Organisation politique d une société acéphale : les Gouin du Burkina Faso - article ; n°144 ; vol.37, pg 7-29
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Description

L'Homme - Année 1997 - Volume 37 - Numéro 144 - Pages 7-29
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 178
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Michèle Dacher
Organisation politique d'une société acéphale : les Gouin du
Burkina Faso
In: L'Homme, 1997, tome 37 n°144. pp. 7-29.
Citer ce document / Cite this document :
Dacher Michèle. Organisation politique d'une société acéphale : les Gouin du Burkina Faso. In: L'Homme, 1997, tome 37 n°144.
pp. 7-29.
doi : 10.3406/hom.1997.370356
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1997_num_37_144_370356Michèle Dacher
Organisation politique d'une société acéphale :
les Gouin du Burkina Faso
entièrement entre La n'entre le ensembles mosaïque type pas société en déterminé lignager ligne gouin1 de de l'est et sociétés par se le compte type situe et le du principe sans villageois3. dans car centre il État2, l'ouest n'existe de du descendance. Dans pays. qui du aucune contrastent Burkina les Ces premières, sociétés unité Le Faso principe avec résidentielle au se le milieu politique répartissent les territorial grands d'une au- est
dessus de la maison familiale. La société y connaît une fragmentation maxi
male. Tel est le cas des Birifor étudiés par G. Savonnet et C. Savonnet-
Guyot4. Dans les secondes, le principe territorial prévaut sur le principe
lignager. Les groupes de descendance jouent encore un rôle politique import
ant, mais la volonté de vivre ensemble au sein d'un village domine. En
témoignent les nombreuses institutions villageoises destinées à intégrer le
plus harmonieusement possible tous les éléments de la communauté, ainsi
qu'un système de « symbiose »5 où les fonctions sont distribuées entre les
lignages de telle sorte que chacun dépend des autres. Les Bwa et les Bobo en
donnent un exemple particulièrement achevé6.
Certaines sociétés, tels les Lobi7 ou les Gouin, constituent des cas intermédiaires.
Chez ces derniers, le village et son territoire existent et se caractérisent par un culte
villageois, un autel (ou un lieu sacré), un prêtre du culte, généralement descendant du
fondateur. Mais le « projet communal », le « choix raisonné de vivre ensemble »8
1. Je remercie Alfred Adler pour sa relecture attentive de cet article et pour ses remarques pertinentes.
2. Ainsi, autour des Gouin on trouve les Komono, les Karaboro, les Tiefo, les Vigye, les Toussian, les
Turka, les Syemou, les Samogho, divers groupes sénoufo, peu ou pas étudiés.
3. Pour les classifications, voir : Middleton & Tait 1958 ; Fortes & Evans -Pritchard 1964 ;
Capron 1973 : 65.
4. Savonnet 1976 et Savonnet-Guyot 1986.
5. Nadel 1938.
6. Pour les Bwa, voir Capron 1973 ; pour les Bobo, Le Moal 1980.
7. Labouret 1931 et 1958 ; Fiéloux 1980 ; Rouville 1987.
8. Capron 1973 : 202.
L'Homme 144, oct.-déc. 1997, pp. 7-29. Michèle Dacher 8
manquent, de même que les institutions villageoises intégratrices et la
situation « symbiotique » des lignages.
Nous allons décrire les institutions politiques traditionnelles de la société
gouin en mentionnant les modifications les plus importantes qu'elles subirent
au long du xxe siècle. Rappelons auparavant la définition du politique telle
qu'elle fut élaborée par les fonctionnalistes anglais : est politique ce qui permet
de structurer globalement une entité territoriale face à l'extérieur tout en main
tenant la paix à l'intérieur.
Présentation et histoire de la société gouin
Les Gouin constituent une population de 60 000 personnes, répartie dans un
triangle dont la base s'appuie sur la frontière ivoirienne. La densité de populat
ion est de 17,5 hab./km2, soit la moitié de celle de l'ensemble du pays.
Géographiquement, le pays gouin correspond à une plaine vallonnée qui s'étend
au sud de la falaise de Banfora jusqu'en Côte-d' Ivoire. Le climat est tropical et
il tombe environ 1 200 mm de pluie par an.
Agriculteurs, les Gouin cultivent, par ordre décroissant d'importance, mils
et sorghos, maïs, arachide, riz, igname... Ils complétaient autrefois ces res
sources grâce à l'élevage, la chasse et la pêche, productions aujourd'hui rempla
cées par les revenus des migrants temporaires en Côte-d 'Ivoire, et depuis peu,
par ceux tirés de la culture du coton.
