Les cadres autodidactes - article ; n°1 ; vol.22, pg 3-23
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Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1978 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 3-23
Die Autodidakten als «höhere Angestellte» Man spricht heute über die höheren Angestellten («cadres»), als ob diese Berufskategorie ohne Geschichte (und fast ohne Vergangenheit) heute ein «Problem» darstellen würde. Bei einer Gruppe begleitet die Herausbildung eines Diskurses oft die Arbeit dieser Gruppe über sich selbst : Eine Zusammenstellung von bis dahin verstreuten und verschwiegenen Erfahrungen gibt einer bis dahin nur in ihrer Praxis existierenden Gruppe eine sichtbare Form. Oder der «Arbeitskonsens» über die Bilder und Substantiva, mit der sie sich darstellt, erhält jene Einheit nach aussen aufrecht, die durch die Aufspaltung der Gruppe gefährdet ist, wenn sie einmal zu gross, zu heterogen oder zu konflikt-geladen geworden ist. Im Falle der höheren Angestellten kann man sich fragen, ob die Erhöhung ihrer Zahl und die relativ stärkere Erhöhung jener, die über weniger Diplöme verfügen, nicht die subjektive Einheit dieser Berufskategorie gefährdet. Man hat hier die Dokumentation um den Fall eines «Autodidakten» aufgebaut : Um 1960 als «Teckniker» ins Berufsleben eingetreten wurde er zum «technisch-kaufmännischen Angestellten» befördert. Aber dieser «Erfolg» ist Ursache einer ganzen Reihe von strukturell bedingten Unannehmlichkeiten, von Demütigungen und Misserfolgen, die ihr seine Grenzen erkennen lassen. Uber diese Erfahrungen lernt er, was es bedeutet, «höôherer Angestellter» zu sein, und entdeckt, dass er nicht «höherer Angestellter» ist, oder es nicht im selben Ausmasse ist wie andere. Der Sinn und die Funktion dieser Bewusstwerdung sollen hier analysiert werden. In seinem Diskurs liefert der Informant vielleicht eine generische Erfahmng, die einer Gruppe im Sinne eines Paradigmas gemein ist und die sich in den Schemen einer kollektiven Erarbeitung herausgebildet hat.
Autodidactive executives. There is a great deal of talk at present in France about «executives*», as if this social category, which has no history of «trouble making» (and virtually no history in general), was somehow a «problem» today. When a group become an issue, discussions about it often begin in response to questions that the group has raised concerning itself : experiences which previously were scattered and silent take on definite forms. In this process, a group existing on the practical level may give itself a visible form. Or, putting the matter in slightly different terms, a division may occur within an existing group which has become too large, too heterogenous, or too conflictridden to maintain a «working consensus» regarding the conception of the model member (here, the model executive) within the group (here, the compagny) and regarding, especially, his public image. In the case of executives, one may ask whether the subjective unity of the category is not threatened by the growth in its overall size and, no doubt, by the increase in the relative proportion of those with the least resources and the fewest academic and professional degrees. We have chosen to organize the documentary material around an individual case, that of an «autodidactic» executive. He entered the labor market in the 1960s as a «technician» and was subsequently «promoted» to the rank of «technical and commercial executive». But this «success» was the prelude to a series of disappointments, humiliations, and failures which made him aware of his «limits». In the course of these same experiences he thus acquired the models of excellence which, in the social image of the category, define the «executive», and he discovered that he is not an «executive», or rather that he is not one in the same way and to the same as others are. It is the meaning and function of this process of «becoming aware» that we analyze here. The case may well be. typical : in his testimony, the informant is perhaps conveying a generic experience which is common to a whole group in the sense that it is paradigmatic and is expressed in terms of schema generated through collective elaboration. * The meaning of the French word «cadre» is not precisely the same as that of the English word «executive». In particular, in French «cadre» can be applied further down the business and corporate hierarchy (as far as, roughly, «lower-level management»).
