Une entrée royale au XIXe siècle : Charles X à Mulhouse en 1828 - article ; n°2 ; vol.17, pg 287-298

Marie-Claire Vitoux

Description

Histoire, économie et société - Année 1998 - Volume 17 - Numéro 2 - Pages 287-298
Abstract : In September 1828 an unlikely meeting took place between the « ultra » king Charles X and the citizens of Mulhouse, which had been a free state down to 1798 et which was even then reputed for its liberalism and even its republicanism. This paper shows that the interests of the two protagonists were converging : Charles X, who came to Mulhouse accompanied by the moderate prime minister Martignac whom he has been obliged to appoint as a result of recent elections, was trying to find a new support for his legitimacy by having himself acclaimed in that stronghold of modern economy. The City was trying to put an end to fifteen years of political conflicts in order to concentrate on industrial development. This paper analyses how, on that occasion, what was said and done and the colors displayed were used to publicize this New Alliance.
Résumé : En septembre 1828 se produit la rencontre improbable entre Charles X, le roi ultra, et la ville de Mulhouse, république libre jusqu'en 1798 et réputée pour son libéralisme, voire son républicanisme. L'article montre la convergence d'intérêts entre les deux protagonistes : Charles X, qui fait le déplacement avec le ministre modéré Martignac que lui ont imposé des élections récentes, tente de ressourcer sa légitimité en se faisant acclamer dans cette citadelle de la modernité économique. La Ville, quant à elle, met fin à 15 ans de déchirements politiques pour mieux se concentrer sur sa réussite industrielle. L'article analyse comment les faits et les gestes, les discours et les couleurs scellent cette « nouvelle alliance ».
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 24
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Marie-Claire Vitoux
Une entrée royale au XIXe siècle : Charles X à Mulhouse en
1828
In: Histoire, économie et société. 1998, 17e année, n°2. pp. 287-298.
Résumé : En septembre 1828 se produit la rencontre improbable entre Charles X, le roi ultra, et la ville de Mulhouse, république
libre jusqu'en 1798 et réputée pour son libéralisme, voire son républicanisme. L'article montre la convergence d'intérêts entre les
deux protagonistes : Charles X, qui fait le déplacement avec le ministre modéré Martignac que lui ont imposé des élections
récentes, tente de ressourcer sa légitimité en se faisant acclamer dans cette citadelle de la modernité économique. La Ville,
quant à elle, met fin à 15 ans de déchirements politiques pour mieux se concentrer sur sa réussite industrielle. L'article analyse
comment les faits et les gestes, les discours et les couleurs scellent cette « nouvelle alliance ».
Abstract : In September 1828 an unlikely meeting took place between the « ultra » king Charles X and the citizens of Mulhouse,
which had been a free state down to 1798 et which was even then reputed for its liberalism and even its republicanism. This
paper shows that the interests of the two protagonists were converging : Charles X, who came to Mulhouse accompanied by the
moderate prime minister Martignac whom he has been obliged to appoint as a result of recent elections, was trying to find a new
support for his legitimacy by having himself acclaimed in that stronghold of modern economy. The City was trying to put an end to
fifteen years of political conflicts in order to concentrate on industrial development. This paper analyses how, on that occasion,
what was said and done and the colors displayed were used to publicize this New Alliance.
Citer ce document / Cite this document :
Vitoux Marie-Claire. Une entrée royale au XIXe siècle : Charles X à Mulhouse en 1828. In: Histoire, économie et société. 1998,
17e année, n°2. pp. 287-298.
doi : 10.3406/hes.1998.1986
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1998_num_17_2_1986ENTRÉE ROYALE AU XIXe SIÈCLE UNE
CHARLES X À MULHOUSE EN 1828
par Marie-Claire VITOUX
Résumé :
En septembre 1828 se produit la rencontre improbable entre Charles X, le roi ultra, et la
ville de Mulhouse, république libre jusqu'en 1798 et réputée pour son libéralisme, voire son
républicanisme. L'article montre la convergence d'intérêts entre les deux protagonistes :
Charles X, qui fait le déplacement avec le ministre modéré Martignac que lui ont imposé des
élections récentes, tente de ressourcer sa légitimité en se faisant acclamer dans cette citadelle de
la modernité économique. La Ville, quant à elle, met fin à 15 ans de déchirements politiques
pour mieux se concentrer sur sa réussite industrielle. L'article analyse comment les faits et les
gestes, les discours et les couleurs scellent cette « nouvelle alliance ».
Abstract :
In September 1828 an unlikely meeting took place between the « ultra » king Charles X and
the citizens of Mulhouse, which had been a free state down to 1798 et which was even then
