Sumatra, 1832 : premier engagement américain en Asie du Sud-Est - article ; n°1 ; vol.40, pg 49-64
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Sumatra, 1832 : premier engagement américain en Asie du Sud-Est - article ; n°1 ; vol.40, pg 49-64

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Description

Archipel - Année 1990 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 49-64
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean Heffer
Sumatra, 1832 : premier engagement américain en Asie du Sud-
Est
In: Archipel. Volume 40, 1990. pp. 49-64.
Citer ce document / Cite this document :
Heffer Jean. Sumatra, 1832 : premier engagement américain en Asie du Sud-Est. In: Archipel. Volume 40, 1990. pp. 49-64.
doi : 10.3406/arch.1990.2665
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1990_num_40_1_2665AMERICAINS DANS L' ARCHIPEL DES
Jean HEFFER
Sumatra, 1832 : premier engagement
américain en Asie du Sud-Est
Les sources attestent que la culture du poivre est ancienne à Sumatra-
ouest, mais dans la partie septentrionale de l'île, elle datait tout juste de
quelques années, quand, peu après l'indépendance des Etats-Unis, les pre
miers navires de commerce battant pavillon américain y accostèrent. Elle
résultait de l'entente conclue vers 1787 entre le raja de Susu, un certain
« Libbe Duppoh », et l'Anglais John Prince, employé de la Compagnie des
Indes Orientales, travaillant pour le compte d'une firme autonome (Natal
Concern). En une décennie, juste à l'époque de la Révolution française, la
zone côtière qui s'étend de Trumon à Kuala Batu, sur plus d'une centaine
de kilomètres, devint la principale région productrice et reçut aux Etats-
Unis le nom de « Côte du poivre ». Les villages, récemment installés, bénéf
icièrent de la demande extérieure pour s'enrichir (*).
Au même moment, les Américains, qui venaient de perdre les marchés
de l'empire britannique, avaient besoin de trouver de nouvelles sources
d'approvisionnement et de nouveaux clients. Dès 1784, ils avaient établi
des relations avec Canton, la plaque tournante des échanges dans le Paci
fique. A la recherche de toutes les occasions de profits, leurs armateurs
étaient prêts à assumer la fonction d'intermédiaires entre l'Orient et l'Occi
dent, et ils le firent avec succès, car la neutralité des Etats-Unis lors des INDIEN N.Tel ok Pow OCEAN
Mingin
Carte 1. La côte au poivre de Kuala Batu à Muki (source : War Office, 1945. Sumatra ; feuilles
(Blangpidie) et 9 (Tapaktoean). Echelle 1/250 000). 51
guerres de la Révolution et de l'Empire leur permit de suppléer leurs con
currents européens engagés dans des luttes sans merci. Même sans cet avan
tage, on peut penser qu'ils auraient réussi à conquérir une large part des
marchés, du fait de leur organisation commerciale plus souple que celle des
grandes compagnies à monopole. C'est ce qui se produisit dans le commerce
du poivre de Sumatra.
Le capitaine Jonathan Carnes, sur le Rajah, de Salem, est le premier
Américain à avoir cherché directement une cargaison sur les lieux de pro
duction, au début de 1797. Le secret ne put être gardé bien longtemps. Dès
1802, on comptait 18 navires yankees sur la côte ; c'était là le début d'une
prépondérance qui devait durer plusieurs décennies, à l'exception des années
de guerre contre le Royaume-Uni (1812-1815) (2). Les relations avec les ind
igènes étaient généralement bonnes; les nombreux journaux de bord qui ont
été conservés ne relatent pas d'incidents avant 1826. Cette année là, la
Salem Gazette rapporte que deux pirogues malaises auraient eu l'intention
de capturer le Maine à Mingin; en 1830, à Muki, le Talent aurait pu être
victime d'une agression si l'équipage n'avait été sur ses gardes (3). Ce qui
jusqu'alors était resté à l'état de menace devait se réaliser en 1831, avec
la capture du Friendship.
La Capture du Friendship, cause de l'intervention américaine
En 1831, le trois mâts de 316 tonnes, monté par 18 hom
mes, est l'un des douze bateaux américains qui viennent, cette année-là ache
ter du poivre sur la côte de Sumatra. Le 7 février, il est à Kuala Batu, le
port le plus septentrional de la zone de culture, là où la plaine drainée en
contrebas de reliefs volcaniques qui s'élèvent jusqu'à 3400 mètres, cède la
