Classification des peuplements forestiers de la pessière à mousse du Nord de l’Abitibi selon leur structure interne Par Thuy Nguyen Chaire Industrielle CRSNG-UQAT-UQAM en Aménagement forestier durable Rapport remis au Ministère des Ressources naturelles du Québec Contrat no : 9904648 Juillet 2000 2 INTRODUCTION Au Québec, deux systèmes d’aménagement forestier sont généralement pratiqués : le système d’aménagement équienne et le système d’aménagement inéquienne (MRNQ, 1997). Ces deux systèmes d’aménagement se différencient principalement par les exigences écologiques des essences principales objectif, la structure du peuplement et l’âge et les caractéristiques dendrométriques des tiges. Dans un peuplement soumis à un système d’aménagement équienne, la majorité des arbres s’établissent durant une période limitée et forment un noyau de tiges qui évolue dans le temps jusqu’à leur remplacement. Dans un peuplement soumis à un système d’aménagement inéquienne, il est difficile de définir un début et une fin au peuplement dans le temps. Ainsi, les arbres qui le composent sont d’âges et de diamètres variés et ce peuplement comporte souvent un mélange de plusieurs essences. Ces deux types de système d’aménagement forestier sont donc principalement définis par la distribution des classes d’âge des tiges du peuplement. La notion de ‘cohorte’ peut aussi être utilisée pour décrire ...
Classification des peuplements forestiers de la pessière à mousse
du Nord de l’Abitibi selon leur structure interne
Par Thuy Nguyen
Chaire Industrielle CRSNG-UQAT-UQAM en Aménagement forestier durable
Rapport remis au Ministère des Ressources naturelles du Québec
Contrat no : 9904648
Juillet 2000
2
INTRODUCTION
Au Québec, deux systèmes d’aménagement forestier sont généralement pratiqués :
le système d’aménagement équienne et le système d’aménagement inéquienne (MRNQ,
1997). Ces deux systèmes d’aménagement se différencient principalement par les
exigences écologiques des essences principales objectif, la structure du peuplement et
l’âge et les caractéristiques dendrométriques des tiges. Dans un peuplement soumis à un
système d’aménagement équienne, la majorité des arbres s’établissent durant une période
limitée et forment un noyau de tiges qui évolue dans le temps jusqu’à leur remplacement.
Dans un peuplement soumis à un système d’aménagement inéquienne, il est difficile de
définir un début et une fin au peuplement dans le temps. Ainsi, les arbres qui le
composent sont d’âges et de diamètres variés et ce peuplement comporte souvent un
mélange de plusieurs essences. Ces deux types de système d’aménagement forestier sont
donc principalement définis par la distribution des classes d’âge des tiges du peuplement.
La notion de ‘cohorte’ peut aussi être utilisée pour décrire l’établissement, à l’intérieur
d’un même peuplement, de différents groupes d’individus lors de périodes de temps
distinctes (Seymour et Hunter, 1999). Une cohorte unique compose généralement les
peuplements issus de perturbations majeures tels les incendies de forêt. Ces peuplements
sont généralement soumis à un système d’aménagement équienne. En absence de
perturbation majeure, une multitude de cohortes peuvent s’établir à l’intérieur d’un même
peuplement suite aux trouées partielles créées par la mort successive des individus le
composant. Ces peuplements sont généralement soumis à un système d’aménagement
inéquienne.
Le système d’aménagement équienne est le principal système d’aménagement
utilisé dans les peuplements de la forêt boréale du Québec car il est généralement bien
adapté aux essences commerciales que l’on y retrouve. Ceci découle du fait que la forêt
boréale constitue un écosystème dont la dynamique est grandement influencée par les
incendies forestiers (Payette, 1992). Ainsi, ces derniers sont généralement destructeurs
initiant la régénération forestière (Johnson, 1992). Suite aux incendies, le territoire est
habituellement recolonisé par des peuplements de structure équienne composés surtout
d’épinettes noires, de pin gris ou de feuillus de lumière tels les trembles et les bouleaux
(Gagnon, 1989). Cependant, dans la région Nord de l’Abitibi des travaux en cours sur la
reconstitution historique des incendies forestiers (Bergeron et al., 1999a; Gauthier et al.
soumis) montrent qu’une portion importante des peuplements (50%) sont plus âgés que
100 ans et que par conséquent, leur structure et leur composition seraient très différentes
de celles des peuplements de première cohorte après les incendies. Bergeron et al.
(1999b) proposent donc un modèle d’évolution forestière pour la pessière noire à mousse
du Nord de l’Abitibi qui prolonge l’évolution des peuplements forestiers au-delà de la
première cohorte (fig. 1). Selon ce modèle, la composition en essences et la structure des
peuplements se modifieraient de façon importante en fonction du temps écoulé depuis le
passage du feu. Ainsi, les peuplements de première cohorte évolueraient au cours des ans
vers des peuplements de deuxième cohorte et de troisième cohorte. La progression d’une
deuxième cohorte d’individus mènerait à une structure de plus en plus irrégulière tandis
que la troisième cohorte représenterait l’aboutissement de l’évolution du peuplement vers
un stade de stabilité relative où il posséderait une structure inéquienne.
3
ensemencement marcottage
cohorte 1 cohorte 2 cohorte 3
Fig. 1. Évolution des peuplements forestiers de la pessière noire à mousse du Nord de
l’Abitibi en fonction du temps écoulé depuis le passage du dernier feu (Bergeron et al.,
1999b).
