Un exemple de survivance païenne à l époque contemporaine : le culte des fontaines dans la France de l Ouest et du Centre-Ouest - article ; n°1 ; vol.86, pg 83-107
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Un exemple de survivance païenne à l'époque contemporaine : le culte des fontaines dans la France de l'Ouest et du Centre-Ouest - article ; n°1 ; vol.86, pg 83-107

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Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1979 - Volume 86 - Numéro 1 - Pages 83-107
25 pages

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Publié le 01 janvier 1979
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Langue Français
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Pierre Audin
Un exemple de survivance païenne à l'époque contemporaine :
le culte des fontaines dans la France de l'Ouest et du Centre-
Ouest
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 86, numéro 1, 1979. pp. 83-107.
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Audin Pierre. Un exemple de survivance païenne à l'époque contemporaine : le culte des fontaines dans la France de l'Ouest et
du Centre-Ouest. In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 86, numéro 1, 1979. pp. 83-107.
doi : 10.3406/abpo.1979.2969
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1979_num_86_1_2969Un exemple de survivance païenne
à l'époque contemporaine :
le culte des fontaines dans la France
de l'Ouest et du Centre-Ouest
par Pierre AUDIN
A. JUSQU'A L'ÉPOQUE GALLO-ROMAINE
De tout temps, l'homme a prêté un pouvoir magique aux sour
ces, bouches de la Terre nourricière en relation avec l'empire des
morts, mais également liées aux astres, en particulier au soleil avec
lequel l'eau s'unit pour féconder la terre et assurer la croissance
des plantes. La source appartint d'abord au stade des religions
primitives, pour lesquelles le divin est immanent : il anime la nature,
ses sommets, ses bois, ses rochers et ses eaux. Mais lorsque des
religions plus évoluées apparurent, le respect inspiré par les grandes
forces physiques, eau, soleil, terre, était tel que ces croyances pre
mières, au lieu de disparaître, furent incorporées aux nouveaux
panthéons, mais à un rang inférieur, car elles ne représentaient
plus que l'élément résiduel d'une théogonie primitive (1), d'autant qu'en Gaule l'arrivée des Celtes a mis les populations déjà en
place (peuples du Néolithique, hommes de la civilisation des Champs
d'Urnes, aristocratie hallstattienne...) (2), dans une position de dépen
dance sur le plan culturel. Pourtant les Celtes ne purent se défaire
du fond religieux déjà en place, en particulier du respect pour les
eaux, les pierres et les arbres, épisodiquement régénéré par une sève
nouvelle, l'influence grecque par exemple, puis romano-grecque après
la conquête de César, plus tard enfin celle des Germains de l'époque
mérovingienne. Nous ignorons d'ailleurs si la religion de ceux des
Celtes qui s'installèrent en Gaule au début du second âge du fer
ne comportait pas un culte mineur à ces forces primitives, en plus 84 ANNALES DE BRETAGNE
de la dévotion aux grands dieux. A dire vrai, personne avant l'arrivée
des premiers missionnaires chrétiens ne se préoccupa de lutter
contre l'importance donnée aux fontaines, bien au contraire. Aussi,
lorsqu'on connaît la lenteur, les difficultés et souvent la précarité
de la christianisation des campagnes, ne faut-il pas s'étonner de voir
s'accomplir encore de nos jours des rites directement issus du
paganisme.
Une enquête menée depuis trois ans dans quinze départements (3)
en vue d'une thèse de troisième cycle, étude portant sur quelque
huit cents fontaines guérisseuses et environ cinq cents autres qui
ne le sont plus ou qui ne l'ont jamais été, nous a suggéré un
certain nombre de remarques sur la persistance jusqu'à une date
récente (1920-30) d'un certain nombre de pratiques millénaires, par
fois fixées d'ailleurs, bien qu'édulcorées, par le folklore mais aussi
par l'Eglise elle-même (4). Nous nous sommes attaché essentiell
ement aux sources douées de pouvoirs guérisseurs, car les fontaines
ont avant tout une vertu purificatrice et régénératrice, tant au
point de vue corporel que moral. L'eau, venue du ciel, féconde la
terre avant de ressortir à la lumière. Très tôt, ciel et terre ont
