Un philosophe breton, Théodule Ribot (1839-1916) - article ; n°2 ; vol.32, pg 145-168
25 pages
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Un philosophe breton, Théodule Ribot (1839-1916) - article ; n°2 ; vol.32, pg 145-168

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Annales de Bretagne - Année 1917 - Volume 32 - Numéro 2 - Pages 145-168
24 pages

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Publié le 01 janvier 1917
Nombre de lectures 31
Langue Français
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Extrait

L. Dugas
Un philosophe breton, Théodule Ribot (1839-1916)
In: Annales de Bretagne. Tome 32, numéro 2, 1917. pp. 145-168.
Citer ce document / Cite this document :
Dugas L. Un philosophe breton, Théodule Ribot (1839-1916). In: Annales de Bretagne. Tome 32, numéro 2, 1917. pp. 145-168.
doi : 10.3406/abpo.1917.1451
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1917_num_32_2_1451L. DUGAS
UN PHILOSOPHE BRETON
THÉODULE RIBOT
(1839-1916)
Si jamais on écrit l'histoire de la philosophie bretonne,
vaste sujet qui a tenté l'un des maîtres de l'Université de
Rennes, M. Louis Robert, — mais il ne l'a qu'effleuré et a
publié en tout, ici même, une étude sur Keranllech, — un
chapitre important de cette histoire devra être consacré au
grand psychologue qui vient de s'éteindre à Paris, Théodule
Ribot.
Les philosophes bretons se divisent en deux groupes caract
érisés, l'un par la tendance métaphysique et religieuse
(Lamennais et Renan), l'autre par la tendance scientifique ou
positive (La Mettrie, Maupertuis et Broussais). Ribot serait
sans conteste le chef éminent de ce dernier groupe, le repré
sentative man du positivisme breton.
Il est remarquable qu'il n'a rien écrit sur la Bretagne et ne
s'est jamais réclamé de sa race. Je ne vois dans tous ses
ouvrages qu'une allusion ù son pays, et c'est pour dire qu'il
a fait une centaine de fois le voyage de Paris ù Brest. Lorsq
u'il traite « de l'hérédité et du caractère national ». lorsqu'il
analyse la nation de race, il puise ses exemples dans Fhjs-
toire, il invoque celui des Juifs, il ne cite point le type Celte, 146 UN PHILOSOPHE BRETON.
si caractéristique pourtant, qu'il pouvait contrôler et qu'il
devait bien connaître. Il se fût évité, s'il l'eût choisi, la contes
tation un peu vive qu'il s'attira, à la soutenance de sa thèse,
de la part de Franck. Ribot avait fait sienne cette opinion de
Renan que les Juifs sont mal doués pour « la science ration
nelle et la philosophie ». Franck, israélite et philosophe, plaida
sa cause. — M. Robert, de qui je tiens cette anecdote, ne dit
point s'il la gagna auprès des assistants.
On peut regretter que Ribot n'ait point donné dans son
œuvre le pendant à la Poésie des races celtiques de Renan
ou à la Psychologie du peuple breton de Raoul de la Orasserie.
Mais en revanche on trouvera bon qu'il ne se soit pas livré
aux facéties de Renan sur l'hérédité : celui-ci se félicite d'avoir
bénéficié des économies de pensée de ses ancêtres ; ces consi
dérations philosophiques, cette rosserie filiale ne sont point
dans la manière de Ribot. Ribot traite la science avec gravité
et est Breton avec simplicité. Il est attaché à son pays; il venait
passer les quelques semaines de vacances qu'il s'accordait
chaque année à Kermoroch (près de Guingamp) et à Dinan ;
il vint encore à Dinan en 1916. Il goûtait là le repos, le silence
de la campagne et des bois, le charme des souvenirs ; il se
promenait le plus souvent seul, se montrait très gai, très
accueillant et très simple, ne parlant jamais de lui ni de ses
travaux. Il aimait à rappeler qu'il était Breton et il fut l'un
des défenseurs de la chaire de Celtique au Collège de France,
quand il fut question de la supprimer. Il relevait vertement
les ignorants qui traitaient le breton de « patois » : le breton
est une langue, disait-il, il a une grammaire. Ce n'est pas qu'il
parlât lui-même cette langue, mais il l'entendait M.
Ribot avait donc le culte de sa province ; il n'en avait point
le préjugé et la superstition. Il était Breton sans y mettre de
vanité. 11 l'était encore par le sérieux de son esprit; C'est là le
trait de race qui semble le plus remarquable en lui. Il nVst
