Un rite d adolescence Juif laïque - article ; n°1 ; vol.70, pg 143-163
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Un rite d'adolescence Juif laïque - article ; n°1 ; vol.70, pg 143-163

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Description

Communications - Année 2000 - Volume 70 - Numéro 1 - Pages 143-163
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Michèle Fellous
Un rite d'adolescence Juif laïque
In: Communications, 70, 2000. pp. 143-163.
Citer ce document / Cite this document :
Fellous Michèle. Un rite d'adolescence Juif laïque. In: Communications, 70, 2000. pp. 143-163.
doi : 10.3406/comm.2000.2067
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2000_num_70_1_2067Michèle Fellous
Un rite d'adolescence
juif laïque
De la naissance à la mort, notre vie coule de passage en passage. Chaque
passage ouvre sur un autre passage, comme une porte ouvrirait sur une
autre porte. Étapes difficiles souvent, parce que ambiguës, contradictoir
es ; toute séparation est aussi une perte. Chaque passage ravive les pré
cédents, est à la fois mort et renaissance. Mouvement vers la vie, mou
vement vers la mort, cette spirale trace le temps humain.
Au niveau psychique, ces périodes sont souvent des moments de crise :
il y a confusion, angoisse devant la perte et l'inconnu qui s'ouvre. Ce sont
des étapes décisives : l'identité du moi s'y reconstruit en se redéfinissant
dans sa continuité biographique, interrelationnelle et intergénération-
nelle. Ce mouvement s'accompagne d'un questionnement existentiel sur
les valeurs guidant nos conduites. Les passages ne renvoient pas pour
autant à des seuils concrets, jalonnant le cycle des saisons comme le cycle
de vie, dont le franchissement délimiterait nettement un avant et un après.
La réalité vécue est plus complexe. Les frontières entre les âges de la vie
ne sont pas toujours aussi nettes : quand commence la vieillesse ? Quand
finit l'adolescence ? Si la maturation des fonctions physiques est l'assise
sur laquelle s'étaye le développement psychique, il n'y a pas coïncidence
exacte entre cette maturation, son intégration vécue et sa reconnaissance
sociale : l'enfant n'est pas né pour autant que le cordon ombilical qui le
retenait à sa mère a été coupé ; la puberté physique ne signe pas en soi
la fin de l'enfance... De tout temps, dans toutes les sociétés, des rites ont
existé pour accompagner les êtres humains dans ces moments charnières
de leur vie. Ils en façonnaient le passage, vivifiant en même temps les
1 à ce sujet restent une référence. liens sociaux. Les travaux de Van Gennep
En mettant au jour trois étapes — séparation de l'état antérieur du groupe
d'appartenance, marginalisation et agrégation à l'état supérieur -, l'et
hnologue révélait une structure universelle de séparation apparaissant dans
tous les rites de passage, et pouvant être analysée en soi, sans en référer
143 Michèle Fellous
nécessairement à un corpus de croyances. Il montrait que le passage à
l'étape suivante du cycle de vie n'est pas de l'ordre du biologique mais
de l'ordre du langage et de la culture. Les rites opèrent une manipulation
symbolique du temps : ils le ralentissent, creusent un écart entre deux
états, doublent le temps biologique d'un temps symbolique et social au
terme duquel le changement est effectif : le rite fait le changement, il ne
se contente pas de l'accompagner ; il confère au temps sa réalité.
Les rites d'adolescence sont spécifiques aux sociétés et communautés
qui veulent s'attacher leurs membres : des modèles sont donnés auxquels
les jeunes s'identifieront dans une visée de reproduction de la société où
ils vivent. Durkheim a analysé comment les rites étaient un lieu de recons
titution de la société : ils marquent une rupture du temps quotidien et
l'ouverture à un temps mythique fondateur pour le groupe, qui alors se
ressource. La communauté présente se ressoude en se donnant à voir à
elle-même. . Les rôles des uns et des autres sont réactualisés ; chaque
membre, par l'expression codifiée des sentiments, les dons, réaffirme
publiquement son statut et sa position dans la lignée et dans le groupe.
