Tahiti, George Pritchard et le « Mythe » du « Royaume missionnaire » - article ; n°38 ; vol.29, pg 57-68
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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1973 - Volume 29 - Numéro 38 - Pages 57-68
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 71
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Cedric A. Sampson
Colette de Buyer
Tahiti, George Pritchard et le « Mythe » du « Royaume
missionnaire »
In: Journal de la Société des océanistes. N°38, Tome 29, 1973. pp. 57-68.
Citer ce document / Cite this document :
Sampson Cedric A., de Buyer Colette. Tahiti, George Pritchard et le « Mythe » du « Royaume missionnaire ». In: Journal de la
Société des océanistes. N°38, Tome 29, 1973. pp. 57-68.
doi : 10.3406/jso.1973.2411
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1973_num_29_38_2411TAHITI,
GEORGE PRITCHARD,
et le « Mythe » du
« Royaume missionnaire »
L'histoire de l'expansion européenne est reprise et réécrite encore et par
tout. Jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, des études sur l'expansion
impérialiste, qu'elle soit Anglaise, Française ou Hollandaise, centrées principa
lement sur les Européens dans le but de souligner la supériorité militaire occi
dentale, atteignent une telle ampleur que le rôle des peuples autochtones est
non seulement négligé mais tout à fait minimisé. L'effondrement des empires
coloniaux a aussi entraîné l'effondrement de bien des idées relatives à la supér
iorité et à la mission de l'occident ; une nouvelle vague de critiques à l'égard
de l'Europe, continent où sont nées ces études historiques, s'est élevée. Les
historiens nationalistes de ces toutes nouvelles nations indépendantes et les occidentaux eux-mêmes ont œuvré pour remettre à leur juste place
les écrits venus d'Europe, soulignant le rôle du facteur impérialiste en faisant
des études sur l'Asie et l'Afrique centrale qui, elles, accentuent l'importance
du rôle des peuples colonisés sur leur propre histoire.
Ce nouveau travail qui comporte également le risque d'être influencé en
faveur de l'Asie ou de l'Afrique, a eu un effet salutaire sur un écrit histo
rique dans lequel se pose la question des anciennes idées sur la passivité
indigène en face de la colonisation occidentale. Cette nouvelle tentative a
démontré qu'en Asie et en Afrique, les tribus indigènes possédaient la vita
lité suffisante et la force nécessaire pour jouer un rôle actif dans l'histoire
impérialiste. Sans aucun doute, l'occident a marqué profondément les cultures
non-occidentales mais pour offrir une image exacte et équilibrée de ce que
fut ce choc, il faut jeter un coup d'oeil détaillé à la fois sur le facteur impér
ialiste et sur la culture indigène sur laquelle il a agi.
57 SOCIETE DES OCÉANISTES
Les historiens des îles du Pacifique ont déjà fait beaucoup pour centrer
leurs études sur les peuples indigènes. Les premiers travaux sur la rivalité
diplomatique des grandes puissances dans les îles, sises respectivement à
Downing Street et au Quai d'Orsay, furent remplacés, après la seconde guerre
mondiale, par des études sur l'expansion des Européens installés dans les îles,
occupées principalement par des missionnaires européens, des commerçants
et des militaires. Plus récemment, les historiens du Pacifique ont ressenti le
besoin de ne plus donner autant d'importance à l'influence impérialiste au prof
it d'un examen plus approfondi des habitants des îles eux-mêmes1.
La difficulté à écrire une « histoire décolonisée » provient en premier chef
d'une de ses sources2. Les sources indigènes d'information étant incomplètes
et hors d'atteinte, nous sommes allés les chercher parmi les événements dans
le Pacifique, relatés par des marins occidentaux, des commerçants, des mis
sionnaires et des fonctionnaires du gouvernement. Par chance, nous avons pu
avoir leurs récits. Et par malchance cependant, ces renseignements fournis
par ces mêmes Européens se limitent aux événements dont ils ont été témoin
ou à ceux auxquels ils ont pris part. Des déformations ultérieures ont surgi
et ont fait douter du rôle crucial joué par les Européens dans ces événements.
