La prison et ses histoires  ; n°3 ; vol.2, pg 309-324
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Déviance et société - Année 1978 - Volume 2 - Numéro 3 - Pages 309-324
16 pages

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Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 29
Langue Français
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Extrait

Robert Roth
La prison et ses histoires
In: Déviance et société. 1978 - Vol. 2 - N°3. pp. 309-324.
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Roth Robert. La prison et ses histoires. In: Déviance et société. 1978 - Vol. 2 - N°3. pp. 309-324.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1978_num_2_3_1747Déviance et Société, Genève, 1978, vol. 2, No 3, p. 309-324
Actualités bibliographiques.
LA PRISON ET SES HISTOIRES
R. ROTH *
L'intérêt porté, ces dernières années, à la prison s'inscrit dans le
renversement général opéré en criminologie et en sociologie du droit
pénal : de même que le chercheur ayant prise sur l'actualité déplace son
regard, renonçant à étudier le délinquant pour s'intéresser au contrôle
social 1 , les historiens de la délinquance ont centré de plus en plus leur
intérêt sur les différents stades de l'évolution des modes de réaction
sociale, formels ou informels, délaissant par là les descriptions typo
logiques auxquelles on avait l'habitude d'accoler le titre "histoire de la
criminalité" : il devient de plus en plus erroné de parler de "crimi
nologie historique" et seule l'expression "histoire du droit pénal" peut,
dans sa neutralité, rendre compte de la diversité des objets de recherche.
Il est en conséquence logique que, par sa méthode, ses objectifs et ses
sources, l'histoire des institutions de contrôle social non judiciaire
(asiles, maisons de redressement) semble plus familière aux historiens de
la prison que les études typologiques ou simplement descriptives des
criminels ou de la criminalité d'Ancien Régime ou de l'époque contemp
oraine.
Le présent texte se veut une revue choisie de l'historiographie
récente de la prison (nous dépasserons le moins possible le cadre des
années 70). La délimitation du sujet étant particulièrement malaisée en
la matière, le lecteur voudra bien comprendre les débordements qui,
nous l'espérons, n'amoindriront pas l'homogénéité de cette étude cen
trée sur l'institution carcérale.
* Université de Genève.
309 La recherche historique sur la prison ne date certes pas d'aujour
d'hui, ni même d'hier; à une ou deux exceptions près, les chercheurs
contemporains ont longtemps évolué dans les cadres tracés par les
classiques du genre : "construction d'une théorie matérialiste (au sens
marxien) du phénomène social : prison" 2 , sur le modèle de la grande
étude de Rusche et Kirchheimer 3 , qui montrent, comme leur titre
l'indique, les déterminants socio-économiques des modes de punir au fil
des temps, ou généalogie des idées et mise en place théorique de ce que
l'on a appelé dès le début du XIXème siècle "système pénitentiaire" :
les Allemands, et, en particulier, E. Schmidt 4 , sont les maîtres en la
matière, dans la grande lignée de M. Weber et d'une recherche inversant
les postulats marxiens5. Il a en fait fallu attendre les années 70 et,
singulièrement, les répercussions tardives des revisions théoriques opé
rées en histoire générale tant en France (Ecole des Annales) qu'en
Allemagne (sous l'impulsion de l'Ecole de Francfort) pour qu'éclate
cette dichotomie et que des travaux d' "histoire totale" voient le jour.
Il est clair que cette volonté de conceptualiser le phénomène répressif
dans sa totalité rencontre les postulats des tenants de 1' "histoire imméd
iate" 6 . Nous ne reprendrons toutefois pas ce dernier concept, faute
de pouvoir développer préalablement ici les a priori des sociologues qui
s'en font les héraults.
Certes, l'ambition de dresser des "lois" de l'évolution pénale, dont
l'établissement nécessiterait une recherche entreprise dans une perspect
ive interdisciplinaire, ne date pas de ce siècle, puisque l'on peut en
