La protection chevaleresque ou les représentations masculines du traitement des femmes dans la justice pénale  ; n°2 ; vol.10, pg 147-175
30 pages
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Déviance et société - Année 1986 - Volume 10 - Numéro 2 - Pages 147-175
29 pages

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Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Colette Parent
La protection chevaleresque ou les représentations masculines
du traitement des femmes dans la justice pénale
In: Déviance et société. 1986 - Vol. 10 - N°2. pp. 147-175.
Citer ce document / Cite this document :
Parent Colette. La protection chevaleresque ou les représentations masculines du traitement des femmes dans la justice
pénale. In: Déviance et société. 1986 - Vol. 10 - N°2. pp. 147-175.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1986_num_10_2_1474Déviance et Société, 1986, Vol. 10, No 2, pp. 147-175
Actualités bibliographiques
LA PROTECTION CHEVALERESOUE
OU LES REPRÉSENTATIONS MASCULINES
DU TRAITEMENT DES FEMMES
DANS LA JUSTICE PÉNALE
C. PARENT*
Introduction
Le comportement criminalise féminin tout aussi bien que le traitement
des femmes dans la justice pénale ont constitué des thèmes longtemps igno
rés par les théoriciens et les chercheurs. La question criminelle étant essen
tiellement considérée comme une problématique «masculine», les travaux
et les recherches en regard des femmes ont marqué le pas. Aussi lorsque les
études autour du thème de la femme et la question criminelle ont connu un
essor durant les années 70, elles n'ont pu compter que sur un héritage limité
et déjà mal orienté. En effet, la production criminologique présentait déjà
nombre d'outils conceptuels et de grilles d'analyses adaptés à la réalité
« humaine », masculine. Leur capacité de rendre compte de la réalité vécue
par les femmes, faute d'être démontrée, prenait statut d'évidence. Qui plus
est, les quelques jalons déjà posés par les «hommes de science» en regard
du comportement criminalise féminin et de la prise en charge des femmes,
reflétaient les préoccupations masculines traditionnelles sur la « nature » des
femmes et leur rôle à l'intérieur de la société.
Aussi ne faut-il pas s'étonner de retrouver parmi les études publiées
depuis les vingt dernières années sur ce thème, de nombreuses contributions
qui sont demeurées prisonnières du passé, confinées dans une perspective
comparative (hommes vs femmes). Parmi les thèmes traités, nous identi
fions, en effet, l'insignifiance de la criminalité des femmes (le pôle de réfé
rence étant la criminalité masculine) et le traitement différentiel des femmes
au niveau de la justice pénale.
Le premier thème hante depuis toujours la production criminologique
sur les femmes 1. En effet, la comparaison statistique entre la criminalité
enregistrée chez les femmes et les hommes a joué le rôle d'une sirène pour
* Université d'Ottawa
147 les chercheurs : ce thème a suscité de nombreux débats et a réussi à se
renouveler périodiquement, au goût du jour. Depuis 1975, il s'alimente de
l'impact présupposé du mouvement de libération des femmes sur leur taux
de criminalité.
Le second thème, i.e. le traitement différentiel des femmes au niveau
de la justice pénale, ne sera véritablement introduit qu'en 1950 par Pollak.
Et là même, il faudra attendre les années 70 pour que soient entreprises un
certain nombre de recherches spécifiques sur ce thème. Elles porteront alors
sur différentes phases du processus pénal, des dispositions légales à l'exécu
tion de la sentence.
Dans ce travail, nous limiterons notre analyse aux recherches sur le
traitement différentiel des femmes au niveau de l'étape policière et du pro
cessus judiciaire, de l'arrestation à la sentence 2. En premier lieu, nous pré
senterons les origines et l'évolution des bases conceptuelles du questionne
ment autour du traitement différentiel des femmes au niveau de la justice
pénale. Ensuite, nous dégagerons les principaux résultats des recherches et
nous essaierons de déterminer dans quelle mesure elles ont permis de déga
ger des connaissances nouvelles sur le contrôle social des femmes au niveau
de la justice pénale, au delà du simple aspect comparitif. Nous conclurons
en nous interrongeant sur la pertinence et l'orientation future des
recherches autour de ce thème.
