Le destin biologique de l Homme - article ; n°13 ; vol.4, pg 6-23
19 pages
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Le destin biologique de l'Homme - article ; n°13 ; vol.4, pg 6-23

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Description

Tiers-Monde - Année 1963 - Volume 4 - Numéro 13 - Pages 6-23
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 139
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Rostand
Le destin biologique de l'Homme
In: Tiers-Monde. 1963, tome 4 n°13-14. pp. 6-23.
Citer ce document / Cite this document :
Rostand Jean. Le destin biologique de l'Homme. In: Tiers-Monde. 1963, tome 4 n°13-14. pp. 6-23.
doi : 10.3406/tiers.1963.1315
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1963_num_4_13_1315Jean Rostand, de l'Académie française, a prononcé la conférence M.
inaugurale et M. Henri Laugier, qui n'avait pu assister à la
à la suite d'un léger ennui de santé, a accepté d'écrire quelques comment
aires inspirés par la lecture du discours de M. Jean Rostand.
LE DESTIN BIOLOGIQUE
DE L'HOMME
de par l'Académie Jean Rostand française (i)
C'est pour moi un grand honneur que de prendre la parole en cet Institut
d'humanisme social que dirige, si magistralement, M. François Perroux, et
dont toute l'activité reflète le beau souci d'assujettir les réalités économiques
aux aspirations humaines.
Ai-je besoin de vous dire que je ne connais rigoureusement rien aux méca
nismes sociaux qui font l'objet de vos recherches ? Et certes je déplore cette
ignorance, comme on doit déplorer toute ignorance ; mais je ne m'en sens
nullement disqualifié pour occuper la place où je me trouve, car je pense, oui,
j'ose penser qu'un biologiste est partout à sa place. Je l'ai dit bien souvent, et
j'ai plaisir à le redire aujourd'hui : il est impossible de pousser à fond l'étude
d'aucun problème humain sans tenir compte des enseignements de la science
de la vie. Telle est assurément l'opinion de ceux-là qui ont bien voulu faire
appel à moi pour inaugurer le cycle de ces leçons; et je les remercie pour un
choix où je veux voir la juste estime qu'ils font de la discipline que, très modes
tement, je représente.
Je me propose donc de vous parler du destin de notre espèce.
Que va-t-il advenir de l'homme ?
Sans doute un jour doit venir où une catastrophe sidérale engloutira le
système solaire; et peut-être même qu'auparavant, notre terre sera devenue ou
trop chaude ou trop froide pour nous supporter; mais nous nous garderons de
(i) Principaux travaux : sur la parthénogenèse, la tératologie des Amphibiens, et sur la
protection des cellules contre les effets de la congélation.
Livres : Lui vie des crapauds. Peut-on modifier l'Homme? Ce que je crois. Pensées d'un Biologiste. LE DESTIN BIOLOGIQUE DE L'HOMME
spéculer à ce sujet, manque de données positives, et faute de pouvoir imaginer
quels retards pourraient apporter à l'extinction de l'homme les progrès d'une
science qui, déjà, permet d'envisager l'essaimage de la fourmilière humaine.
Sauf cataclysme imprévu, l'homme peut compter que son bail planétaire
lui sera maintenu durant des trillions d'années.
Toutefois, de multiples dangers menacent son avenir.
Et d'abord, on pourrait supposer que l'espèce Homo sapiens s'éteignît
au bout d'un certain temps, par épuisement de son potentiel interne.
Combien de types organiques, animaux ou végétaux, ont jadis vécu sur
notre globe, qui ne subsistent plus aujourd'hui qu'à l'état de débris fossilisés !...
De vrai, il ne semble pas qu'un tel sort soit réservé à l'homme. Les biologistes
s'accordent à imputer les disparitions d'espèces non pas à quelque mystérieux
processus de sénilité spécifique, mais à l'action de causes positives et bien
définies : ou bien l'espèce se trouve supplantée par une autre, plus robuste,
plus féconde, mieux adaptée par sa structure ou par ses mœurs à l'ensemble
des conditions de milieu, ou bien elle ne peut s'accommoder d'un brutal
changement survenu dans ces conditions.
Or, il apparaît qu'aucun être vivant, parmi ceux qui lui sont contempor
ains, n'est taillé pour compromettre l'avenir de l'homme. Dépourvu de grands
