Sémiologie et métalinguistique chez saint Augustin - article ; n°65 ; vol.16, pg 75-89
16 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Sémiologie et métalinguistique chez saint Augustin - article ; n°65 ; vol.16, pg 75-89

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
16 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langages - Année 1982 - Volume 16 - Numéro 65 - Pages 75-89
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 47
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marc Baratin
Françoise Desbordes
Sémiologie et métalinguistique chez saint Augustin
In: Langages, 16e année, n°65, 1982. pp. 75-89.
Citer ce document / Cite this document :
Baratin Marc, Desbordes Françoise. Sémiologie et métalinguistique chez saint Augustin. In: Langages, 16e année, n°65, 1982.
pp. 75-89.
doi : 10.3406/lgge.1982.1120
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1982_num_16_65_1120Marc Baratin et
Françoise Desbordes
SÉMIOLOGIE ET MÉTALINGUISTIQUE CHEZ SAINT AUGUSTIN
... Augustin, qui a presque tout dit ...
J. Rey-Debove
Le plaisir de se découvrir des ancêtres, d'autant plus vif lorsqu'il s'agit de saints, con
duit souvent les linguistes à saluer Augustin comme l'un des grands précurseurs de la
linguistique contemporaine. On trouve en effet de nombreuses observations sur le lan
gage, et plus généralement sur les signes, dans l'ensemble de son œuvre ; trois textes,
ouvrages « de jeunesse », abordent tout particulièrement ce type de questions : le De
dialectica, le De magistro, le De doctrina christiana. De la réflexion linguistique qui
se dégage de ces textes, deux aspects ont surtout retenu l'attention des exégètes
modernes : la sémiologie et la métalinguistique.
On a souligné l'existence d'une sémiologie augustinienne en se fondant tout
d'abord sur le fait que c'est chez Augustin qu'on trouve, pour la première fois dans les
textes de l'Antiquité gréco-latine, la définition du mot comme signe. Le signe lui-même
est défini comme dualité, comme combinaison d'un signifiant et d'un signifié. August
in distingue en outre le signifié et le réfèrent, et, enfin, il intègre le signe linguistique
à une sémiologie générale qui englobe en les classant tous les objets de l'univers.
Parmi les « choses », en effet, Augustin oppose celles qui ne sont pas des signes à cel
les qui, tout en étant des choses, sont aussi des signes ; parmi ces dernières, il distin
gue les signes naturels (par exemple la fumée, signe du feu) et les signes conventionn
els, différenciés selon qu'ils sont visibles (les gestes, par exemple) ou audibles,
comme c'est le cas des mots ; quant à l'écriture, c'est un ensemble de signes convent
ionnels visibles, au même titre que les gestes, mais signes conventionnels visibles de
signes conventionnels audibles, les mots.
On a également signalé, plus récemment, qu'Augustin était aussi le précurseur de
la réflexion métalinguistique. On peut en effet citer divers passages où il s'intéresse de
très près au vocabulaire métalinguistique, d'autres aussi où, de façon encore plus ori
ginale, il met en évidence les phénomènes d'autonymie et en détermine les principaux
caractères.
Notre propos sera ici d'étudier Y articulation de ces deux domaines, sémiologie et
métalinguistique, dans l'ensemble de la pensée du « jeune Augustin » sur le langage.
75 Il n'y a en effet guère de sens à isoler des détails dans une doctrine antique, pour y
déceler de surcroît des anticipations des analyses modernes. Ce type de démarche ne
permet pas de saisir la perspective d'ensemble et la cohérence interne de la doctrine
considérée, et par là fausse le sens des détails que l'on extrait de façon plus ou moins
artificielle. Or précisément le point de vue d'Augustin n'est pas celui d'un « linguiste »
au sens moderne du terme. Son projet central est de tenter de répondre à cette ques
tion qui hante toute la philosophie antique : quel rapport y a-t-il entre les énoncés et
le monde dont ils se donnent comme les représentants (question non résolue, comme
on sait) ? C'est dans cette perspective qu'Augustin a essayé de fonder rationnellement
la véridicité des énoncés sur une analyse des propriétés du langage et c'est dans cette
perspective qu'il faut replacer les « détails » qui ont intéressé les linguistes modernes.