Les cadres autodidactes. On parle, aujourd'hui, avec prolixité, des «cadres», comme si cette catégorie sans histoires (et presque sans passé) faisait aujourd'hui «problème». Lorsqu'il s'agit d'un groupe, la mise en discours accompagne souvent un travail du groupe sur lui-même : mise en forme d'expériences jusque là émiettées et silencieuses par laquelle un groupe existant à l'état pratique se donne une forme perceptible ou, ce qui revient un peu au même, division d'un groupe existant, désormais trop volumineux, trop hétérogène ou trop conflictuel pour que se maintienne un «consensus de travail» sur les figures et sur les substantifs qui, jusque là, le représentaient, surtout pour l'extérieur. Dans le cas des cadres, on peut se demander si l'accroissement du volume du corps et, sans doute, dans le corps, de la part relative des plus démunis et des moins diplômés, ne menace pas l'unité subjective de la catégorie. On a pris le parti d'organiser la documentation autour d'un cas, celui d'un cadre «autodidacte» : entré sur le marché du travail autour des années soixante comme «technicien», il est «promu» «cadre technico-commercial». Mais cette «réussite» est le prélude à une série structuralement nécessaire de déconvenues, d'humiliations et d'échecs qui lui font prendre conscience de ses «limites». A travers les mêmes expériences, il acquiert ainsi les modèles d'excellence qui, dans la représentation sociale, définissent le «cadre» et découvre qu'il n'est pas «cadre» ou qu'il ne l'est pas au même titre ni au même degré que d'autres. C'est le sens et la fonction de cette «prise de conscience» qui sont analysés ici. Le cas pourrait avoir une valeur exemplaire : dans son discours, l'informateur livre peut-être une expérience générique, commune à un groupe au sens où elle serait paradigmatique et où elle s'exprimerait dans des schèmes produits d'une élaboration collective.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Luc Boltanski
Les cadres autodidactes
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 22, juin 1978. pp. 3-23.
Citer ce document / Cite this document :
Boltanski Luc. Les cadres autodidactes. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 22, juin 1978. pp. 3-23.
doi : 10.3406/arss.1978.2598
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1978_num_22_1_2598Résumé
Les cadres autodidactes.
On parle, aujourd'hui, avec prolixité, des «cadres», comme si cette catégorie sans histoires (et presque
sans passé) faisait aujourd'hui «problème». Lorsqu'il s'agit d'un groupe, la mise en discours
accompagne souvent un travail du groupe sur lui-même : mise en forme d'expériences jusque là
émiettées et silencieuses par laquelle un groupe existant à l'état pratique se donne une forme
perceptible ou, ce qui revient un peu au même, division d'un groupe existant, désormais trop
volumineux, trop hétérogène ou trop conflictuel pour que se maintienne un «consensus de travail» sur
les figures et sur les substantifs qui, jusque là, le représentaient, surtout pour l'extérieur. Dans le cas
des cadres, on peut se demander si l'accroissement du volume du corps et, sans doute, dans le corps,
de la part relative des plus démunis et des moins diplômés, ne menace pas l'unité subjective de la
catégorie.
On a pris le parti d'organiser la documentation autour d'un cas, celui d'un cadre «autodidacte» : entré
sur le marché du travail autour des années soixante comme «technicien», il est «promu» «cadre
technico-commercial». Mais cette «réussite» est le prélude à une série structuralement nécessaire de
déconvenues, d'humiliations et d'échecs qui lui font prendre conscience de ses «limites». A travers les
mêmes expériences, il acquiert ainsi les modèles d'excellence qui, dans la représentation sociale,
définissent le «cadre» et découvre qu'il n'est pas «cadre» ou qu'il ne l'est pas au même titre ni au même
degré que d'autres. C'est le sens et la fonction de cette «prise de conscience» qui sont analysés ici. Le
cas pourrait avoir une valeur exemplaire : dans son discours, l'informateur livre peut-être une
expérience générique, commune à un groupe au sens où elle serait paradigmatique et où elle
s'exprimerait dans des schèmes produits d'une élaboration collective.
Abstract
Autodidactive executives.
There is a great deal of talk at present in France about «executives*», as if this social category, which
has no history of «trouble making» (and virtually no history in general), was somehow a «problem»
today. When a group become an issue, discussions about it often begin in response to questions that
the group has raised concerning itself : experiences which previously were scattered and silent take on
definite forms. In this process, a group existing on the practical level may give itself a visible form. Or,
putting the matter in slightly different terms, a division may occur within an existing group which has
become too large, too heterogenous, or too conflictridden to maintain a «working consensus» regarding
the conception of the model member (here, the model executive) within the group (here, the compagny)
and regarding, especially, his public image. In the case of executives, one may ask whether the
subjective unity of the category is not threatened by the growth in its overall size and, no doubt, by the
increase in the relative proportion of those with the least resources and the fewest academic and
professional degrees.