reputed for its liberalism and even its republicanism. This paper shows that the interests of the
two protagonists were converging : Charles X, who came to Mulhouse accompanied by the
moderate prime minister Martignac whom he has been obliged to appoint as a result of recent
elections, was trying to find a new support for his legitimacy by having himself acclaimed in
that stronghold of modern economy. The City was trying to put an end to fifteen years of politi
cal conflicts in order to concentrate on industrial development. This paper analyses how, on
that occasion, what was said and done and the colors displayed were used to publicize this
New Alliance.
Mulhouse, ou plutôt Mulhausen puisqu'elle garda son nom germanique
jusqu'en septembre 1848, ville libre alliée aux cantons suisses jusqu'à ce qu'à
demi-consentante, à demi-contrainte, elle opte pour le rattachement à la France
en 1798, Mulhouse accueille le souverain français Charles X le
11 septembre 1828. Une ville, un Roi, une fête de quelques heures, codifiée
pour être signifiante, mais signifiante de quelle alliance ? Le Roi est-il alors un
souverain incontesté qui vient obtenir soumission d'une ville nouvelle? La
ville est-elle au contraire en mesure de négocier son soutien et de se faire
payer sa fidélité ? Une entrée royale dans une ville du royaume est toujours un
acte politique dont la signification se donne à voir autant qu'à dire : les discours
HES 1998 (17e année, n° 2) 288 Histoire Economie et Société
prononcés par les protagonistes, les récits postérieurs qui en sont autorisés et
qui organisent la mémoire de l'événement mais aussi la mise en scène de la
ville, le trajet, les décorations des arcs de triomphe aux tapisseries, tout
concourt à donner sens. Certes, en ce début de XIXe siècle, l'organisation de
la fête réemploie les éléments médiévaux et modernes mais elle n'en est pas
prisonnière et le rituel, s'il est fixé, n'est pas figé : dès lors, l'étude de l'age
ncement des éléments festifs, des gestes et des mots des protagonistes, de l'i
nsertion de la fête dans l'espace urbain permettra d'analyser la nature de
l'alliance qui, en septembre 1828, est scellée entre le Roi et sa nouvelle
« bonne ville » de Mulhouse '.
Qui reçoit qui ?
Charles X vient à Mulhouse accompagné de son fils aîné le duc d'Angoulême
et de Martignac, son ministre principal même s'il n'a que le titre de ministre
de l'Intérieur. Cette visite s'inscrit dans celle des départements de l'Est que le
Roi effectue ce mois-là. Le passage à Mulhouse n'était pas prévu dans le pr
ogramme initial du Roi. Mais les deux protagonistes, la Ville et le Souverain,
vont s'entendre très rapidement pour l'organiser. Le 16 août 1828, le Conseil
Municipal se réunit « spontanément » au domicile du Maire, M. Blanchard,
car il vient d'apprendre la visite prochaine du Roi dans les départements de
l'Est. Le Conseil charge le Maire de « prier M. le Préfet de s'interposer pour
obtenir que les augustes voyageurs honorent la ville de Mulhausen de leur
présence » 2. Cet empressement de la cité rencontre l'accord immédiat du Roi
puisque dès le 25 août, ayant vu « ses vœux exaucés », elle peut préparer la
visite du Roi 3. Cela signifie que le Souverain, qui vient de Colmar et y retourne
après sa venue le 11 septembre, accepte de se « dérouter » et de rallonger son
voyage de quatre-vingts kilomètres aller-retour pour honorer Mulhouse. L'en
tente entre les deux protagonistes, il faut le souligner, a de quoi surprendre.
Tout en effet oppose, a priori, le Roi de la Réaction et la « Manchester
française ».
Charles X est roi de France depuis la mort de son frère Louis XVIII mais
il est à la tête de la tendance ultra qui a le vent en poupe et les rênes de la
France bien en mains depuis l'assassinat du Duc de Berry le 13 février 1820 :
l'interprétation libérale de la charte constitutionnelle de 1814 qu'avait tentée
son frère aîné (Louis XVIII parlait de « la route moyenne que je me suis
tracée ») est accusée d'avoir armé le bras de Louvel. Dès 1820 donc, le futur
Charles X, qui est alors comte d'Artois, donne un coup d'arrêt à l'évolution
vers une monarchie constitutionnelle et entame une longue série de mesures
1. Cet article est issu d'une communication à la table ronde organisée par l'URA CNRS 1010 et qui
s'est tenue à Strasbourg le 8 février 1997 sur le thème : « Espaces urbains, sociabilités et festivités : une
approche sur la longue durée ».
2. Délibérations du conseil municipal, AMM (Archives Municipales de Mulhouse) DIA 1 .
3. Idem.
HES 1998 (17e année, n° 2) entrée royale au XIXe siècle : Charles X À Mulhouse 289 Une
tendant à restaurer l'ordre ancien, dont la moins marquante ne fut pas son
sacre à Reims en mai 1825.
Mulhouse, de son côté, a connu une histoire ancienne et récente totalement
opposée. Petite cité de moins de six mille habitants à la fin du XVIIIe siècle,
elle fut pendant cinq siècles une Cité-Etat qui avait maintenu son indépendan
ce contre vents et marées, c'est-à-dire contre les Habsbourg, en tissant une
alliance avec