La tentative d'Augustin, ébauchée dans le De dialectica, aboutit à un échec et à la
reconnaissance de cet échec, manifestée dans le retournement du De magistro. Nous
étudierons successivement ces deux étapes.
I. De dialectica : dialectique et vérité.
1) Le projet d'Augustin.
Vers le temps de sa conversion, Augustin croit avoir trouvé dans la dialectique une
arme contre le scepticisme. Il y a au moins une chose qu'on ne peut mettre en doute,
ce sont les lois du raisonnement, lois qui viennent de Dieu et qui peuvent donner une
assise rationnelle à la certitude. Deux ouvrages de 386 attestent cet intérêt d'Augustin
pour la dialectique : le Contra Academicos où il expose les lois qui garantissent la vali
dité des inferences, le De ordine où il fait un grand éloge de la dialectique, « science
des sciences».
A l'époque d'Augustin, la dialectique est une discipline complexe qui rassemble et
syncrétise des apports de l'aristotélisme et du stoïcisme. Elle est au premier chef la
pratique même du dialogue, de l'argumentation qui se propose de convaincre ou plus
encore de réfuter un interlocuteur. Mais elle est aussi la théorie de cette pratique (et
l'enseignement de cette théorie), l'étude des moyens de la preuve ou de la réfutation.
Comme science des sciences, elle fixe les critères de validité pour les énoncés des
autres sciences, elle dégage et énonce les constantes abstraites qui font l'armature du
raisonnement dans quelque domaine que ce soit. La dialectique traite du mouvement
réflexif de la raison sur elle-même quand elle ne porte plus sur la connaissance des
objets du monde mais sur les opérations mêmes de cette connaissance. Enfin et sur
tout, la dialectique est une discipline « linguistique » qui ne sépare pas l'étude de la
raison de l'étude du langage, ou plutôt qui ramène l'étude des opérations de la raison
à l'examen des énoncés qui en sont l'expression.
La dialectique tient une place très importante dans le classement des disciplines
qui s'élabore peu à peu depuis le premier siècle avant J.-C. et qui constituera jusqu'à fin du Moyen Age le cadre intangible du savoir (triuium et quadriuium). A l'épola
que de sa conversion, Augustin a conçu le projet global d'une encyclopédie qui traite
rait de chaque discipline dans une perspective chrétienne menant du mondain au spi
rituel. C'est dans cet ensemble que se situe le De dialectica, dont la rédaction doit
donc dater de 386-387, et qui devait se proposer de mettre la dialectique au service de
la foi.
Le plan de l'ouvrage, présenté en introduction (IV), comprend quatre grandes part
ies :
— De loquendo (dénomination) : domaine de l'expression élémentaire
— De eloquendo (énonciation)
— De proloquendo (assertion) . .
r^ , . r domaine de 1 expression combinée — De proloquiorum summa '
(calcul des propositions).
La première partie de ce plan {de loquendo) comporte elle-même quatre sections :
Augustin se propose d'analyser successivement le uerburn, le dicibile, la dictio et la res
(termes dont on examinera le sens plus loin). Enfin, la première section, analyse du
uerbum, doit porter successivement sur son origine, sa valeur, sa flexion et sa cons
truction.
En fait, l'ouvrage est plus qu'inachevé : il est à peine commencé puisqu 'Augustin
n'a traité que les deux premières subdivisions de la première section de la première
partie, c'est-à-dire l'origine et la valeur du uerbum. Encore ne s'agit-il presque que de
notes, d'une sorte de brouillon avant la dernière mise en forme, ce qui expliquerait
que les définitions proposées ne soient pas toujours rigoureusement homogènes les
unes par rapport aux autres. Plus qu'un inachèvement, c'est un abandon, auquel cor
respond dans la suite des œuvres d'Augustin l'abandon de la terminologie qu'il venait
d'élaborer et d'organiser. Cet abandon ne paraît pas fortuit : tout se passe comme si
l'étude préliminaire du uerbum avait en fait conduit Augustin à renoncer au projet
d'établir rationnellement la véridicité des énoncés sur l'examen des propriétés du lan
gage.
2) Définition du uerbum.
Le De dialectica s'ouvre sur une définition traditionnelle de la dialectique : c'est « la
science de l'argumentation » (I, 5, 1).

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents