Le pouvoir sur scène : contorsions politico-religieuses dans le théâtre de Soyinka. - article ; n°115 ; vol.29, pg 419-445

Christiane Fioupou

Description

Cahiers d'études africaines - Année 1989 - Volume 29 - Numéro 115 - Pages 419-445
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: CAHIERS_D-ETUDES_AFRICAINES
• Publié le: 01 janvier 1989
• Nombre de lectures: 55
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Madame Christiane Fioupou
Le pouvoir sur scène : contorsions politico-religieuses dans le
théâtre de Soyinka.
In: Cahiers d'études africaines. Vol. 29 N°115-116. 1989. pp. 419-445.
Abstract
C. Fioupou—Power on Stage: Political and Religious Contorsions in Soyinka's Dr amas.
The major themes, identified herein, of Wole Soyinka's theatrical works take the form of allegories of good and evil, and of
cruelty. As Soyinka's whole work centers around the political and religious contorsions of African leaders, it turns out to be an
extremely fierce satire of the powers that be. Though deahng exclusi-vely with Africa, Soyinka uses Western theatrical schemata,
borrowed in particular from Genet and Brecht. Beyond the purely literary aspects of his theater, a clear statement is made about
politics in sub-Saharan Africa.
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Fioupou Christiane. Le pouvoir sur scène : contorsions politico-religieuses dans le théâtre de Soyinka. In: Cahiers d'études
africaines. Vol. 29 N°115-116. 1989. pp. 419-445.
doi : 10.3406/cea.1989.1634
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cea_0008-0055_1989_num_29_115_1634CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE
Christiane Fioupou
Le pouvoir sur scène
contorsions politico-religieuses
dans le théâtre de Soyinka
VIEUX le esquiver BERO frapper rien existe-pas tu es déluge pas Oui air La la et omnipotent foudre et rassuré tu qui pause frappe Pourquoi peut sourire Tu ne Pourquoi Elle triomphant peux singes-tu pourrait pas toujours singes-tu provoquer celui-qui- bien Alors pas te le
Dans opéra yoruba de Duro Lapido Oba Koso 1972) le roi Shango se sentant
abandonné de tous se pend un arbre les dignitaires pour éviter la honte trans
forment son suicide en apothéose et Shango réapparaît en dieu de la Foudre Telle
est une des lectures que nous propose Wole Soyinka dans son recueil essais cri
tiques Myth Literature and the African World 1979
Le roi est mort vive le dieu Et pourquoi pas après tout économie et
le pouvoir ont toujours joué un rôle important dans la promotion des nouveaux
dieux travers histoire de humanité origine la lutte pour le pouvoir
avec en prime les avantages matériels le prestige social et installation une
élite jamais été aussi fortement marquée que dans la fonction de la religion
se perpétuant en orthodoxies répressives contrecarrées par des schismes tout
aussi dominateurs Dans exploration des images de essence idéale de homme
fa onnées image des dieux nous ne pouvons pas nous permettre de jeter
complètement par dessus bord nos facultés de cynisme 12)
travers Madmen and Specialists 1974 Opera Wonyosi 1981) Requiem for
Futurologist 1985 et Play of Giants 1984) pièces peu connues du public franco
phone Soyinka iconoclaste va nous entraîner dans sa grande parade illusion
nistes clowns équilibristes et acrobates associés leur numéro de contorsions
politico-religieuses
SOYINKA i974b 267 Les uvres étudiées ici étant pas encore traduites en
fran ais les traductions sauf indication contraire sont de moi F. et les
références de pages correspondent édition originale cf Bibliographie
Cahiers tudes africaines 115-116 -4 ic)8o pp 41 -445 CHRISTIANE FIOUPOü 420
Madmen and Specialists ou le tic tac de hérétique
II semble que Soyinka ait con Madmen and Specialists 197413 partiellement en
prison moins un an après sa libération il monte la pièce aux Etats-Unis en 1970
puis ensuite en 1971 au Nigeria université Ibadan Par la médiation du
théâtre Soyinka restitue avec un brio étourdissant les convulsions de la guerre
civile et expérience humiliation subie dans un univers carcéral Définie comme
un exercice exorcisme par auteur cette satire décapante nous plonge emblée
dans la mise en spectacle de la dégradation humaine ouverture de la pièce
des mendiants exagèrent leurs difformités et mutilations pour soutirer de argent
Si Bero jouent aux dés les rares parties valides de leur corps improvisent un