La dimension obligatoire vient de ce qui se joue là, par-delà l'individu
auquel le rite semble s'adresser.
Dans les sociétés occidentales industrialisées et urbanisées, un courant
de la recherche sociologique, dans une lignée wéberienne, fait état d'une
déritualisation qui serait liée à la perte d'emprise des religions, à l'effr
itement des liens communautaires et à la rationalité du monde moderne.
La requête moderne . de l'autonomie de l'homme laisse à penser que
celui-ci trouve en lui-même les ressources pour franchir ses épreuves.
L'individualisme s'est conquis sur le traditionalisme qui lie indissolubl
ement l'individu à sa communauté d'origine, à son environnement naturel
et au monde des ancêtres. En se libérant de la pesanteur des ancêtres, en
affirmant l'unicité et l'unité de sa personne, l'homme moderne découvre,
au plus profond de sa singularité, l'universel. En l'absence de rites col
lectifs porteurs, la démarche par laquelle le sujet va se constituer est un
défi permanent : séparations jamais acquises, mises à l'épreuve de soi
sans cesse rejouées, identité multiple et éclatée. En cas de crise dans ce
parcours, les blocages seront dépassés avec l'aide d'un expert-thérapeute.
Le passage s'élabore alors dans une relation duelle, en dehors de toute
prise en charge communautaire ; le sens de la souffrance se réfère à la
symbolique individuelle de l'analysé, telle qu'elle se repère dans son his
toire de vie singulière et familiale.
En marge ; d'une alternative qui opposerait « communauté » à forte
ritualité, rassemblée autour d'une symbolique vécue comme transcen
dante, imposant une identité de l'extérieur à ses membres, et la « moder-
144 Un rite d'adolescence juif laïque
nité » qui valoriserait l'autonomie, l'individualisme, l'expérience personn
elle au détriment de rituels et rôles établis, je voudrais donner l'exemple
d'une communauté qui, refusant d'essentialiser sa différence, dans une
distance exclusive à l'autre, élabore de nouveaux rituels où se nouent
destinées individuelles, destinée familiale et destinée collective. Cette
démarche passe par une historicisation de la tradition sur laquelle elle est
censée se fonder et par le réexamen de son identité, conciliant ainsi affi
liation obligatoire et affiliation choisie, identité imposée et identité
reflexive : cette dernière, par une réflexion systématique sur soi sur un
mode narratif, réoriente son histoire et contribue à la constituer. Je par
lerai ici du rite d'adolescence élaboré par la communauté juive laïque de
Belgique.
Le mouvement juif laïque existe en Israël, aux Etats-Unis, en France,
mais la réflexion sur les rites est probablement plus poussée en Belgique.
Les membres de ce mouvement se disent Juifs « du questionnement », en
position interrogative tant vis-à-vis de la tradition - qu'ils constituent
dans son intégralité comme patrimoine - que de la modernité, dont ils
revendiquent par ailleurs les valeurs fondatrices. Identité collective ne
signifie pas selon eux ghettoïsation ni régression à des traditions primitives
obscurantistes, pas plus que le particularisme n'est incompatible avec les
lois de l'être-ensemble. A partir d'une autre définition de l'identité juive,
la communauté juive laïque de Bruxelles a mis sur pied dans les années 80
de nouveaux rites de passage. Le passage de l'adolescence a, un des
premiers, retenu l'effort de ses membres.
Du rite d'adolescence religieux à la recherche d'un nouveau rite.
Rite d'adolescence, la Bar-Mitsvah marque traditionnellement pour le
jeune Juif la fin de l'enfance et l'entrée dans l'âge adulte. À travers ce
passage il quitte l'univers protégé de l'enfance pour prendre sa part de
responsabilité dans la pérennité du monde d'où il vient. Il « prouve »
symboliquement qu'il est capable d'assumer cette responsabilité en lisant
et commentant devant ses maîtres, parents et amis réunis à la synagogue
la Torah, le livre sacré du peuple juif. Cette épreuve clôt une année d'étude
passée avec d'autres adolescents guidés par un rabbin ; le jeune devient
alors «

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