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Sur un projet pour la création d’un musée ethnographiqueErnest de BlossevilleRevue des Deux Mondes, tome 5 1832Sur un projet pour la création d’un musée ethnographiqueLettre au Directeur de la revue des deux mondes sur un projet de création d’un muséeethnographiqueOn annonce qu’à l’imitation de l’Amérique du nord, la France va fonder un musée ethnographique, destiné à réunir les armes, lesmeubles, les instrumens de chasse et de pêche, les ornemens, les idoles des peuples sauvages et à demi civilisés. Une galerie desbâtimens nouveaux qui s’élèvent sur les ruines de l’ancien hôtel du Trésor, pour l’agrandissement de la Bibliothèque royale, paraîtdevoir être consacrée à cette collection naissante, un rapport sur l’institution projetée est demandé à M. Abel Rémusat, et un journalattribue la pensée première de la fondation à une commission récemment nommée par M. le ministre des travaux publics pourl’organisation du matériel des bibliothèques.Permettez-moi, monsieur, de réclamer rang d’ancienneté pour un projet de musée ethnographique ou de l’industrie universelleprésenté en février 1829, à la direction des Beaux-Arts, par mon frère, Jules de Blosseville, compagnon de voyage du savantcapitaine Duperrey. La seule différence essentielle entre les deux propositions se borne au choix du local ; dans le projet de 1829, ils’agissait d’une annexe au dauphin Dauphin, maintenant musée naval, comme il s’agit ici d’une dépendance de la Bibliothèqueroyale, comme il ...

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Sur un projet pour la création d’un musée ethnographique Ernest de Blosseville
Revue des Deux Mondes, tome 5 1832 Sur un projet pour la création d’un musée ethnographique
Lettre au Directeur de la revue des deux mondes sur un projet de création d’un musée ethnographique On annonce qu’à l’imitation de l’Amérique du nord, la France va fonder un muséeethnographique, destiné à réunir les armes, les meubles, les instrumens de chasse et de pêche, les ornemens, les idoles des peuples sauvages et à demi civilisés. Une galerie des bâtimens nouveaux qui s’élèvent sur les ruines de l’ancien hôtel du Trésor, pour l’agrandissement de la Bibliothèque royale, paraît devoir être consacrée à cette collection naissante, un rapport sur l’institution projetée est demandé à M. Abel Rémusat, et un journal attribue la pensée première de la fondation à une commission récemment nommée par M. le ministre des travaux publics pour l’organisation du matériel des bibliothèques. Permettez-moi, monsieur, de réclamer rang d’ancienneté pour un projet de musée ethnographique ou de l’industrie universelle présenté en février 1829, à la direction des Beaux-Arts, par mon frère, Jules de Blosseville, compagnon de voyage du savant capitaine Duperrey. La seule différence essentielle entre les deux propositions se borne au choix du local ; dans le projet de 1829, il s’agissait d’une annexe au dauphin Dauphin, maintenant musée naval, comme il s’agit ici d’une dépendance de la Bibliothèque royale, comme il pourrait être question d’un accroissement du Conservatoire des arts et métiers. Remarquons, en passant, que, depuis ce projet, un musée ethnographique paraît avoir été ouvert à Saint-Pétersbourg. Je n’ai pu retrouver l’original du mémoire déposé à la direction des Beaux-Arts. En l’absence de mon frère, qui navigue dans le levant, je n’ai sous les yeux qu’un fragment de ses notes ; il me sera cependant facile de reproduire les principaux argumens. Jamais la civilisation n’a marché d’un pas aussi rapide ; la grande famille européenne, tendant par toutes les voies à l’invasion du monde entier, déplace chaque jour quelque peuplade de plus, qui disparaît devant elle soit par l’extinction totale, soit par le mélange du sang. Les insulaires même les plus éloignés de la route commune des navires reçoivent d’étranges missionnaires du monde civilisé, et, dans ce mouvement progressif, les arts européens, sortant de leur sphère naturelle, vont favoriser les peuples sauvages et remplacer sans transition les grossières ébauches de leur patiente industrie par les chefs-d’œuvre de nos perfectionnemens. Bientôt seront tombés dans l’oubli les procédés divers que l’homme, placé sous des climats différens, favorisé ou contrarié par la nature, doué de facultés plus ou moins étendues, invente pour soutenir son existence, l’entourer de quelques charmes et défendre sa liberté. La civilisation universelle oubliera aussi comment le génie des arts qui se développe également à l’abri du besoin et dans les circonstances difficiles, a fait inventer des jeux et des instrumens de musique dont l’usage s’est répandu de peuplade en peuplade avec altération ou perfectionnement. Des échanges ont eu lieu, et les communications, même de sauvage à sauvage, ont contribué à la diffusion des lumières. Chez quelques nations, les arts ont rapidement atteints leur apogée pour décheoir ou rester stationnaires, et l’Europe n’a pu les connaître que dans l’état de routine ou de dégénération ; chez d’autres, notre amour-propre a dû se résigner à nous voir surpassés ou égalés d’avance ; partout enfin on a pu juger l’homme par ses œuvres, les peuples paisibles et industrieux par l’état avancé des arts utiles, les nations féroces et belliqueuses par l’énergie et la multiplicité des moyens de destruction.