Il est peut-être naturel qu'un individu, relatant un événement,, accentue dans
son récit son propre rôle et exagère sa propre importance mais l'historien se
gardera de se laisser influencer en puisant dans ces renseignements de pre
mière main. Il doit réexaminer ces sources occidentales avec l'idée de pénétrer
les peuples indigènes, tout comme les Européens, et il doit aussi chercher de
nouvelles sources d'information dans le domaine de l'anthropologie.
Un exemple de confiance trop grande dans les sources occidentales se
trouve dans la manière de traiter l'influence missionnaire sur les peuples du
Pacifique. Dans de nombreux écrits sur cette partie du globe au XIXe siècle,
on donne un rôle prépondérant aux missionnaires dans la politique des îles.
En effet, certains historiens ont pensé de leur devoir d'écrire « les royaumes
missionnaires »3 ou « les théocraties »4, œuvres dans lesquelles les peuples
insulaires et leur chef sont dominés ou sous l'emprise des missionnaires. Pour
s'assurer de la réalité de cet état de choses relatif à la puissance missionnaire,
il serait utile d'étudier le cas de Tahiti et des missionnaires de la L.M.S. dont
le plus connu parmi les autres fut George Pritchard, missionnaire et consul
britannique.
Les témoins contemporains de cette époque sont unanimes dans leur des
cription du rôle prédominant des missionnaires à Tahiti. Pour les marins et
1. J. W. Davidson, Problems of Pacific History, Journal of Pacific History, I (1966), 21 ; John
M. Ward, The British Territories in the Pacific in Robin W. Winks (ed), The Historiography of the
British Empire-Commonwealth (Durham, North Carolina 1966), 210.
2. H. E. MAUDE, Pacific History — Past, Present and Future, Journal of Pacific History, 6 (1971),
3-24.
3. Aarne Koskinen, Missionary Influence as a Political Factor in the Pacific Islands (Helsinki
1953), 52 ; W. P. Morrell, Britain in the Pacific Islands (Oxford 1960), 39-62. It Should be noted
however, that MorreU's earlier work rejected the notion of missionary kingdoms. See The Transition
to Christianity in the South Pacific, Transactions of the Royal Historical Society, fourth series,
XXVIII (1946), 117.
4. A. C. Eugène Caillot, Histoire de la Polynésie Orientale (Paris 1910), 135-6; C. Hartley
GRATTAN, The Southwest Pacific to 1900 (Ann Arbor 1963), 199 and 208.
58 PRITCHARD, ET LE « MYTHE » DU « ROYAUME MISSIONNAIRE » GEORGE
les commerçants qui ont rendu visite à ces îles entre 1820 et 1830, il est clair
que les missionnaires avaient une influence certaine sur le gouvernement tahi-
tien et « pesaient d'une manière décisive sur toute nouvelle loi ou décret » 5.
Opposés aux missionnaires on trouve J. A. Moerenhout, premier résident amér
icain et consul de France, et l'Amiral Du Petit-Thouars, commandant en chef
du détachement militaire dans le Pacifique Sud. Ces deux hommes montrent
que les missionnaires dirigeaient totalement la politique dans les îles. Selon
ce dernier « la reine n'est qu'un prête-nom et l'instrument passif des mission
naires méthodistes »6.
Les contemporains occidentaux de George Pritchard le décrivent comme le
chef du groupe missionnaire et par là même, le principal instigateur des
affaires de l'île. Un marin qui rendit visite à l'archipel affirme que « Pritchard
est le conseiller de la Reine ; qu'on le consulte pour toute décision d'impor
tance et que l'avis qu'il donne n'est jamais repoussé par la Reine » 7.
lui-même reconnut plus tard qu'il avait « une grande influence » sur la Reine
mais il se garde de préciser de quelle influence il s'agit et de quelle manière
il s'en servait8.
Les historiens qui acceptent ces preuves fournies par des Européens sur
l'influence de Pritchard sont tout naturellement enclins à interpréter l'histoire
de Tahiti, histoire dans laquelle Pritchard joue un rôle de premier plan. En
général dans l'explication donnée des événements qui amenèrent Tahiti à passer
sous le Protectorat français, onfâttribue toutes les responsabilités à Pritchard
et à ses missionnaires en ce qui concerne l'expulsion des prêtres catholiques
Caret et Laval, en novembre 1836 ainsi que la loi anti-catholique de 1838 qui
irrita fortement la France

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