I. Les bases conceptuelles des recherches sur le traitement diffé
rentiel des femmes au niveau de la justice pénale
1. La justice « chevaleresque »
Le concept de chevalerie remonte au Moyen-Age occidental. Selon
PEncyclopaedia Universalis (1968 : 217), «une certaine manière de vivre et
l'éthique qui lui est liée constituent bien l'essence de la chevalerie ». Valeu
reux, loyal, non intéressé au profit, le chevalier se devait aussi d'être court
ois et au service de la dame élue afin de gagner son coeur. Il devait aussi
assistance à toutes les femmes et filles de chevaliers. Cette morale courtoise
qui bénéficia à une certaine classe de femmes, n'eut toutefois pas d'impact
sur la situation légale et économique de l'ensemble de celles-ci. Selon Millet
(1969: 51), le comportement chevaleresque aurait constitué à la fois une
concession du patriarcat envers les femmes et une technique destinée à mas
quer leur infériorité sociale.
Par ailleurs, si cette institution n'a pas survécu à son époque, elle a
influencé le code des bonnes manières qui régit les relations hommes/
femmes en Occident jusqu'à nos jours. En effet, beaucoup de femmes
reconnaîtront bénéficier de certaines marques de déférence des hommes,
attribuables à leur sexe. Mais pas plus qu'au Moyen-Age, la courtoisie ne
semble avoir exercé d'influence marquante au-delà de ces gestes de civilité.
Quoi qu'il en soit, certains chercheurs croiront retracer cette notion de che
valerie en regard du traitement des femmes au niveau de la justice pénale
dès 1907, dans l'oeuvre de Thomas. Celui-ci affirmait alors :
148 « L'homme est sans pitié pour la femme du point de vue de son comporte
ment personnel, et pourtant il l'exempte de tout en matière de moralité contract
uelle, ou voit ses fautes à ce niveau avec indulgence et même avec amusement».
(Thomas, 1907 : 234).
Ces propos, quant à nous, apparaissent indiquer plutôt une attitude
condescendante que chevaleresque et il nous faudra attendre jusqu'en 1950
pour une véritable introduction de la notion de chevalerie par Pollak. Selon
ce dernier, l'inégalité culturelle entre les sexes s'accompagne d'une attitude
masculine chevaleresque envers les membres du sexe « faible ». La socialisa
tion des hommes serait la clé explicative de leur attitude protectrice globale
envers les femmes.
Pollak affirmait donc que la courtoisie des hommes envers les
femmes, tangible au niveau des échanges de politesse, se répercutait sur la
pratique professionnelle des policiers, des procureurs de la Couronne, de
juges et des jurés. La chevalerie des bonnes manières permettrait ainsi
d'induire la chevalerie institutionnelle, du moins au niveau des appareils de
justice.
Cette élaboration théorique se heurte toutefois à quelques obstacles
importants. Premièrement, Pollak fait appel à un concept situé historique
ment, i.e. l'attitude chevaleresque, sans pour autant en délimiter les dimens
ions dans le cadre culturel qu'il étudie. En second lieu, en appliquant cette
qualité morale à tous les hommes, il unifie les valeurs culturelles des
hommes de son époque, quelle que soit leur classe sociale ou leur vision du
monde. Ensuite, il n'intègre pas ce concept dans le cadre plus large des rap
ports entre les sexes dans la société. Finalement, il ne tient pas compte du
fait qu'à travers l'administration de la justice, les relations hommes/femmes
sont médiatisées par l'impératif du contrôle social et par l'idéologie jur
idico-pénale. Car la femme qui est convoquée devant un juge est aussi une
justiciable, accusée ou reconnue coupable d'un délit. Aussi, si en regard des
bonnes manières, les règles du jeu entre hommes et femmes apparaissent
assez claires, on ne saurait les transposer telles quelles sans tenir compte de
la complexité des enjeux au niveau du fonctionnement de la justice pénale.
Le travail de Pollak ne réussira pas à soulever un intérêt immédiat
autour de ce thème mais sa thèse ne tombera pas dans l'oubli. Certains
ouvrages généreux de criminologie en fero

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