Plusieurs études suggèrent que cette variabilité de structures de peuplement à
l’échelle du paysage constitue l’essence même de la biodiversité en forêt boréale
(Franklin, 1993). Selon le Manuel d’aménagement forestier (MRNQ, 1997), la stratégie
d’aménagement doit viser, en outre, à respecter la diversité biologique et la dynamique
naturelle des peuplements. À la lumière du modèle d’évolution proposé par Bergeron et
al. (1999b), il serait donc éventuellement nécessaire d’intégrer le système
d’aménagement inéquienne à la stratégie d’aménagement établie pour la pessière noire à
mousse. Les deux principaux objectifs du présent travail de recherche sont : 1) de vérifier
si les trois cohortes proposées par le modèle d’évolution forestière de Bergeron et al.
(1999b) peuvent être observées sur le territoire du Nord de l’Abitibi et 2) d’identifier
différents paramètres qui permettraient de les caractériser.
MÉTHODOLOGIE
Aire d’étude
L’aire d’étude utilisée dans le cadre du présent travail correspond au territoire de
simulation (U28X) d’un projet de recherche effectué dans le cadre du Volet I du
programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier. Ce territoire comporte
l’aire forestière 85-01 N (Norbord) et une partie de l’aire commune 85-20 (Tembec /
Norbord) (fig. 2). Il est situé dans la région écologique du Lac Matagami (6a) et fait
partie de l’unité écophysiographique régionale du Lac Grasset (119). Il couvre environ
2 o o o475 000 ha (4 750 km ) et s’étend de 49 37’ 30’’ à 50 22’ 30’’ N et de 78 30’ 00’’ à
o79 30’ 00’’ W.
L’examen de la banque de donnée des polygones forestiers associés à ce territoire
révèle que la superficie totale de l’aire d’étude est de 474 076 ha. Les terrains
improductifs (A, AL, AUT, DH, DS, DSC, GR) occupent 237 782 ha, soit 50% du
territoire, tandis que les plans d’eau occupent 4% du territoire (17 907 ha). Les terrains
productifs occupent 218 307 ha (46% du territoire). De ces derniers, 49 508 ha (17%) ont
comme origine une perturbation récente (BR, CHT, CPR, CT, ES, P, PLR). La strate
forestière développée se compose essentiellement d’épinette noire – EE (87%), de pin
gris – PG (8%) et de peuplier – PE (4%). 10% de la strate forestière (16 780 ha) a été
affecté par des chablis partiels (CHP).
4
85-01 N
85-20 Matagami
Qu é v i l lo n
La c - A b i t i b i 87 85
Ha r r i c a n a La Sarre
86
Mé gi s c a n e
84 Rouyn-
Ro u y n -
nd a No r a
Or Va l - d ’ 28
83
Té m is c a m in g u e
81
Fig. 2. L’aire d’étude comprend l’aire forestière 85-01 N et une partie de l’aire commune
85-20. Elle est située dans la région administrative de l’Abitibi-Témiscamingue et dans le
sous-domaine bioclimatique de la pessière noire à mousse de l’ouest (zone grise).
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Données
Les données sur lesquelles est basé le présent travail proviennent des 723 placettes
d’échantillonnage temporaires (PET) établies par le Service des inventaires forestiers du
eMRNQ à l’intérieur ou à proximité du territoire U28X durant le 2 décennal. Les données
utilisées sont celles du dénombrement des tiges marchandes et non-marchandes effectué à
chacune des PET. Ainsi, les données sont essentiellement constituées du nombre de tiges
à l’hectare observé par placette selon la classe de DHP (intervalle de 2 cm) et l’essence.
Seules les données des essences commerciales ont été retenues.
Analyses
Trois principaux types de structure d’âge ont traditionnellement été établis :
équienne, irrégulière et inéquienne. Cette caractérisation des peuplements forestiers
reflète la distribution des âges des tiges d’un peuplement donné. Un peuplement de
structure (d’âge) équienne se caractérise par une distribution souvent unimodale des âges
des tiges; c’est à dire que la majorité des tiges se retrouvent d’un bord et de l’autre d’un
âge central. Cependant il est à noter qu’en pessière noire, les peuplements de structure
équienne présentent fréquemment une forte présence de tiges de faibles diamètres malgré
la dominance d’une principale cohorte d’individus dans la canopée (Gagnon, 1989). Un
peuplement de structure irrégulière se caractérise par une distribution bi- ou multi-modale
des âges des tiges. Ainsi, les âges observés se dispersent sur une large plage de valeurs et
il est souvent difficile d’identifier une valeur centrale unique (Groot et Horton, 1994).
Finalement, un peuplement de structure inéquienne se caractérise également par un large
étalement de la plage d’âge, mais il démontre une présence majoritaire de tiges en bas âge
et une diminution rapide du nombre de tiges observées à mesure que les âges augmentent.
Sa distribution d’âge exhibe souvent une forme de J inversé (Parker et Peet, 1984). Lors
de l’établissement d’un système sylvicole, il est souvent plus pratique d’examiner la
structure diamétrale d’un peuplement forestier en lieu de sa structure d’âge.
Dans un premier temps, une approche descriptive a initialement été employée afin
de confirmer l’existence des différents types de structure (cohorte) sur le territoire
d’étude. Pour chacune des 723 PET, une distribution des classes de diamètre a été établie
à partir des données de dénombrement de tiges et plusieurs paramètres associés à la
distribution ont été examinés (nombre et position des modes, étalement, degré
d’asymétrie, répartition des essences, …). Cette description de la distribution diamétrale
a été complétée par une représentation ‘visuelle’ créée à l’aide du logiciel SVS – Stand
Visualization System (McG