Aujourd’hui l’aspect du globe enlier offre une tendance générale à revêtir une physionomie à-peu-près européenne ; quelques années encore, et les arts auront sur tous les rivages un air de famille ; quelques produits naturels, particuliers aux climats, distingueront seuls les peuples divers. Déjà l’utile et le superflu de l’Europe pénètrent jusqu’au sein des continens ; les modes de Paris et de Londres exercent leur tyrannie jusqu’aux extrémités de l’univers ; les fers manufacturés de la Grande-Bretagne remplacent, dans les archipels les plus reculés, les chefs-d’œuvre de la patience sauvage, et dans leurs atroces combats les cannibales eux-mêmes abandonnent le casse-tête national pour les mousquets de Birmingham, tandis que des monarques inconnus de l’Europe succombent avant l’âge, dévorés par l’eau de fer, distillée sur les bords de la Tyne ou de la Charante.
A milieu de tous ces avant-coureurs d’un nivellement dont le plus puissant génie ne saurait embrasser encore l’ensemble des résultats, combien n’est-il pas à propos de conserver à l’avenir les monumens d’un état industriel qui se modifie chaque jour ! Comment pourra-t-on savoir dans un siècle quels furent les arts d’un peuple qui existe aujourd’hui encore, mais pour disparaître demain ; les images long-temps adorées qu’une tribu renverse à la voix des missionnaires ; l’industrie d’une peuplade insulaire nouvellement révélée au monde pour entrer aussitôt en communauté de toutes les découvertes utiles ? Il existe, il est vrai, des recueils savans, des relations pleines d’intérêt ; ou des voyageurs décrivent les principaux objets remarqués dans de lointaines contrées, lorsqu’elles conservaient encore leur caractère, leur aspect originels ; plusieurs de ces curiosités sont même figurées dans quelques atlas ; mais de telles recherches, restreintes à un petit nombre de localités, ne sont complète pour aucun peuple, et ne suffiraient pas pour combler le vide qui va s’étendre. Le temps est venu de songer un peu à la postérité ; il serait sans excuse, dans notre époque si remarquable de transition, où le globe entier achève de passer de la barbarie aux mœurs civilisées, de ne pas mettre à profit les courts instans qui nous restent pour transmettre aux âges les plus reculés la fidèle image de l’état des peuples pendant les derniers siècles.
Mais sur quelles preuves s’appuieront ces souvenirs que nous devons léguer ? Quels récits, quelles dissertations, quelles peintures même pourraient subir l’examen des œuvres des nations qui passent ? Combien de doutes dont l’historien est agité seraient détruits, si un musée de l’industrie des anciens habitans de la terre avait pu braver les siècles. La science a retrouvé dans des climats conservateurs, jadis habités par des peuples qui réunirent de grandes lumières, des monumens domestiques de leur civilisation ; l’Égypte surtout, et Portici ont offert aux regards des modernes le passé pris sur le fait. Mais, dans tous ces trésors dérobés aux
ravages du temps, que nous reste-t-il pour constater la gradation et les périodes stationnaires de l’industrie des anciens peuples ?
Heureux de pouvoir léguer à l’avenir quelques débris qui attestent les grands progrès de nos devanciers, dont nous voudrions en vain étudier l’expérience dans tous ses détails, préparons à nos neveux des notions plus étendues que les nôtres. Parmi les monumens fragiles, pour la plupart, que nous voulons préserver de l’oubli et de la destruction, les uns nous ont servi de modèles, les autres disparaissent successivement devant la supériorité de nos échanges.
Il serait trop tard peut-être pour remplir ce devoir, si à différentes époques, il n’avait pas été rapporté en Europe et particulièrement en France, un nombre d’objets curieux des contrées les plus lointaines. Epars dans les bibliothèques et les musées de diverses villes, dans les cabinets de quelques amateurs instruits, pour être relégués dans les réduits les plus obscurs des garde-meubles de leurs héritiers, plusieurs d’entre eux n’offrent plus qu’une origine douteuse, et il faudra créer pour leur classement un genre nouveau d’érudition. Souvent mal apprécié de leurs possesseurs, réduits quelquefois au rang des jouets d’enfans, chaque année voit diminuer leur nombre et s’accroître à mes dépens quelques collections particulières de l’Angleterre et de l’Allemagne.
La création d’un musée ethnographique n’offre en perspective au gouvernement aucune difficulté sérieuse, et ne menace pas même de dispendieuses conséquences. Il suffit de désigner dans l’un de nos édifices publics un vaste local parmi ceux qui attendent une destination utile, de préparer des instructions pour les voyageurs du gouvernement, comme pour nos savans officiers de marine, et surtout de faire un appel à la générosité des possesseurs actuels d’objets curieux. Une modique dépense annuelle suffira pour la conservation du musée, et la France aura créé presque sans frais, circonstance fort précieuse dans notre ère de parcimonie pour les arts, un établissement qui ne peut plus être sans modèle, mais qui sera probablement sans égal. Beaucoup de voyageurs négligent de rapporter de leurs courses des objets curieux qu’ils pourraient facilement réunir. Assurés désormais de voir le fruit de leurs peines, la preuve de leurs travaux conservés dans un lieu public et exposés aux regards de leurs concitoyens, ils se feront honneur de contribuer à l’accroissement du musée ethnographique.
Sèvres démontre aujourd’hui, de la manière la plus convaincante, la certitude d’un tel résultat. LeMusée des arts céramiques, fondé depuis peu d’années par M. Brongniart dans les salles de la manufacture de porcelaine, se remplit presque exclusivement des tributs des voyageurs français, et son développement rapide atteste quel succès est réservé à une collection fondée sur des bases plus larges et destinée à plus de publicité. Il sera visité par des hommes de toutes les parties du Monde, le musée qui, constituant les progrès de l’industrie universelle, doit révéler à l’avenir l’état comparatif des mêmes arts chez tous les peuples, et le tableau d’ensemble des arts d’utilité et d’agrément chez chacune des nations.
ERNEST DE BLOSSEVILLE.
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