÉMOIRE DES VISAGES
par Guy Tiberghien
SUMMARY : The memory of faces.
The face is a complex pattern of stimuli of close familiarity, highly
socialized with a strong emotional value. The researches relating to the
memory of faces therefore raise methodological problems quite specific as
regards their perceptual identification, their mnemonic recognition, their
recall, their reproduction or their reconstruction. The study of face memory
also presents important theoretical questions concerning the characteristics
of the encoding processes of phsyiognomic information, the nature of their
mnemonic representation, or lastly, the qualities of the processes which
make their retrieval possible. The survey of these general problems is
followed by the analysis of the comparative and differential aspects of the
memory of faces, of the singularities of its genetic development and of its
pathological alterations. The knowledge gathered in this particular field
of human memory has promoted the appearance of a cognitive psychology
applied to eyewitness testimony in the trial proceedings.
Key-words : memory, face recognition, eyewitness testimony.
Le visage humain est un stimulus, ou plutôt une configuration de
stimulus, qui ne semble pas au premier abord devoir être traitée diff
éremment des autres stimulus physiques2. Et pourtant le psychologue
a de nombreuses raisons de lui accorder une attention toute parti
culière. En effet, le visage humain se présente tout d'abord comme un
pattern de stimulations d'une très grande complexité. Bien que ce soit
1. Université des Sciences Sociales, bp 47 X, 38040 Grenoble Cedex.
2. Je remercie particulièrement Patrick Mendelshon, collaborateur tech
nique à I'uer de Psychologie de l'Université de Grenoble II, pour sa parti
cipation à la réalisation matérielle de cet article. 154 Guy Tiber ghien
un stimulus « mono-orienté », le visage humain peut apparaître sous des
formes et avec des caractéristiques extrêmement variées. Cette variété
est tout à fait surprenante, puisque la combinaison de quelques traits
élémentaires en nombre fort réduit (cheveux, front, yeux, nez, bouche,
menton, joues, oreilles) suffit à engendrer des millions de visages diffé
rents. Si l'on excepte le cas, relativement rare, des jumeaux monozyg
otes, la probabilité de rencontrer, de par le monde, deux visages strict
ement identiques est quasiment nulle. Cette complexité est telle d'ailleurs,
que certains statisticiens ont proposé de représenter n'importe quel
ensemble de données multidimensionnelles par des visages dont chaque
trait pourrait symboliser une variable particulière (Chernoff, 1973 ;
Maxwell, 1977, p. 146-151 ; Wainer et Thissen, 1981, p. 222-223).
Cependant, tous les aspects d'un visage ne semblent pas avoir la même
importance psychologique et on a pu montrer expérimentalement
(fig. 1), dans des situations de description ou de classification, que
0
Visage présent
- -VISAGE ABSENT
Fig. 1. — Pourcentage de traits faciaux cités lors de la description de
visages présents ou absents. (Adapté de Ellis, Davies et Sheperd, 1977,
p. 228 ; Davies, Sheperd et Ellis, 1979, p. 35.)
l'individu est perceptivement plus sensible à la forme du visage, aux
cheveux, aux yeux et au nez qu'à la bouche, aux joues ou au front
(Davies, Sheperd et Ellis, 1979). Mais, malgré cette grande complexité,
le visage humain est une des configurations de stimulus les plus famil
ières qu'il soit possible de trouver. C'est cette familiarité du visage
humain qui nous permet de reconnaître, avec rapidité et précision, la
plupart de nos interlocuteurs et de nos relations. On comprend, dès mémoire des visages 155 La
lors, que cet « identifiant » universel ail: aussi une valeur moiivationnellt'
et sociale considérable. Il est fréquent d'entendre des jugements,
sommaires mais révélateurs, de la personne humaine fondés exclusive
ment sur la perception du visage : « II a une bonne (ou mauvaise) tête »,
« il a l'air intelligent (ou bête) », etc. Cet « art » qui consiste à juger le
caractère d'après les caractéristiques du visage a même été suffisa
mment en vogue au xixe siècle pour qu'on lui attribue un nom à conso
nance scientifique : la physiognomonie ! Cela démontre, en tout cas, que
le visage humain comme tout autre stimulus, peut être conditionné et
il y a là un vaste domaine d'investigations pour la psychologie sociale.
Par ailleurs, certains psychologues n'écartent pas l'idée selon laquelle
la figure humaine serait, chez le jeune enfant, un déclencheur « instinctif »
du sourire (Spitz, 1958) ou, à tout le moins, un stimulus générateur d'une
« acceptation primitive » (Le Ny, 1967, p. 119-121). D'autres psycholo
gues se sont intéressés à l'étonnante capacité du visage à exprimer les
émotions les plus diverses et même à les dissimuler et à les mimer
(Osgood, 1966 ; Fraisse, 1968, p. 131-137 ; Ekman et Oster, 1979 ;
Boucher et Carlson, 1980 ; Spignesi et Shor, 1981). Allant encore plus
loin dans cette voie, un psychiatre hongrois, Szondi, a construit en 1947
un test projectif fondé sur la préférence narcissique ou anaclitique de
visages sélectionnés dans diverses populations psychopathologiques
(Anzieu, 1960, p. 175-186). Tous ces développements démontrent, s'il
en était besoin, l'importance de la signification psychologique et sociale
du visage humain.
Ce n'est pourtant pas cet aspect psychosocial du problème que nous
envisagerons dans cette revue critique même si, parfois, nous n'hésiterons
pas à prendre en considération l'effet de tel ou tel facteur psychosocial
sur notre objet d'étude. Les questions que nous poserons ici sont d'une
autre nature et elles concernent la façon dont les lois et les théories de
la mémoire humaine s'appliquent à cette variété particulière d'informat
ions que constitue le visage humain. Nous nous demanderons, tout
d'abord, comment l'individu transforme l'information perceptive trans
mise par un visage en une représentation mnésique, c'est-à-dire, en
d'autres termes, que nous tenterons de préciser les conditions d'encodage
de l'information faciale. Nous nous interrogerons, ensuite, sur le mode
d'organisation des représentations mnésiques du visage en mémoire.
Enfin, nous analyserons les processus psychologiques permettant à
l'individu de retrouver en mémoire les informations physiognomoniques
relatives à un visage déterminé qu'il doit évoquer ou reconnaître. En
définitive, nous serons donc concerné par les contraintes exercées sur les
processus généraux de la mémoire humaine (encodage, organisation et
récupération) par un stimulus aussi singulier que le visage humain.
Le choix d'une telle problématique signifie donc que notre intérêt pour
la mémoire des visages est essentiellement d'ordre théorique et s'inscrit
dans la perspective d'une « psychologie cognitive appliquée » (Grune- 156 Guy Tiber ghien
berg, Morris et Sykes, 1978 ; Baddeley, 1979). Mais une telle étude
soulèvera évidemment des problèmes de méthode tout à fait spécifiques,
différents de ceux qui ont été soulevés et parfois résolus par les spécial
istes de la mémoire verbale. Il nous faudra donc décrire les situations
et les instruments permettant une approche scientifique de la mémoire
des visages. Nous continuerons notre étude par un panorama succinct
des effets différentiels qu'exercent certains facteurs sur la mémoire des
visages : évolution ontogénétique et phylogénétique, différences socio
culturelles, différences de personnalité et aspects psychopathologiques.
Enfin, nous évoquerons les applications de ces recherches dans les
domaines du témoignage judiciaire et de la reconnaissance automatique
des visages.
I. — PROBLÈM

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