été conçus comme un couple, le partenaire masculin étant le soleil,
régulateur de toutes les manifestations du ciel, l'élément féminin
étant la terre, qui possède la force génératrice. La pluie réalise
la jonction entre les deux partenaires. Aux qualités tirées de leur
origine solaire, les eaux de sources joignent un enrichissement dû
à leur séjour au sein de la terre. Fécondante, mais aussi fécondée
elle-même, l'eau possède alors les aspects essentiels de la vie, mou
vement et parole. En tant qu'élément pur, elle efface toute souillure
et guérit toute maladie. Aussi les hommes ont-ils souvent placé les
eaux sous le patronage d'une divinité céleste et de la terre-
mère (5). Parfois ces deux divinités sont invoquées simultanément,
mais le plus souvent on s'adresse à la déesse-mère qui personnifie
la terre féconde, même à l'acmé de la civilisation gauloise, au
ni" siècle avant J.-C, mais alors la ne représente pro
bablement plus, temporairement d'ailleurs, qu'une émanation de
la grande déesse connue sous le nom latin de Minerve. Chaque
source ou presque possède à cette période son numen propre désigné
par un qualificatif, simple émanation d'une des cinq divinités du
panthéon pour ceux qui ont adopté la religion celte, divinité locale
indépendante pour les populations autochtones non celtisées, mais
qui se confond cependant dans leur esprit avec la terre-mère aux
contours assez flous. Finalement ces deux conceptions sont assez
proches l'une de l'autre pour que l'assimilation se soit réalisée dans
de bonnes conditions, sur le plan de la vénération des forces natur
elles du moins. Cette situation est d'ailleurs loin d'être essentielle
dans l'étude qui nous occupe, car nous n'avons pu percevoir des
distinctions de ce genre. Tout au plus avons-nous constaté que cer
tains rites (dépôts de pointes de flèches en silex, objets votifs de
l'Age du Bronze...) étaient de toute évidence antérieurs à l'arrivée
des Celtes en Gaule, mais dans la plupart des cas ne nous est ANNALES DE BRETAGNE 85
parvenue qu'une image déformée d'abord par Vinterpretatio romana
d'une religion gauloise en déclin, déformée encore par l'arrivée des
Germains de l'époque mérovingienne, et par la montée du christia
nisme. Des rites d'autrefois, certains sont interdits par l'Eglise
et disparaissent peu à peu, d'autres sont au contraire tolérés parce
que jugés inoffensifs ou au contraire trop profondément enracinés,
d'autres encore persistent en dehors de tout esprit religieux et se
sont perpétués dans le folklore, d'autres enfin gardent un aspect
religieux en dehors du christianisme et dévient vers la magie. Ce
sont ces trois derniers flux que nous nous sommes efforcés de
dégager des pratiques contemporaines.
I. L'époque préhistorique.
1. L'eau et le feu.
Nous avons évoqué plus haut la liaison de l'eau avec le soleil.
Cette connexion intime est souvent décelable au niveau des grands
sites où coulent des sources fortement minéralisées, mais au niveau
de l'humble font sans vertu apparente, modeste filet d'eau perdu
dans la campagne, le rapport avec le soleil est beaucoup plus dif
ficile à cerner, si difficile même que nous estimons à moins de
5 % le nombre de fontaines du Centre et de FOuest qui en présen
tent quelques traces. Nous pensons essentiellement au choix de la
Saint-Jean-Baptiste comme date, encore que l'absorption ou le bain
n'ait pas lieu à midi, mais toujours la veille au soir, c'est-à-dire
le 23 juin. L'été débutant le 21 juin, et le soleil culminant à midi,
nous avons là deux anomalies difficilement explicables. M. Audin
propose de voir dans le choix de la soirée précédant le 24 juin
l'intention de boire l'eau au moment où le soleil descend vers la
terre, transmettant ainsi directement les vertus de l'astre aux
sources et aux rivières (6). Dans certaines régions, le folklore rap
pelle encore ce choix délibéré : on faisait dévaler vers la rivière
une roue enflammée, la veille du solstice d'été (pratique abandonnée
vers 1914). Les feux de joie allumés en Bretagne à côté des fontaines
procèdent de la même intention : nous pouvons évoquer à titre
d'exemple le département du Morbihan, où, avant la dernière guerre,
une dizaine de feux étaient allumés (7), parfois par l'intermédiai

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