trouver l'ébauche chez Durkheim 7 . Il est toutefois difficile d'en trou
ver une concrétisation jusqu'à la parution de l'ouvrage de Michel
Foucault, Surveiller et punir 8 . Ce livre a donné prétexte à une mode
très parisienne, avant de faire naître une série de "réponses", plus ou
moins indépendantes et plus ou moins originales. La position très
particulière de l'ouvrage de Foucault dans l'historiographie récente nous
a d'ailleurs posé un problème dans la construction de ces "actualités".
Fallait-il partir de celui qui, en France et en Italie tout au moins, a joué
un rôle de phare, (ré-) orientant la recherche dans ce domaine ou
fallait-il adopter une clef de présentation plus classique, géographique
ou fondée sur les sources ou la méthode ? Nous avons tenté un
compromis en analysant d'abord le puissant courant "foucaldien" et
"anti-foucaldien" avant de revenir sur le reste de la production historio-
graphique actuelle. Le court développement consacré aux prémisses
conceptuelles de Foucault qui va suivre s'explique par le fait que ce
dernier auteur est le seul qui ait véritablement élevé le débat au niveau
d'une epistemologie à l'aide de l'exemple de l'étude de l'évolution de la
prison.
310 et punir" "Surveiller
On ne peut comprendre l'ambition de l'ouvrage de Foucault et
l'impact qu'il a pu produire sans remonter au projet général des recher
ches de cet auteur. Foucault se définit lui-même comme "un historien
des idées qui a voulu renouveler de fond en comble sa discipline" 9 . Son
maître, sinon son modèle, est Nietzsche, "le philosophe du pouvoir
comme Marx est celui de la production" 10. Comme Nietzsche, il va
pratiquer la généalogie qui est recherche à la fois de la Herkunft
c'est-à-dire de la provenance, de la souche et de YEntstehung, c'est-à-
dire du processus d'émergence * * . L'objet de l'entreprise généalogique
peut être un concept abstrait — la morale judéo-chrétienne chez
Nietsche ou, plus spécifiquement, l'idéal ascétique pour reprendre un
exemple de Foucault qui touche de près notre sujet — ou une institu
tion formelle, en l'occurence la prison "moderne". L'institution n'est
bien saisie qu'au travers du discours qui est porté sur elle : "l'aspect
généalogique concerne la formation effective du discours" et, alors que
"la critique analyse les processus de raréfaction, mais aussi de regrou
pement et d'unification des discours (...), la généalogie étudie leur
formation à la dispersée, discontinue et régulière" 12. Si l'on nous
permet cette image, l'objectif est la mise en perspective de l'institution.
Sur quelles sources s'appuye cette recherche généalogique ? S'étant
défini comme historien des idées, Foucault se rapporte à la matière sur
laquelle se dessinent les règles de la formation discursive ("les énoncés"
dans sa terminologie complexe ! 3 ). En quête des témoignages de la
pensée de l'époque étudiée, Foucault sait lire, dans Surveiller tout au
moins, aussi bien les imprimés que les faits (voir la célébrissime descrip
tion du supplice de Damiens qui ouvre l'analyse des techniques de
répression centrées sur le corps * 4 ) et les plans (le panoptique de
Bentham, symbole de la "société disciplinaire" * 5 ).
Les thèses de Surveiller et punir sont suffisamment connues pour
que l'on se contente ici d'en dresser un inventaire très sommaire :
naissance de la société de surveillance qui serait la nôtre, fondée sur le
contrôle, utilisation de la prison pour "fabriquer" la délinquance,
redistribution des illegalismes entre illegalismes de fait et illegalismes de
droit, "effet d'un discours à prétention scientifique — discours médical,
psychologique, sociologique — sur cet ensemble de pratiques et de
discours prescriptifs que constitue le système pénal" 1 6 , le tout assorti
de quelques aphorismes que le criminologue a peine à oublier : "le rôle
du psychiatre en matière pénale ? Non pas expert en responsabilité,
mais conseiller en punition" * 7 ; "la prison (...) n'est pas subordonnée

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