Place et statut des forgerons dans la société maba du Tchad - article ; n°2 ; vol.60, pg 149-160
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Description

Journal des africanistes - Année 1990 - Volume 60 - Numéro 2 - Pages 149-160
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Adoum Doutoum Mahamat
Place et statut des forgerons dans la société maba du Tchad
In: Journal des africanistes. 1990, tome 60 fascicule 2. pp. 149-160.
Citer ce document / Cite this document :
Doutoum Mahamat Adoum. Place et statut des forgerons dans la société maba du Tchad. In: Journal des africanistes. 1990,
tome 60 fascicule 2. pp. 149-160.
doi : 10.3406/jafr.1990.2457
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1990_num_60_2_2457AT ADOUM DOUTOUM MAHAM
Place et statut des forgerons
dans la société maba du Tchad *
Les Maba sont les autochtones du sultanat du Ouaddaï, situé de nos jours
dans les préfectures du Ouaddaï et de Biltine, ou Ouaddaï géographique. La société
ouaddaïenne est composée de plusieurs ethnies d'origines diverses, dont les Maba.
Les Maba sont eux-mêmes subdivisés en plusieurs clans homogènes, vivant sur un
même territoire, liés par une histoire et une langue commune : le bura mabarj1.
Ces clans sont concentrés autour des deux anciennes capitales du sultanat : Ouâra
puis Abbéché. Les clans les plus importants qui composent l'ethnie des Maba sont
les : kodoi, kondoijo, kagar/a ; madala, madaba, malaqga et les kabartu.
Comme le montre cette enumeration, les Kabartu constituent effectivement un
clan à part entière. Malheureusement les Maba et les autres ethnies du Ouaddaï;
ont nié leur existence en tant que tels. Mais eux se disent d'abord Kabartu et les
plus nobles de tous les Maba. Ils pratiquent le métier de forgeron. C'est pourquoi
ils sont considérés comme une caste inférieure, occupant le bas de l'échelle sociale
comme tous les forgerons dans les sociétés traditionnelles du Tchad. Il en est ainsi
pour les may chez les Zaghawa, les azfzja chez les Dazaga, les duudi chez les Téda,
les haddad chez les Arabes et les kakelma chez les Kanembou.
La société maba est stratifiée : au sommet les nobles ou kolotu ; puis les gens
du commun qui sont des hommes libres : hurrin, sing, /ш/т (en arabe) ; viennent
ensuite les forgerons : kultu, sing, kolek ; enfin les esclaves : gurjur, pi. gurjurï (plus
précisément mborik, pi. mbortu, pour un homme, magik, pi. magtu pour une
femme) et les affranchis (muwalladin, en arabe).
Dans la région du Ouaddaï, on distingue trois sortes de forgerons :
— les Haddad (terme arabe dérivé de hadid : fer), groupe composé uniquement
d'Arabes, dirigé par un chef : le cheikh al-Haddad ;
— les kabartu, tous des Maba, dirigés par un chef dénommé le kolek tehgak ou
chef, des forgerons ;
— les kultu (sing, kolek), personnes d'origine servile, parlant le bura mabarj, main
tenus autrefois dans les villages appartenant au sultan ou à la reine-mère (momo),
comme l'étaient les villages de Mourra, Abou-Goudam, Karangala.
On constate qu'au Ouaddaï, le Maba adopte deux attitudes différentes devant
un Kabartu. Entre Maba, le Kabartu c'est le kolek (forgeron) mais devant un étran
ger, un Kabartu est un Maba tout court. L'étranger ne saura jamais que les Kabartu
constituent la « caste des forgerons » au sein de la société maba.
J'adresse mes remerciements à Mme Marie-José Tubiana et à M. Joseph Tubiana, qui m'ont aidé
et guidé par leurs suggestions, leurs encouragements et leurs conseils à la réalisation de ce travail.
Je remercie également mon ami Mahamat Aguid Bachar, de la famille kolek tehgak, docteur de
3e cycle en Mines et Géologie de l'université de Leningrad, actuellement professeur à l'École poly
technique d'Alger, pour la spontanéité avec laquelle il m'a livré de très précieuses informations,
sans préjugé ni arrière-pensée. Enfin, je remercie particulièrement ma femme Hawa Brahim, dont
le soutien ne m'a jamais manqué.
Le maba ou bura mabarj est un groupe de dialectes qu'on rapproche d'autres langues telles que le
rurja et le masalit, pour constituer un groupe de langues dont le rattachement à aucun ensemble
plus large, comme par exemple la « famille nilo-saharienne » de Joseph Greenberg, n'est vérit
ablement satisfaisant. En fait la question n'est pas résolue.
