Syphilis et politiques de santé à l époque moderne - article ; n°4 ; vol.3, pg 543-556
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Description

Histoire, économie et société - Année 1984 - Volume 3 - Numéro 4 - Pages 543-556
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claude Quétel
Syphilis et politiques de santé à l'époque moderne
In: Histoire, économie et société. 1984, 3e année, n°4. pp. 543-556.
Citer ce document / Cite this document :
Quétel Claude. Syphilis et politiques de santé à l'époque moderne. In: Histoire, économie et société. 1984, 3e année, n°4. pp.
543-556.
doi : 10.3406/hes.1984.1374
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1984_num_3_4_1374SYPHILIS ET POLITIQUES DE SANTE
A L'EPOQUE MODERNE
par Claude QUÊTEL
L'irruption fracassante de la syphilis en Europe à la fin du XVe siècle, avec la
clinique exubérante, l'évolution douloureuse à l'extrême et la terminaison parfois
mortelle qui ont caractérisé sa période d'acclimatation, pourrait suffire à expliquer
l'effroi que cette maladie a suscité chez les contemporains (1). Mais ce serait compter
sans la prégnance des facteurs religieux et socio-culturels qui ont fait de la syphilis
l'archétype des maladies sociales, bien avant la folie, l'alcoolisme ou la tuberculose...
LA GRANDE PEUR (1496-VERS 1560)
Dès l'apparition de la syphilis, au cours de l'expédition de Charles VIII en Italie
(1494-1496), sa contagiosité, de nature presque toujours sexuelle est parfaitement
aperçue. Il n'est pas jusqu'au plus humble des soldats des guerres d'Italie qui ignore
que la terrible maladie soit causée « par attouchement, et principalement de compag
nie charnelle » (2). Voici que Vénus a jeté le masque pour montrer désormais le
visage triomphant de « Dame Vérolle » (3). Maladie et péché ne font plus qu'un, et
c'est bien « l'ire de Dieu (qui) a permis que cette maladie tombât sur le genre humain
pour réfréner leur lascivité et débordée concupiscence », comme le souligne, parmi
tant d'autres, Ambroise Paré (4).
Voilà pourquoi la prophylaxie, qui s'impose d'emblée sur le plan médical, grâce
à une étiologie aussitôt discernée (on parlera bientôt de « venin syphilitique »), fait
problème sur le plan moral et religieux : Ne va-t-on pas favoriser ainsi les débordements
sexuels de ceux qui seraient désormais assurés de l'impunité vénérienne ? Question
1 On se icportera utilement à l'ouvrage, vieilli mais non remplacé, de b Jeanselme, Traite de la
syphilis, (2 tomes), Paris, 1931.
2 Ambroise Paré, Oeuvres, « Le seizième livre traitant de la grosse vérolle », 1 575.
3 « De ce triomphe ici est le bagage
(comme on peut voir) accoutré pauvrement,
Garde toi bien d'en être, si est sage,
Si à jamais ne veut souffrir tourment,
Car ceux à qui ôte l'entendement
Vénus l'infecte, et les réduit à elle,
Communément sont de notre séquelle,
Soumis à mal, et privés de plaisir
Par quoi ne doit suivre Déesse telle,
Si de sain vivre as vouloir et désir »
(« Le Friumphe de très haulte et puissante Dame vérolle, Royne du Puy d'Amours, nouvellement
composé par inventeur de menus plaisirs nonnested ») M С XXXIX, Lyon (sans nom d'auteur)
4. Ambroise Paré,op cit. HIS I OIRL I'CONOMIl I I SOCH' П 544
d'autant plus pertinente qu'une politique de santé en la matière concernera moins
l'individu capable de payer ses soins que l'indigent dont la prise en charge par l'État
ne peut se concevoir que totalement. Cette étroite intrication entre charité et correc
tion est le fondement même des diverses tentatives d'enfermement à l'époque mod
erne...