moyens physiques, mais armé des pouvoirs décisifs de l'esprit, il ne craint ni
les grands fauves — que, paternellement, il protège — , ni les rats, ni le peuple
vorace et prolifique des insectes, ni même les infiniment petits — microbes
et virus — , pourtant si redoutables, mais auxquels son génie sait opposer une
défense sans cesse plus efficace.
Quant aux changements de milieu, il faudrait qu'ils fussent bien accentués
pour qu'il n'y pût faire face.
Si la lignée humaine est théoriquement immortelle, en revanche, est-elle
bien assurée de sa fixité ?
Dernier-né de l'évolution organique, l'homme en est-il l'aboutissement ?
Et n'est-ce point un simple mirage anthropomorphique qui l'induit à se
regarder comme le terme sinon comme le but du progrès vital ?
D'assez légers changements ont suffi pour tirer VHomo sapiens d'un être
moins doué, que sans doute il se chargea d'expédier par des procédés sommaires.
Pourquoi, à notre tour, et en vertu des mêmes causes qui nous ont suscités,
n'enfanterions-nous pas une bête nouvelle, Homo sapientior ou Metahomo ?
Il est, en effet, des biologistes pour augurer ce dépassement naturel, spont
ané, de l'humain; et l'on serait mal fondé à en dénier formellement la possib
ilité. Sans doute le monde organisé a-t-il l'air entièrement stabilisé, figé;
sans doute n'avons-nous jamais assisté au surgissement d'une espèce vraiment
neuve; mais que sont nos délais d'observation auprès des durées géologiques ? JEAN ROSTAND
De quel droit affirmerait-on la permanence d'un type organique dont la genèse,
il y a quelque cent mille ans, attestait encore la plasticité de la glaise vitale ?
Et, à supposer même que la vie se fût, depuis lors, immobilisée, quelle assurance
avons-nous qu'elle ne va pas, derechef, reprendre son mouvement, à l'inst
igation d'une circonstance imprévue?
On peut d'ailleurs imaginer que ce soit l'homme lui-même, et non pas
la nature, qui provoque la venue de cet Homo sapientior, digne de lui
succéder.
Soit qu'il modifiât les molécules de son patrimoine héréditaire, soit qu'il
réussît, par des actions directes, à accroître les dimensions de son organe céré
bral, l'homme, de ses propres mains, se donnerait un remplaçant, un héritier.
Suprême réussite, qui équivaudrait à une sorte d'auto-génocide; mais finir
ainsi pour l'avoir voulu serait moins rude à son orgueil que recevoir son congé
de la nature.
Même si l'homme persiste, s'il survit tel qu'il est, de lourdes menaces
pèsent sur lui, qui tiennnent à l'ampleur même de sa réussite et à la puissance
des moyens que lui fournit la science.
Quand on voit l'homme manier de si terribles énergies, encore toutes
fourrées d'inconnu, quand on le voit qui parle de faire fondre les glaces polaires,
qui se dispose à modifier le relief terrestre, à changer les climats, à perturber
l'équilibre des mers, voire à taquiner le vieux système solaire, comment ne
pas se demander si, un jour, trop confiant en l'infaillibilité de ses robots
électroniques, ou méconnaissant le jeu d'une cause insoupçonnable, il ne
commettra pas l'erreur monumentale dont on ne s'avise que trop tard pour
en prévenir ou corriger les effets...
On ne saurait non plus négliger le supplément de risques qu'introduit,
dans sa destinée, son entrée en relations avec les autres mondes... Depuis que,
s'élançant dans les espaces vierges, il ne loge plus en système clos, toute sa
relative sécurité pourrait se trouver mise en question. Va-t-il se heurter à
d'autres vivants, à d'autres formes organisées, capables de le mettre en péril ?
Rencontrera-t-il hommes, des plus qu'hommes ? Aura-t-il à soutenir
l'assaut de microbes, de virus, ou d'on ne sait quels agents pathogènes, contre
lesquels son astuce même se trouverait démunie ?
Mais venons-en à de plus proches sujets de crainte.
« Je tremble toujours — écrivait Rhedi à Usbek dans Les Lettres persanes —
qu'on ne parvienne, à la fin, à découvrir quelque secret qui fournisse une voie
plus abrégée pour faire périr les hommes, détruire les peuples et les nations
entières. »
Et Usbek de répondre, avec optimisme : « Non, si une si fatale invention
venait à se découvrir, elle s

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