La transcription adoptée ici est proche de celle de Trenga qui, arabisant lui-même, a transcrit le
maba sur le modèle des transcriptions des sémitisants.
Journal il, s a tru artistes. Ы) 12) /W) : 14Ч-1Ы). 150 JOURNAL DES AFRICANISTES
PRESENTATION ET LOCALISATION DES KABARTU
Étymologiquement, le terme kabarak (pi. kabartu) serait dérivé du terme kébé-
rèk (pi. kébéré) qui veut dire « calebasse ». Pour fabriquer une flûte, on fait sécher
une calebasse, on l'évide, on y pratique trois trous et on l'enduit de graisse. Après
cette série d'opérations, on la suspend au-dessus du feu du foyer pendant quelques
jours, le temps qu'elle change de couleur, passant du jaune au beige foncé. Selon
les Kabartu, ce procédé permet à l'instrument de résister aux intempéries, chaleur
et pluie. A l'une des extrémités de la flûte, on insère une corne de bœuf. Notre
flûte est ainsi achevée et produit des sons différents par le jeu du souffle et le manie
ment des trois doigts. Mais depuis le transfert de la capitale de Ouâra à Abbéché,
les Kabartu ont remplacé cette flûte par la corne de l'oryx, plus performante et
plus résistante.
Munis de ces flûtes, de tambours (gaqgarj) et de « tambourins » (kurmay), les
Kabartu accompagnaient autrefois le sultan dans ses déplacements et lors des cér
émonies officielles. C'est pourquoi je pense que les termes kabarak ou kébérèk dési
gnent à l'origine la même chose, c'est-à-dire : « l'homme à la flûte », le « musi
cien »..Car, dans le passé, les Kabartu ont joué, à côté d'autres rôles, celui de
griots et de maîtres des cérémonies religieuses.
Le canton Guéri et la région de Wara au Wadday
1 Cheferi 6 Hadjar Hadid
2 Matukuli 7 Manda ba
3 Abisa 8 Malanga
4 Dembe 9 Numro
5 Madala шш Axe de communication
W A D
Id-al-Khanam/^-
CANTON GUERI
Г.^уАВВЕСНЕ :
ET DOCUMENTS 151 NOTES
Selon El-Tounsy en effet (1851 : 327 et 367), les Kabartu étaient « à la fois
officiers de justice et bourreaux », chargés d'exécuter les condamnés à mort par
le sultan et « dans les cérémonies, sonnaient de la trompette et battaient des tam
bourins ».
Le docteur Nachtigal nous dit que les Kabartu « constituent une caste honnie,
à la fois bourreaux et musiciens » (1903 : 58).
Quant au commandant Trenga, il nous signale dans son ouvrage sur le bura-
mabang que le « Kabarak est le bourreau en chef, chargé des exécutions » (1947 :
23).
Pour ces trois auteurs, le terme kabarak (pi; kabartu) désigne une ou plusieurs
fonctions, en l'occurrence celles de bourreau et de musicien. Mais aucun d'eux ne
s'est soucié de la question de l'appartenance clanique ou ethnique de cette « caste »
par rapport à la société maba ou ouaddaïenne, ni de son origine et de ses liens
avec : les Maba et les nobles Kolotu.
Historiquement, les Kabartu ont joué plusieurs rôles ou plutôt se sont investis
dans plusieurs métiers depuis l'instauration du sultanat du Ouaddaï. Ils ont eu la
responsabilité de l'organisation des cérémonies d'intronisation de chaque nouveau
sultan, d'où découlent leurs professions de griots et de guérisseurs très réputés. De
chasseurs aux filets, ils sont devenus forgerons, donc à un moment donné pour
voyeurs d'armes (lances, sabres, chaînes, cottes de mailles, casques etc.) pour les ■
troupes du sultan. En contrepartie, ce dernier les a chargés d'exécuter les sentences
juridiques, c'est-à-dire de mettre à mort, à coups de massue, les indésirables qui
leur étaient désignés par le /сш>, « la cour de justice », ou le sultan. Et si de nos
jours les Kabartu se sont chargés de l'abattage des animaux domestiques pour la
consommation locale, leur glissement vers ce métier se comprend aisément.
Toutefois, je souligne que le rôle le plus important était tenu par leur chef,.
le kolek-tehgak. A ce titre, il était en même temps le barbier du sultan et le médec
in ou guérisseur de la famille royale. Ilavait le droit de s'asseoir sur le tapis du
sultan. Il était responsable des rituels de la mise en bière du corps de chaque sul
tan mort naturellement: Enfin, il étai

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