(1) Renseignements dus à l'obligeance de notre collègue M. Le Roux et
de Mwe Ribot. RIBOT. 147 THÉODULE
pas aussi commun qu'on pourrait croire et le distingue entre
ses compatriotes les plus illustres, Chateaubriand par exemple
et tant d'autres, plus ou moins, comme Renan, mâtinés de
Gascon.
Nous ne voulons pas consacrer à Ribot une étude complète,
mais donner seulement une vue d'ensemble de son œuvre et
rassembler quelques notes et souvenirs sur l'homme, sur le
professeur, sur le directeur de revue, tel qu'il nous a été
dépeint, tel que nous l'avons connu. Nous ne dirons rien de
l'enseignement de Ribot à la Sorbonne, au Collège de France ;
G. Dumas, qui a suivi cet enseignement, en parlera avec
l'information, la compétence et l'autorité qui nous manquent
dans l'article qu'il a promis à la Revue philosophique. Nous
ne faisons ici qu'apporter notre part personnelle de souven
irs, en même temps que notre tribut de respect, d'affection
et de reconnaissance au maître disparu.
Théodule-Armand Ribot est né à Guingamp, le 18 décembre
1839. Il fit ses classes de grammaire au collège de sa ville
natale, ses humanités au lycée de Saint-Rrieuc. Ceux qui
veulent retrouver dans l'enfant les destinées de l'homme
seraient déçus en consultant ses notes et places d'écolier. Il fut
un brillant rhétoricien (1er prix de discours français) et un
philosophe moyen, ordinaire : dans la classe de logique (ainsi
s'appelait en 1857 la philosophie), il eut, c'est vrai, le prix de
dissertation latine, mais seulement le deuxième accessit de française. D'une façon générale, il tient un bon
rang dans sa classe ; il n'est pas le premier d'emblée et sans
rivaux. On relève son nom sur les palmarès de 1855, 1856
et 1857.
Ribot ne paraissait pas sans doute un de ces élèves marqués,
d'un sceau fatal, pour la carrière de l'enseignement, ou bien
peut-être ses parents voulaient lui en épargner les déboires ;
toujours est-il que son père le contraignit à entrer dans
l'enregistrement ; mais, au bout de deux ans, il abandonna ses
fonctions, vint à Paris et s'y prépara à l'Ecole normale où il
entra en 1862, à l'âge de 23 ans. 11 y eut pour maîtres son 148 UN PHILOSOPHE BRETON.
compatriote Ëdme Garo et le psychologue Albert Lemoine ;
llibot était encore à l'école lorsque Jules Lachelier y inaugura
son enseignement, en 1864. Garo put lui communiquer le
dégoût de Cousin, Albert Lemoine le. goût de la psychologie,
orientée vers la physiologie, et Lachelier, celui des analyses
serrées, précises, sobres et vigoureuses. Il fut reçu agrégé en
i865. Il passa septjans dans l'enseignement, trois au lycée de
Vesoul, quatre à celui de Laval.
Les souvenirs qu'il a laissés dans cette dernière ville vont
nous permettre de retracer la physionomie de Ribot comme
professeur. J'ai prié un de ses anciens élèves, mon ami le
docteur Leroy, de me faire le portrait de son maître. Non pas
son portrait physique; je n'en avais pas besoin. Je nie souviens
en effet très bien (j'étais alors en cinquième) de la silhouette
de Ribot, circulant dans la cour des classes, où les professeurs
se promenaient par groupes, avant le roulement de tambour
de 8 heures. Mince, fluet, il trottait menu, presque toujours
aux côtés du grand Deschamps, le professeur d'histoire, dont
il semblait rechercher la compagnie. Mais qu'était Ribot dans
ses rapports avec ses élèves, dans son enseignement ? C'est
ce que Leroy va nous dire. On aurait pu supposer (cette
hypothèse désobligeante, je la retrouve dans ses notes, sous
la plume du proviseur Martin ; il ne la fait d'ailleurs que pour
l'écarter) que, préoccupé de ses travaux personnels, écrivant
ou ayant déjà écrit son premier livre, la Psychologie anglaise
contemporaine, méditant sa thèse sur YHérédité, Ribot était
quelque peu détaché de sa classe. Pas du tout ! C'était un
professeur probe, consciencieux, zélé. De plus, ses élèves
existaient pour lui ; il leur eût voulu assurément plus de
personnalité et de vie ; mais, tels qu'ils étaient, ils avaient à
ses yeux une valeur psychologique, ils n'étaient pas de
simples unités numériques et abstraites, des « élèves » sans
plus.
u C'était, dit Leroy, un brave homme dans la force

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