La géographie de l alimentation - article ; n°325 ; vol.61, pg 184-199
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Description

Annales de Géographie - Année 1952 - Volume 61 - Numéro 325 - Pages 184-199
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 109
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Maximilien Sorre
La géographie de l'alimentation
In: Annales de Géographie. 1952, t. 61, n°325. pp. 184-199.
Citer ce document / Cite this document :
Sorre Maximilien. La géographie de l'alimentation. In: Annales de Géographie. 1952, t. 61, n°325. pp. 184-199.
doi : 10.3406/geo.1952.13393
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1952_num_61_325_13393184
LA GÉOGRAPHIE DE L'ALIMENTATION1
La pénurie de matières alimentaires consécutive à la dernière guerre a
rappelé l'attention des géographes sur un chapitre important de leur disci
pline, celui de l'alimentation. Il leur eût certes suffi de suivre la leçon que
donnait Vidal de La Blache aux géographes français lorsqu'il écrivait :
« Parmi les rapports qui rattachent l'homme à un certain milieu, l'un des
plus tenaces est celui qui apparaît en étudiant les moyens de nourriture ;
le vêtement, l'armement, sont beaucoup plus sujets à se modifier que le
régime alimentaire par lequel, empiriquement, suivant les climats où ils
vivent, les différents groupes subviennent aux nécessités de l'organisme.»
Une orientation féconde était contenue dans ces quelques lignes. Mais les
événements contemporains ont jeté sur le sujet une lumière brutale, et nous
ont procuré une autre conscience de son importance.
Certes encore, les géographes savaient que toujours la faim, et son cor
tège de maux, avait été la compagne des hommes, qu'elle avait été le ressort
de leurs actions. L'histoire leur conservait le souvenir des grandes famines
et ils n'avaient pas besoin de remonter bien haut le cours des générations
pour retrouver le frisson des grandes peurs causées par la menace de la disette.
Les journaux leur apportaient l'écho des souffrances infligées à de grands
pays par une mauvaise récolte. Mais enfin, pour une grande partie de l'human
ité occidentale, ces choses étaient lointaines, comme un mauvais rêve qui
s'efface. Et voici que, brusquement, ces réalités nous sont redevenues proches
et familières, parce que nous avons eu faim, parce que nous avons vu
autour de nous d'étranges maladies que nous connaissions seulement par
des descriptions médicales, parce que des groupes entiers portent les sti
gmates de la sous-alimentation. L'étendue du mal a ému les savants et les
hommes d'État. Le problème de l'alimentation s'est imposé à eux avec une
urgence redoutable. De grandes organisations internationales ont pris à
tâche d'en étudier les données et les solutions, comme l'Organisation mondiale
pour l'alimentation et l'agriculture (F. A. O.). C'était le temps où les physio
logistes commençaient à poser les bases d'une nouvelle science, la science de
l'alimentation, rendue possible par les progrès de l'énergétique biologique,
et par ceux de la chimie biologique. Un champ immense s'ouvrait à leurs
1. Je rappelle que j'ai donné sur ce sujet les indications essentielles dans Les Fondements
de la géographie humaine, t. I, Les Fondements biologiques, Paris, Librairie Armand Colin,
1943 (2e partie). Les géographes trouveront une bibliographie dans Josué de Castro, Geography
of Hunger, Londres, 1951 (édition française en préparation). Comme sources officielles, voir les
travaux de la Commission d'Hygiène de la S. D. N. pour la période antérieure à 1939. Pour
des temps plus proches, voir Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture (O. A. A. ou F. A. O.), Enquête mondiale pour V alimentation , 1946 ; La situa
tion mondiale de V alimentation et l'agriculture, 1948. On n'oubliera pas IIe Congrès Scientifique
international de V alimentation, publié par la S. Se. d'hygiène alimentaire, La science de
l'alimentation en 1937 (rapports). Enfin, sous les auspices de l'UNESCO, une série de brochures
a été publiée en 1950 sous le titre général : Les hommes et leur nourriture ; voir particulièrement
celle d'André Mayer, dont la compétence s'impose, Alimentation et progrès social. LA GÉOGRAPHIE DE L'ALIMENTATION 185
investigations. Économistes et biologistes comprenaient enfin que les pro
blèmes humains ne peuvent plus être posés seulement en termes de product
ion et d'échanges, pas même uniquement en termes de consommation,
mais en* termes de besoins. Les sciences de l'homme redevenaient humaines.
