Revue française de science politique - Année 2000 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 3-20L'intervention de l'État aux frontières de l'action publique, là où elle va toucher les conduites en apparence les plus privées, en l'espèce les pratiques corporelles entourant la naissance et la mort, s'est profondément modifiée il y a trente ans. Un autocontrôle déjà pratiqué de fait depuis deux siècles dans le secret des alcôves a été promu en idéal d'État. A la faveur d'une dépénalisation généralisée, on peut faire pratiquer maintes manipulations sur notre propre corps ; à une condition : en passer par un médecin. Le contrôle de ces pratiques, contrepartie d'une prise en charge économique d'interventions souvent coûteuses (avortement, fécondation in vitro), se traduit alors par l'exhibition au cours d'un dialogue, d'un récit biographique, mesuré à l'aune d'un récit légitime. Ces dialogues seraient une caractéristique de la biopolitique aujourd'hui : il s'agit d'énoncer, à la demande, les « bonnes raisons » de la pratique. A une «police des corps » s'est substituée une «police des récits ». Au total, il s'agirait donc aujourd'hui moins tant de « punir » que de « surveiller » financièrement et bio graphiquement. Curieux dispositif d'autocontrôlé discursif, et, confié aux médecins, de contrôle étatique délégué, qui oblige à relire les théories de l'État de Michel Foucault et de Norbert Elias. Towards secular confession ? the new [french] state administration of bodies State intervention at the borders of public action, where it touches behavior that is apparently the most private, in particular corporal practices related to birth and death, underwent major changes 30 years ago. Self-control already practiced for two centuries in the secrecy of bedrooms was elevated to a State ideal. Thanks to a generalized decriminalization, many kinds of manipulations can be done on one's own body, under one condition : a physician's intervention. Control of such action, the counterpart of financial contributions for often costly procedures (abortion, in vitro fertilization), has its counterpart in a dialogue, the presentation of a biographical account to be compared to a legitimate account. Such dialogues are perhaps a feature of contemporary biopolitics : one must indicate, upon request, the « right reasons »for the action. A « policing of narration » has taken the place of « corporal police ». The issue today is less punishment than surveillance, financial and biographical. This is a strange discursive self-control device, entrusted to physicians, as a delegation of state control, and it makes it necessary to reread Michel Foucault's and Norbert Elias 'theories of the State. 18 pages Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.