orchestre avec leur panoplie instrumentale de moignons béquilles et calebasses-
cébilles pour accompagner la danse de Saint-Guy Aafaa et les acrobaties de Goyi
plié en deux par une prothèse de fortune
Cet univers grotesque de dérèglements corporels nous donne un aper des
mécanismes dominants de la pièce où la déchéance physique apparaît vite comme
un reflet des manipulations subies par homme tous les niveaux
La guerre est finie. Ici espace scénique de la pièce Si Bero prépare le
retour de son frère le Dr Bero parti là-bas et pour qui elle cessé de récolter
des plantes médicinales avec aide de deux mystérieuses vieilles femmes lya Agba
et lya Maté Le rôle ambigu des quatre Mendiants se révèle progressivement ils
arrivent de là-bas pour accompagner le Dr Bero qui origine devait les aider
rééduquer leur corps meurtri par la guerre ils surveillent maintenant le propre
père de Bero Old Man Le Vieux) caché au sous-sol dans le cabinet du spécialiste
hérésie du Vieux est avoir voulu apprendre penser aux hommes mutilés de
leur avoir fait comprendre le système exploitation qui les brisés qui les rend
la fois chiens galeux et chiens de garde un pouvoir sans scrupules Pour
prouver la logique perverse actes inhumains perpétrés par toute une hiérarchie
dépravée le Vieux poussé les officiers dont son fils légaliser le cannibalisme
Parallèlement il initié les Mendiants au mystérieux culte de Comme dont la
liturgie est une parodie de la liturgie chrétienne Comme il était au commence
ment. Le Dr Bero qui grisé par le pouvoir prostitué ses connaissances médi
cales pour devenir spécialiste de la guerre et de la torture juge la nouvelle religion
de Comme mena ante pour le système dont il est instrument Il donc enlevé
son père reconnu fou et hérétique par les autorités pour lui faire avouer les fonde
ments de son dogme Mais ayant plus la sensibilité suffisante pour saisir que
Comme se réduit une parodie des préceptes destructeurs de son régime de terreur
incapable de comprendre que le Vieux prêt opérer Estropié est en train imiter
la perversité des nouveaux spécialistes Bero tue son père et avec lui le dernier lien
qui le rattachait humanité Les Vieilles Femmes persuadées que leurs plantes
seront utilisées pour empoisonner plus que pour soigner mettent le feu au magasin
de Si Bero tandis que les Mendiants entonnent leur chant liturgique interrompu par
extinction des feux dé la rampe
Cette pièce en deux parties magistrale orchestration de tableaux baroques comiques
et choquants nous renvoie constamment des jeux de miroirs implicites visant
démonter les rouages de la machine répressive travers le culte de Comme la
parodie est utilisée comme arme de dérision et de dénonciation imitation comme
moyen exorciser le climat de répression ambiant le théâtre dans le théâtre
technique de révélation Ce répertoire de gymnastique physique intellectuelle et
verbale est joué frénétiquement par les Mendiants et le Vieux la présence de ce
dernier est ressentie dès le début de la pièce même il ne fait réellement son entrée
que dans la deuxième partie Car est bien le Vieux qui voulu évaluer où
escalade dans la cruauté pouvait mener sa modeste proposition qui est pas LE POUVOIR SUR SC NE 421 SOYINKA
sans rappeler celle de Jonathan Swift par son ironie contrôlée et son cynisme tient
prouver que la rationalisation outrance asservissant les notions morales les plus
élémentaires peut arriver justifier le cannibalisme Le Pasteur vient accueillir
Bero et enquiert du Vieux
PASTEUR est un homme surprenant votre père franchement surprenant
Vous ne avez pas rencontré là-bas par hasard Je suis vraiment impatient
de savoir il toujours intention de légaliser le cannibalisme
BERO Tout fait
PASTEUR en étais sûr Une fois il une idée dans la tête il ne la lâche plus
Cela paraît incroyable mais un jour dit je en vais essayer de persuader
ces imbéciles de ne pas gaspiller toute cette viande Remarquez il jamais
pu supporter le gaspillage Je me souviens comment il vous tombait dessus quand
il vous prenait un ou autre gaspiller la moindre chose Mais pour ce qui est
de la chair humaine est une tout autre histoire
BERO Mais pourquoi Pasteur est vraiment délicieux vous savez
PASTEUR est est. est-ce que vous avez dit
BERO attrape la joue du Pasteur et la tire est délicieux
PASTEUR se débat et parvient se dégager Vous plaisantez bien sûr
BERO Pas du tout Votre ami vous le confirmera quand vous le verrez
PASTEUR de plus en plus horr