place à une vaste étendue de mangrove (cf. carte 1). Le terme de port est
en fait inexact, car il n'y a aucune installation de chargement; le navire
doit jeter l'ancre au large, pour éviter les récifs coralliens et les rouleaux
qui déferlent avec violence; le poivre est apporté à bord par des pirogues
malaises. Conformément aux usages, le capitaine Charles M. Endicott gagne
le rivage en chaloupe, accompagné d'un officier et de quatre marins, pour
peser les épices. Selon son récit des événements, dès que la première piro
gue est pleine, elle est expédiée au bateau, mais elle s'arrête dans la rivière
qui se jette dans l'Océan Indien, pour prendre d'autres Malais. Ce renfor
cement de l'équipage éveille les soupçons du capitaine. Du rivage, il per
çoit de l'agitation sur son navire, sans penser qu'il ait pu faire l'objet d'une
agression, car les consignes sont de ne pas laisser monter à bord plus de
deux indigènes. Inquiet cependant de ne pas voir revenir la pirogue, il part
avec ses hommes en chaloupe, pour rejoindre le Friendship. Dès qu'il fait
mouvement, une foule de Malais armés se rassemble sur la plage, mena- 52
çante; des autochtones mettent à l'eau une pirogue pour l'intercepter. Heu
reusement pour les Américains, ils sont accompagnés de leur interprète
local, Po Adam, « un Malais généreux et au coeur noble », qui est armé et
leur permet d'écarter les poursuivants. Quand ils atteignent le navire, ils
le trouvent aux mains des indigènes.
En effet, le second, au mépris des consignes, a laissé tous les Malais
monter à bord; ces derniers ont immédiatement attaqué par surprise l'équ
ipage réduit à douze. Résultat: trois morts, trois blessés; des matelots échap
pent au massacre en plongeant dans l'Océan et en gagnant à la nage le
rivage où ils pourront se cacher avant d'être récupérés trois jours plus tard
par Po Adam; un marin sauve sa vie en se réfugiant dans les vergues.
Comme trois pirogues s'approchent du Friendship, le capitaine Endicott
ne peut espérer reprendre son navire; à la rame, il lui reste à gagner Muki,
à 45 kilomètres au sud-est, pour chercher de l'aide auprès de trois bateaux
de commerce américains originaires respectivement de New York, de Salem
et de Boston. Gênés par le manque de vent, le trois-mâts et les deux bricks
n'arrivent à Kuala Batu que le 9 février, 36 heures après l'attaque initiale.
Malgré des menaces de bombardement (4), le raja refuse de rendre le
Friendship. Après un échange de coups de feu avec les forts, la coalition
américaine reprend possession du navire qui a été pillé, à l'exception du
poivre. L'équivalent de 25 000 dollars a disparu : 12 536 en espèces, 8 818
en opium, 2 500 en provisions et en fournitures, 1 200 en vêtements et en
instruments, à quoi il faut encore ajouter les pertes incidentes, au total,
$41 054 (5).
Cette attaque est la première effective, après 34 ans de relations com
merciales pacifiques entre Américains et habitants de Sumatra. Si le second
avait fait preuve de plus de prudence, elle n'aurait pu se produire; nombre
de désastres dans le Pacifique ont pour origine ce manque de discipline.
Mais la volonté d'agression des Malais, dans ce cas, est patente. On peut
y voir le signe de tensions portant sur des contentieux réciproques. Ven
deurs et acheteurs de poivre s'accusent mutuellement de tricher, les pre
miers alourdissent les épices avec du sable ou de l'eau, les seconds traf
iquent les poids en y ajoutant du plomb après qu'on soit parvenu à un accord
sur l'équivalence du picul et de la livre. Mais ces tricheries n'étaient pas
nouvelles; l'absence d'étalon régulier encourageait ce genre de fraudes (6).
En fait, le comportement des Malais de Kuala Batu s'explique par l'évo
lution de la conjoncture. De 1815 à 1824, le marché du poivre a été un mar
ché de vendeurs, où les producteurs bénéficiaient de la croissance plus rapide
de la demande que de l'offre. Les prix atteignent de hauts niveaux, tant
sur la côte (jusqu'à $ 10 le picul de 60 kilos) qu'aux Etats-Unis ou en Europe
(cf. tableau). Les stocks finissent par s'accumuler; à partir de 1824, la
demande est saturée, la production ne trouve pr

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