We have chosen to organize the documentary material around an individual case, that of an
«autodidactic» executive. He entered the labor market in the 1960s as a «technician» and was
subsequently «promoted» to the rank of «technical and commercial executive». But this «success» was
the prelude to a series of disappointments, humiliations, and failures which made him aware of his
«limits». In the course of these same experiences he thus acquired the models of excellence which, in
the social image of the category, define the «executive», and he discovered that he is not an
«executive», or rather that he is not one in the same way and to the same as others are. It is the
meaning and function of this process of «becoming aware» that we analyze here. The case may well
be. typical : in his testimony, the informant is perhaps conveying a generic experience which is common
to a whole group in the sense that it is paradigmatic and is expressed in terms of schema generated
through collective elaboration.
* The meaning of the French word «cadre» is not precisely the same as that of the English word
«executive». In particular, in French can be applied further down the business and corporate
hierarchy (as far as, roughly, «lower-level management»).
Zusammenfassung
Die Autodidakten als «höhere Angestellte»Man spricht heute über die höheren Angestellten («cadres»), als ob diese Berufskategorie ohne
Geschichte (und fast ohne Vergangenheit) heute ein «Problem» darstellen würde. Bei einer Gruppe
begleitet die Herausbildung eines Diskurses oft die Arbeit dieser Gruppe über sich selbst : Eine
Zusammenstellung von bis dahin verstreuten und verschwiegenen Erfahrungen gibt einer bis dahin nur
in ihrer Praxis existierenden Gruppe eine sichtbare Form. Oder der «Arbeitskonsens» über die Bilder
und Substantiva, mit der sie sich darstellt, erhält jene Einheit nach aussen aufrecht, die durch die
Aufspaltung der Gruppe gefährdet ist, wenn sie einmal zu gross, zu heterogen oder zu konflikt-geladen
geworden ist. Im Falle der höheren Angestellten kann man sich fragen, ob die Erhöhung ihrer Zahl und
die relativ stärkere Erhöhung jener, die über weniger Diplöme verfügen, nicht die subjektive Einheit
dieser Berufskategorie gefährdet. Man hat hier die Dokumentation um den Fall eines «Autodidakten»
aufgebaut : Um 1960 als «Teckniker» ins Berufsleben eingetreten wurde er zum «technisch-
kaufmännischen Angestellten» befördert. Aber dieser «Erfolg» ist Ursache einer ganzen Reihe von
strukturell bedingten Unannehmlichkeiten, von Demütigungen und Misserfolgen, die ihr seine Grenzen
erkennen lassen. Uber diese Erfahrungen lernt er, was es bedeutet, «höôherer Angestellter» zu sein,
und entdeckt, dass er nicht «höherer Angestellter» ist, oder es nicht im selben Ausmasse ist wie
andere. Der Sinn und die Funktion dieser Bewusstwerdung sollen hier analysiert werden. In seinem
Diskurs liefert der Informant vielleicht eine generische Erfahmng, die einer Gruppe im Sinne eines
Paradigmas gemein ist und die sich in den Schemen einer kollektiven Erarbeitung herausgebildet hat.boftanski LEw lue
L'interview, dont on lira ici des extraits, présente
la particularité d'enregistrer le produit d'un travail AUTODIDACTES aller comme On Ils parlent parle sans si aujourd'hui, dire, leur d'eux-mêmes existence, présentait avec et qui maintenant font prolixité, semblait parler des un aller d'eux, «pro«cadres». de soi et d'énonciation qui lui préexiste. M. qui se définit
lui-même comme un «cadre» a entrepris d'écrire un
blème». A l'origine de ce dossier de travail figure ouvrage autobiographique : «Moi un cadre». Il veut
l'intention de réunir des éléments d'information et relater ses déboires, livrer son «expérience», la faire
de réflexion pour saisir le sens et la fonction de ce «partager» et apporter ainsi un «témoignage» sur
bavardage. Lorsqu'il s'agit d'un groupe, la mise la «condition» du «cadre dans notre société». C'est
en discours accompagne souvent un travail du dire que l'objet même de l'entretien, ce autour de
groupe sur lui-même : mise en forme d'expériences quoi il est, comme on dit, «centré», sa «problémat
jusque là émiettées et silencieuses par laquelle un ique», et la représentation de l'identité sociale qui
groupe existant à l'état pratique se donne une y est donnée, sont — comme le discours de M, en
forme perceptible ou, ce qui revient un peu au partie pré-construit, en partie improvisé, — les
même, division d'un groupe existant, désormais produits d'une mise en forme quasi sociologique
trop volumineux, trop hétérogène ou trop conflic qui préexiste à l'interrogation.
tuel pour que se maintienne un «consensus de L'histoire de M. est à peu près la suivante :
travail», comme dit Goffman, sur les figures et fils uniq

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