La géographie humaine a participé à ce mouvement général. Gomment
donner de l'œkoumène une image intelligible si l'on ne sait ce que les hommes
mangent, dans quelle mesure ils peuvent satisfaire leurs besoins alimentaires?
La puissance de travail des groupes, leur résistance même aux maladies
infectieuses dépendent dans une large mesure de cette satisfaction. Une
économie qui négligerait de telles données serait privée de base. Nous devons
donc regarder la géographie de l'alimentation comme un chapitre capital
de la géographie humaine. Nous disposons d'une documentation dont la
masse va s' accroissant. Les enquêtes menées par les Offices nationaux du
type de notre Institut National d'Hygiène, ou rassemblées par les organismes
internationaux sont offertes à notre exploitation. Nous chercherons moins
à résumer le contenu d'une telle étude qu'à définir sa notion centrale, en
montrer le sens et enfin en dégager la portée générale et actuelle.
I
De même que nous avons proposé pour la géographie des maladies infec
tieuses une notion centrale, celle de complexe pathogène, de même il nous
faut trouver pour la géographie de l'alimentation une notion générale,
concrète, susceptible de donner prise à l'analyse géographique, soit parce
qu'elle s'attache à des groupes humains localisés, soit parce qu'elle est en
relation avec d'autres notions géographiques. La notion de régime aliment
aire répond à ces exigences. Précisons. Nous écartons le sens médical du
terme. Nous appelons régime alimentaire d'un groupe humain l'ensemble des
aliments ou préparations alimentaires grâce auquel il soutient son existence
à travers l'année. On désigne parfois ces combinaisons par le nom du type
d'aliment qui lui sert de noyau (régime carné, lacté, etc.). Notion concrète,
et non pas théorique, que nous dégageons par l'observation directe, comme
toutes les autres notions géographiques.
Vidal de La Blache relève que les Grecs avaient été frappés des diffé
rences mises par les manières de se nourrir entre les peuples1. Ces Méditerra
néens consommateurs de blé, d'huile d'olive, de vin, agriculteurs sédent
aires, étaient entrés en contact aux confins de leur domaine avec des
Nomades vivant du lait de leurs cavales — des galactophages — , des
pêcheurs dont le poisson constituait le principal aliment — des ichtyophages.
Leurs légendes leur parlaient des mangeurs de lotus — des lotophages. Plus
sûrement encore que la couleur de la peau ou la stature, ces particularités
en rapport avec les ressources du milieu et le genre de vie semblent avoir été
retenues par les géographes grecs comme des caractéristiques ethniques.
1. "Vidal db La Blache, Principes de géographie humaine, p. 133. ANNALES DE GÉOGRAPHIE 186
L'usage du lait et du beurre par les hommes d'au delà des Alpes ne frappera
pas moins les écrivains latins depuis Pline jusqu'aux chroniqueurs gallo-
romains du temps des grandes invasions. Ceux-ci parleront avec répugnance
ou avec effroi de ces grands Barbares aux moustaches dégouttantes de
beurre ou des féroces cavaliers qui dévorent une chair corrompue, durcie
entre la selle et le cuir de leur cheval. Dans notre Occident, au cours des
siècles, chaque région a développé ou consolidé ses mœurs alimentaires.
Elles font partie du signalement national. Pain noir et pain blanc, le shibbol
eth, dit Gœthe. Les peuples parlent avec étonnement et dérision de la cuisine
de leurs voisins. Dans un même pays, les différences provinciales inspirent
des brocards transmis d'âge en âge.
La découverte du monde, à partir du xvie siècle, élargit le champ d'obser
vation des Européens. Des îles du Pacifique et des clairières de la forêt équa-
toriale aux rivages glacés où les Esquimaux se gavent de la graisse des
animaux marins, les voyageurs re

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