Avant d'analyser l'organisation socio-politique gouin, il faut dire un mot de
l'histoire locale sans laquelle les institutions actuelles sont peu compréhensibles.
Les Gouin ne sont pas des autochtones. Avant le xvme siècle ils vivaient au
nord du Ghana9, à proximité des Lobi avec qui ils entretiennent une relation
à plaisanterie, de même qu'avec les Dagari, Birifor, Dyan, Gan. Au cours du
xvne siècle, ils auraient quitté le nord-Ghana et, avec les Turka, se seraient diri
gés vers l'ouest, par petits groupes séparés. Ils se seraient d'abord installés au
sud de leur habitat actuel, dans le nord de la Côte-d'Ivoire, au milieu de populat
ions sénoufo telles que les Kpallaka. Mais à partir de 1710 le royaume de Kong
prit forme sous l'impulsion de Sékou Ouatara et s'étendit rapidement, en parti
culier au nord-nord-ouest, c'est-à-dire vers le pays gouin. Celui-ci était en effet
enserré par deux routes commerciales très importantes : celle de Kong à Djenné
par Bobo-Dioulasso, et celle de Kong à Ségou par Sikasso. Face aux incursions
des armées de Kong, les Gouin repartirent vers le nord, franchirent la Léraba et
s'installèrent peu à peu dans leur habitat actuel. Cette région était peuplée de
façon très lâche par d'autres groupes sénoufo, tels les Karaboro. Les Gouin
trouvèrent des terres encore libres ou reçurent l'hospitalité des Karaboro. La
densité des Gouin devint bientôt excessive pour ces derniers, qui tentèrent par-
9. Deux auteurs évoquent la mise en place de la population gouin d'après la tradition orale : Tauxier
1933 et Hébert 1969. Les Gouin du Burkina Faso 9
fois, mais sans succès, de limiter militairement leur avance. Cependant, le plus
souvent, les Karaboro partirent vers l'est sans combattre, abandonnant aux
Gouin la terre et ses cultes. Dans les villages anciennement karaboro, le chef de
terre peut être karaboro ou gouin : dans ce dernier cas, soit il invoque d'abord
les ancêtres karaboro, soit il ne le fait plus et nie de plus en plus leur préséance.
Les Karaboro qui restèrent sur place furent bientôt absorbés par les Gouin dont
ils adoptèrent la langue et les coutumes10.
Le royaume de Kong engloba officiellement le pays gouin, mais cette occupat
ion demeura toute nominale. Les Gouin se battirent en permanence pour échap
per aux Ouatara, et ils y réussirent assez bien jusqu'à l' arrivée des Français. Ils
ne purent toutefois éviter l'installation de quelques établissements dyoula per
manents sur leurs franges sud et ouest : ainsi dans les villages de Diefoula,
Niangoloko, Soubakaniédougou. À partir de 1880 ils furent menacés par le
royaume de Sikasso, le Kénédougou, qui atteignait leur frontière ouest. Ils
eurent la double chance d'échapper aux razzias des souverains de Sikasso,
Tieba puis Babemba Traore, et de récupérer comme captifs les malheureux
Sénoufo en fuite vers l'est. Provenant également de l'ouest, des vagues de
populations, terrorisées par l'avancée du conquérant dyoula Samori Touré, suc
cédèrent aux victimes de Tieba. En 1897 celui-ci détruisit Kong et remonta vers
Bobo-Dioulasso. Il longea le pays gouin sur sa bordure orientale, tandis que
sa colonne de l'ouest le traversait du sud-ouest au nord-est, en y faisant, assez
miraculeusement, un minimum de dégâts11. Mais la peur inspirée par Samori
était telle qu'elle provoqua dans la région un vaste maelstrom de populations en
fuite, dont certaines déferlèrent sur le pays gouin. L'installation de nombreuses
familles dans leur résidence actuelle date de cette époque et la mémoire gouin
remonte rarement au-delà du traumatisme samorien.
Sur les talons de Samori, en 1898, arrivèrent les Français. Dans leur reconnais
sance et leur pacification du pays, ils furent aidés par les Ouatara du Gwiriko,
petit royaume fondé autour de Bobo-Dioulasso par des originaires de
Kong. Les princes Ouatara de persuadèrent les Français de leur
réelle et légitime autorité sur toute la région. Après avoir pris possession du
pays, ceux-ci confirmèrent cette prétendue autorité : c'est ainsi que les Gouin se
retrouv

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