Mais, dans les toutes premières décennies du XVIe siècle, la peur de la maladie
et surtout la terreur de la contagion l'emportent de loin sur les considérations rel
igieuses et morales. Une profusion d'écrits médicaux, philosophiques, moraux, politi
ques, atteste la véritable psychose du mal vénérien qui s'empare de l'Europe au début
du XVIe siècle. L'un de ces auteurs, lui-même atteint par le mal, Joseph Grunpeck,
donne assez le ton, dans un ouvrage qui paraît en 1 503 :
« Dans ces derniers temps, de tous les coins du monde, j'ai vu des fléaux, des maladies horribles
et beaucoup d'infirmités s'abattre sur le genre humain. Parmi eux se glissa des rives occidentales
de la Gaule un mal si cruel, si triste et si infect que jusqu'alors on n'avait jamais vu ni connu
rien de si atroce sur la terre, rien de plus terrible et de plus dégoûtant... » (5)
En 1520, alors que la brutalité de l'épidémie initiale tend à s'atténuer, Erasme
écrit encore :
« Si l'on me demande quelle est de toutes les maladies celle qui extermine le plus d'hommes,
sans hésitation je répondrai : c'est ce mal qui depuis quelques années fait rage impunément...
Quelle contagion s'est jamais étendue aussi vite à toutes les contrées de l'Europe, de l'Asie et
de l'Afrique ? Quelle contagion s'empare ainsi du corps tout entier, résiste autant à l'art médical,
s'inocule aussi facilement, torture si cruellement le malade ?... Elle réunit à elle seule tout ce
qu'il y a d'effroyable dans les autres contagions : douleurs, infection, danger de mort, traitement
pénible et répugnant, qui pourtant, n'amène pas une guérison radicale. » (6)
Ces textes situent bien l'ambiance dans laquelle s'est déroulée la première prise
en charge, ou plutôt le refus de prise en charge des véroles indigents... Dès 1496 en ef
fet, les comptes de l'Hôtel-Dieu, jusqu'alors muets sur cette affection, parlent de
« grosse verolle de Naples », en révélant une indéniable émotion devant l'afflux de
ce nouveau type de malades. D'où le 6 mars 1496, un arrêt du Parlement de Paris
« portant règlement sur le fait des malades de la grosse vérole », qui inaugure une
politique systématique de refus des vénériens à l'Hôtel-Dieu de Paris, tant par crainte
de la contagion physique que par celle de la contagion morale. Mais il faut souligner
à quel point la contradiction a été totale dès ce moment entre la sévérité des mesures
édictées et la médiocrité des résultats obtenus. Le Parlement de Paris, par exemple,
après avoir ordonné en 1496 que « les malades de maladie vénérienne seront mis
hors la ville comme les ladres, d'autant que cette est jugée contagieuse »,
constate quelques années plus tard que « depuis cet arrêt, cette maladie était devenue
si commune qu'il n'était plus observé » (7).
En décembre 1496, à Paris, les pauvres atteints de cette terrible maladie, qu'on
appelle bientôt « grosse vérole », se sont retirés, faute d'être reçus à l'Hôtel-Dieu,
près du cloître de la Cathédrale où ils ont édifié des petites cabanes. La peur de la
5. Libelîus Josephi Grunpeckii De Mentalugra, alias M orb o Gallico, s.d. (1503).
6. Des. Erasmi, Lingua, sive de linguae usu atque abusu... (1 520)
7. Bibliothèque Nationale, ms FF 2 1 629. SYl'HILIS ř-T POLIIIQUf-S Ш SANH 545
contagion est si forte qu'on se propose de les en déloger en les établissant dans des
tentes hors de la ville » (8).
Puisque les « véroles » indigents s'obstinent à encombrer les rues de la capitale
et que PHôtel-Dieu n'en veut pas, il faut bien leur attribuer une maison, ainsi que
l'atteste en février 1507 le procès-verbal de la séance d'une assemblée tenue au Palais,
au sujet du mal de Naples :
« Le danger de la contagion menaçant les religieuses et les autres habitants de l'Hôtel-Dieu,
les malades atteints du mal de Naples seront exclus de cet hôpital et seront soignés dans les
deux maisons, désignées pour cet objet, savoir les hommes dans une maison située au faubourg
St-Germain-des-Prés et les femmes dans une maison située au faubourg St-Honoré » (9).
L'histoire de ces petits hôpitaux spécialisés, sinon dans le traitement, du moins
dans l'accueil des premiers syphilitiques reste à faire, tant pour Paris que pour les
villes de province. Les malades y sont traités du reste en coupables, et il est fréquent
que la fustigation marque leur entrée à l'hôpital, en attendant que la panacée mercu-
rielle leur soit administrée. Ceci a pour résultat, peut-être escompté, de faire fuir et
errer de nouveau les « vé

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